Éducation - Landry, Facal et Lisée partent en guerre contre la réforme

Les anciens compagnons d'armes de Pauline Marois nient lui faire un croc-en-jambe, même si elle a lancé la réforme

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Marois "tannée"

Québec -- D'importantes personnalités péquistes -- l'ancien premier ministre Bernard Landry en tête -- qui étaient au pouvoir lorsque la réforme de l'éducation a été pensée et mise en place ont signé un manifeste la fustigeant et exigeant «l'annonce immédiate d'un moratoire» sur son implantation en 4e et 5e secondaire et à l'éducation des adultes.

Le texte, une initiative de la Coalition Stoppons la réforme (dont la Fédération autonome de l'enseignement et le Collectif pour une éducation de qualité sont les principaux membres), doit être publié à l'occasion d'une manifestation antiréforme prévue samedi à Montréal, a appris Le Devoir. D'autres bonzes péquistes ont aussi apposé leur paraphe au bas du texte qui réclame «une école démocratique, exigeante et centrée sur les connaissances»: l'ancien ministre péquiste Joseph Facal, l'ancien conseiller Jean-François Lisée et l'actuel vice-président et président de la commission politique du Parti québécois (PQ), François Rebello, entre autres.
C'est après «mûres réflexions», a expliqué M. Landry au Devoir hier, qu'il s'est laissé convaincre de signer le document, dans lequel on affirme que la réforme «est un échec et son implantation aveugle et obstinée met en péril l'avenir de nos élèves et de la société québécoise». Car il était membre du cabinet Bouchard lorsqu'elle a été adoptée en 1997 -- alors que Pauline Marois était ministre de l'Éducation -- et il était premier ministre lorsqu'elle a été implantée. Mais selon lui, lorsque, «de bonne foi», il l'a appuyée: «on promettait de remettre l'école sur les matières de bases», le français, l'histoire et les mathématiques. «Or, on se rend compte que ça n'a pas été atteint, au contraire», dit-il. Il s'explique ainsi: «on ne nous a jamais dit, au conseil des ministres, que ça voulait dire la disparition des moyennes de groupe, que ça signifiait le non-redoublement et la primauté des "compétences transversales", des mots à peine compréhensibles! L'imposition d'une révolution pédagogique à des enseignants, c'est raide, parce qu'eux, c'est leur métier. Or, c'est le ministère qui a choisi les méthodes.»
De plus, M. Landry soutient qu'on a «l'impression d'un recul». Il se désole que les résultats des élèves québécois aux tests internationaux «reculent de façon alarmante». Il cite une série de chiffres: «en 2000, on était cinquième en mathématiques, on est 14e en 2005! Les échecs en français [en 6e année] sont passés de 10 % en 2000 à 17 % en 2005. En lecture -- c'était notre fierté --, 6e en 2000, 23e en 2005! La science, un autre sujet de fierté et d'espoir: 9e en 2000, 19e en 2005. On le voit: ç'a produit le contraire de ce qu'on souhaitait. C'est angoissant.» M. Landry estime que ce n'est pas pour lui «une question de politique», c'est en sa qualité de «grand-père qui a des enfants à l'école» qu'il s'inquiète.
Rejetée par les profs
C'est l'avis aussi de deux autres proches de Pauline Marois qui ont aussi signé le manifeste: Joseph Facal et Jean-François Lisée. Le premier dit avoir réfléchi longuement: «J'ai quand même fait partie du gouvernement sous l'égide duquel ont eu lieu les États généraux qui ont enclenché la réforme», a noté M. Facal avec une sorte de malaise. «Mais au bout du compte, ajoute-t-il, on demeure citoyen, père d'enfant également, dans mon cas.» De plus, lorsqu'il compare «les intentions initiales» de la réforme à ce que le «renouveau pédagogique» a été, il s'est dit «très à l'aise» de signer le manifeste. «L'un des aspects les plus troublants de cette affaire-là est le rejet massif de la réforme par les enseignants eux-mêmes», insiste-t-il.
Jean-François Lisée, qui était conseiller spécial jusqu'en 1999, parle carrément de «détournement» de réforme par la bureaucratie. Le texte du manifeste parle d'ailleurs de «l'incurie du MELS» (ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport). Il admet qu'on puisse «plaider» pour certains des éléments de la réforme sur le plan intellectuel, «mais en ce moment, selon l'évaluation qu'on peut faire de la réforme au primaire, les éléments qu'on en a sont plutôt négatifs». Selon lui, il faut un moratoire de dix ans sur son application, une décennie où on ferait des projets-pilotes et au terme de laquelle on pourrait évaluer les résultats. Aujourd'hui, au contraire, «par une espèce d'acte de foi», on l'a appliquée «sur la totalité des cohortes d'étudiants. Je trouve ça très imprudent».
Il ne faudrait pas voir dans cette sortie de personnalités péquistes un croc-en-jambe à la chef actuelle, disent en choeur les signataires péquistes du manifeste. D'ailleurs, lorsque son entourage a été mis au courant de l'appui des Landry, Facal, Lisée et Rebello à ce texte, on a rappelé que Mme Marois avait aussi émis des réserves au sujet de la réforme de l'éducation, le 7 novembre. «Je crois qu'elle a bifurqué en cours de route [...], il y a eu quelques dérapages [...], et je crois que ça prend certains redressements.» Elle se disait toutefois «toujours très fière d'avoir engagé cette réforme» et regrettait «de ne pas l'avoir suivie dans tous ses aspects», soutenant que «ses fondements étaient solides». En chambre, elle a ajouté que c'est «l'application» qu'en fait le gouvernement Charest «qui la dénature».


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