Bordel, est-ce qu’on peut discuter?!

Marois "tannée"


Pour mon plus grand malheur, la sortie de Pauline Marois visant à museler nos intellectuels souverainistes est arrivée une semaine trop tôt. Ma chronique étant prévue pour le 10 février, je me suis demandé s’il serait pertinent de commenter sa saute d’humeur, puisque de toute façon, tout aurait déjà été dit. Frustré, donc, et pas à peu près. À ma grande surprise, on a eu droit à tout. Cela m’a convaincu de me mouiller moi aussi, question d’enfoncer le bouchon un peu plus.
Il y a eu de tout, je vous dis. Prenons une date au hasard. Mardi le 5 février, par exemple. Ce jour là, les analyses de Michel David et d’[André Pratte->11618] convergeaient : faut pas charrier, ce n’est pas de laver son linge sale en public que de vouloir susciter un débat autour de questions qui sont d’intérêt public. Je le dis sans ambages : je partage totalement leur opinion. Oui, vous avez bien lu : Pratte et moi sommes d’accord. [Quant à David, sa chronique->11613] portait plus loin, puisqu’on y apprenait que la crisette de madame Marois n’était pas qu’une simple erreur de parcours. Elle aurait dit, lors de sa visite au Devoir lundi dernier, qu’elle entendait imposer le silence aux membres de son parti « qui ont des points de vue à faire connaître ». Inquiétant.
Toujours le même jour, dans le Journal de Montréal, Richard Martineau frappait bas. Tellement, que je me suis même demandé s’il était au courant de ce qui se passait réellement. À la lecture de sa chronique, on a l’impression que le PQ vit une autre « Nuit des longs couteaux », que la bisbille fleurit, que les croc-en-jambe pleuvent à s’en faire mal aux pattes et que la conspiration couve tel un tsunami en devenir. Un peu plus et il s’écriait « Vive la reine! », tellement était grande sa soif de justice envers madame Marois. Les péquistes, donc, et Landry en tête, se doivent de se la fermer. Bizarre de la part d’un columnist qui n’hésite à vilipender les uns et les autres, et ce, dans un tabloïd à grand tirage. Par ailleurs, Martineau avait tout faux : il n’y a pas de règlement de compte en ce moment au PQ. Peut-être que les prises de position publiques de Landry visent à déstabiliser Pauline Marois, mais on aurait tort de penser qu’il ne fait que cela.
Ce n’est pas fini. Toujours le 5 février, on pouvait lire dans la Presse l’opinion de [Michelle Carrier de Sisyphe->11619], un site internet féministe dont les analyses sont souvent fort intéressantes. Dans un certain sens, Sisyphe est au mouvement féministe ce que Vigile est au mouvement souverainiste. À la lumière de ce que j’ai lu, toutefois, il est à craindre que Sisyphe se retrouve aujourd’hui en déficit de crédibilité. Ce qui horripile madame Carrier, « ce sont les techniques de déstabilisation que pratiquent des mâles de l’espèce péquiste depuis l’arrivée de Pauline Marois ». Tous y passent : Landry, Lisée, Facal, Rebello. De façon détournée, on devine qu’elle vise aussi le SPQ Libre, Larose et autres Monière. La cerise sur le sundae : elle place dans le même tas Mario Dumont et Québec Solidaire. Son truc était tellement virulent que ça m’a troublé au point de me poser des questions… Quelles que soient ses motivations, la dame a tout faux, elle aussi : soutenir la chef du PQ est une chose, mais dire qu’elle est victime du mépris des mâles sexistes et réactionnaires du PQ, c’en est une autre. Théorie du complot machiste, quand tu nous tiens!
Tout ça pour dire que j’en ai marre de cette paranoïa tourbillonnante. Lisée, Facal, Landry et Rebello se sont joints au mouvement qui réclame un moratoire concernant la réforme de l’éducation. Si ça brasse autant après tant d’années, c’est qu’il doit bien y avoir quelque chose qui ne va pas quelque part, non? Par ailleurs, ce n’est pas d’hier que cette réforme est critiquée. Marois est contre l’idée d’un moratoire? Soit, on en prend acte. Et qu’elle nous démontre qu’elle a raison quand elle dit qu’on doit plutôt préconiser un redressement, et que les membres du PQ doivent se rallier à cette position. Dans ce débat, je ne sais pas qui a raison. Je sais seulement que ça va mal, et là-dessus tout le monde s’entend, y compris la ministre Courchesne qui ne semble pas faire dans le déni.
Pour ma part, je n’ai pas envie que l’on scrappe l’éducation de nos jeunes, je n’ai pas envie de voir le Québec créer une génération Z qui, en plus d’être endettée, sera mal éduquée. J’ai peut-être tort de craindre le pire, mais j’interroge. Et en tant que citoyen, je suis bien content que les Lisée, Landry, Rebello, Facal et Dumont, ainsi que tous les autres, sonnent la cloche. Marois n’avait qu’à surfer là-dessus, dans le genre « Je préfère qu’il y ait redressement, mais nous allons en discuter à fond dans le parti et nous prendrons position dès que possible ». Bref, elle n’avait pas à en faire tout un plat, même si elle a le droit (ou le tort) de se sentir un peu visée, elle qui a déjà été ministre de l’Éducation. À mon avis, nos péquistes soi-disant comploteurs cherchaient plutôt à brasser le PLQ et la ministre Courchesne -– et pourquoi pas le Québec tout entier --, plutôt qu’à nuire à Pauline Marois. Dans le cas de Dumont, c’est différent : ratoureux comme il est, c’est certain qu’il a reconnu là l’aubaine qui lui permet de mettre dans l’embarras autant Courchesne que Marois.
Ce qui me choque le plus dans cette histoire, c’est que sans cette sortie de Pauline Marois, tout serait au beau fixe. On débattrait sur les positions du SPQ Libre, on s’interrogerait sur la fameuse réforme de l’éducation, on approfondirait les idées de Gérald Larose. Si j’étais un péquiste destiné à participer au Conseil national du mois de mars, je serais furieux. De quel droit demande-t-on à des souverainistes impliqués depuis longtemps dans les questions publiques de se taire, sous prétexte que cela donne une image de dissension, pour ne pas dire de complotage? Une tentative de déstabilisation, [l’article de Gérald Larose dans L’Action nationale de décembre dernier->10972]? Loin d’attaquer Pauline Marois, [le SPQ Libre endosse l’orientation qu’elle a prise et propose des idées->11479] qui, selon lui, pourraient inspirer le PQ en matière de gouvernance nationale. Est-ce là laver son linge sale en public? Une trahison, l’appel au moratoire des Lisée, Landry, Facal et Rebello? Ben voyons! Dans le cas de Rebello, tout au plus, pouvons-nous dire qu’il a commis une erreur de jugement.
Oui, cette histoire me fâche. J’ai déjà milité au PQ et je sais que l’information n’y circule pas toujours bien, qu’il n’est pas facile pour le simple militant de débattre dans les « instances ». Et les lieux pour le faire sont plutôt rares. Alors c’est tant mieux s’il y en a qui ont suffisamment de notoriété pour rendre public le débat. Tout militant du PQ a le droit de s’informer, de prendre connaissance de ce que d’autres souverainistes ont à proposer. Surtout, il a le droit de connaître la réaction de la société civile face aux idées de ses pairs, et non pas seulement celles de madame Marois (dont celle d’ajouter plus d’anglais à l’école…).
Bordel, est-ce qu’on peut discuter?!


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 février 2008

    M. Bernard Desgagné, si Mme Marois quitte, qui pourrait porter vos espoirs , selon vous ?
    Il est trop tôt pour dire si Mme Marois fait bien ou pas d'aborder ces question là de cette manière là.
    Attendez donc avant de vous décourager. Les prochains sondages vont indiquer comment les choses vont pour le PQ que vous enterrez un peu trop vite, à mon avis.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 février 2008

    Pour avoir de l'autorité, un chef de parti politique doit rechercher les débats et montrer qu'il est capable de les gagner sur la place publique. Malheureusement, j'ai l'impression que Pauline Marois en est incapable. Elle préfère la muselière. Elle n'a tout simplement pas l'étoffe d'un vrai chef. J'espère que j'ai tort et qu'elle en fera la preuve bientôt, mais je suis très sceptique.
    Pire encore, lorsqu'un chef de parti défend une position qui est exactement contraire aux aspirations des militants et qui repose sur une analyse complètement faussée de la réalité, comme Pauline Marois vient de le faire sur la question linguistique, on peut s'attendre à ce qu'une crise sérieuse éclate. Une crise d'autorité.
    Comme, de toute manière, Pauline Marois ne propose pas la souveraineté du Québec avant les calendes grecques, aussi bien crever l'abcès tout de suite. Le Parti Québécois et le reste du Québec ont besoin de débats de fond et ont besoin de chefs capables d'y prendre part avec panache et avec compétence.
    Malheureusement, il faudra peut-être conclure que le Parti Québécois n'est plus vraiment le parti dont les indépendantistes ont besoin. C'est une perspective qui me chagrine profondément.

  • Robert Bertrand Répondre

    10 février 2008

    Je veux connaître l'équipe du PAYS
    Pour prendre le pouvoir il nous faut une personne qui sache où l'on s'en va et qui l'exprime.

    Il faut que l'on se rende compte que cette personne n'agit pas seule avec elle-même mais bien qu'elle est supportée par une équipe. Une équipe de personnes qui se parlent, qui échangent, qui conviennent de l'objectif ou des objectifs à atteindre.

    Je veux bien qu'une personne domine mais il faut qu'elle permette à d'autres d'intervenir, se faire connaître et exposer leurs capacités, leurs connaissances, leurs savoirs.

    S'il forme une équipe, cela ne veut-il pas dire qu'ils se rencontrent, qu'ils échangent, qu'ils partagent ensemble les objectifs à atteindre et qu'ils sachent, les uns et les autres, les unes et les autres ce que pensent et veulent présenter à l'ensemble des citoyens et citoyennes qu'ils ou qu'elles représentent ?

    Comment concevoir qu'on travaillerait en équipe et que l'on se connaisse assez bien et que les principaux lieutenants puissent se faire réprimander publiquement ?

    Un ou une députéE qui se fait élire doit pouvoir parler, doit pouvoir connaître une liberté de fonctionnement dans le cadre d'une démarche qui est connue, présentée, documentée, acceptée et définie. Les députéEs ne doivent-ils pas montrer un certain travail d'équipe ? Ne sont-ils pas ceux et celles qui formeront "L'ÉQUIPE DU PAYS"?

    N'est-ce pas le nécessaire objectif majeur qu'il nous faut se donner, qu'il nous faut créer, réaliser, parfaire ?

    Quel que soit le parti politique qui veut prendre le pouvoir pour réaliser le Pays ne faut-il pas qu'il nous montre qu'il en a les capacités par la qualité de ses propres représentants et l'ensemble de l'équipe qui est appelée à échanger avec les citoyens et citoyennes ?

    Dans des situations de désastre national, on peut accorder tous les pouvoirs à une personne "en qui nous mettons toute notre confiance".

    La création du Pays n'est pas l'occasion d'un désastre national mais d'une perspective d'avenir qui nous permet de nous assumer totalement sur l'ensemble de tous les pouvoirs qu'il est possible dans le monde d'aujourd'hui.

    Il nous faut connaître, -- pourquoi pas maintenant, -- les spécialistes qui assumeront le PAYS ? Spécialistes aux affaires d'immigration, de culture, d'éducation, de santé, d'afffaires nationales, internationales, de la citoyenneté, des frontières, de constitution, des communications, des richesses naturelles, de l'énergie, de la protection de l'environnement, de l'économie et tous les autres...

    Qu'est-ce qui nous empêche que ces spécialistes soient connus d'ores et déjà ?

    Confier de telles responsabilités à un membre élu ou non, présentement, cela ne signifierait-il pas qu'on se fait mutuellement confiance ? Des preuves d'organisations, -- nous en voulons maintenant, -- pas à la veille du déclenchement d'une élection avec un programme que l'on se voterait juste un peu après le déclenchement d'une élection.

    Il faut se comprendre et se parler. Il faut savoir assumer des responsabilités et savoir se parler et s'entendre.

    Nous avons besoin de preuves tangibles d'organisation et savoir que l'on sait très bien que l'on va où l'on va : LE PAYS.

    Enfin, on pourra savoir que des gens travaillent sur des dossiers qui sont réels, qu'ils réfléchissent ensemble, qu'ils débattent ensemble de toutes les propositions qu'ils pourraient mettre de l'avant.

    Ce qui nous est nécessaire, c'est de pouvoir s'assurer et en être convaincu que le travail qui se réalise en "équipe du Pays" est cohérent avec la volonté des objectifs qui sont nôtres : la volonté de faire et parfaire le Pays. Obligatoirement, dès avant l'élection, pourquoi pas dans les prochains mois, dans les prochains jours, de produire des documents qui soient des DOCUMENTS DE PAYS que l'on assume.

    Qu'une voix unique vienne me dire que c'est ce qu'elle va faire, que c'est ce qu'elle va assumer. NON MERCI. On en a vu d'autres.

    TRAVAILLER EN ÉQUIPE et montrer que votre équipe est prête pour assumer le PAYS DU QUÉBEC.

    Vos antécédents ne nous suffisent pas. LE PAYS N'EST PAS FAIT. Il n'a jamais été assumé.

    Vous voulez vous faire élire pour réaliser le Pays, montrez nous vos capacités de travailler en équipe pour le faire.

    Nous en sommes en l'obligation de sincérité dans la démarche et d'en faire la démonstration.

    Votre démonstration nous permettra de comprendre que vous formez une équipe et que vous savez meubler, ensemble, le PAYS que vous assumez que vous voulez enrichir et développer. Faut-il devoir travailler ensemble et réaliser des productions ensemble.

    Le PAYS DU QUÉBEC n'est pas du badinage. Si vous ne voulez pas y consacrer du temps, de vos énergies et de vos connaissances, quittez les lieux. On en a assez vu. On en a assez entendu.


    Robert Bertrand, rédacteur,
    Québec un Pays
    http://cf.groups.yahoo.com/group/Pour-le-Pays-du-Quebec/

  • Raymond Poulin Répondre

    10 février 2008

    Si vous avec lu les articles à propos de la manière dont le PI a l'intention de déclarer l'indépendance, vous avez sans doute constaté que la même question peut déjà se poser quant à l'attitude de ce parti. Pas forts sur le dialogue, les partis indépendantistes, même lorsqu'ils sont fondés par des gens qui ont quitté le PQ à cause de cette difficulté au dialogue et à la discussion, justement. Sancta simplicitas...

  • Jacques A. Nadeau Répondre

    10 février 2008

    Que des personnes, en poste d'autorité, tentent d'entraver la libre circulation des idées en tentant de faire taire ceux et celles qui exercent leur droit de parole, les rapprochent plus des régimes autoritaires que d'une démocratie moderne.
    Le comportement de Mme Marois fait surgir en moi des images de patrons d'entreprises privées qui ont de leur personne une opinion tellement majestueuse que la discussion, la critique et la contradiction sont perçues comme manques de respect, de déférence et comme des marques d'insubordination. Entreprises privées contemporaines à l'image de régimes autoritaires ? Dans les deux cas, cet esprit de siècles passés s'y trouve conforté.
    Pour d'autres, la discussion et les échanges d'idées ne seraient que du «linge sale» qu'on lave en public ! Et pour Richard Martineau ce qui distingue la gauche c'est qu'elle «s'entredéchire». La réflexion et les débats publics signifient, pour cette vedette de l'info-spectacle, que «tout ce beau monde se déteste, et tout ce beau monde se met des bâtons dans les roues». La discussion politique serait de la «querelle» et de la «bisbille». Pas fort comme opinion venant d'un adulte !
    Mais enfin, que veut-on réellement pour le futur au Québec ? Ramener les mentalités le plus loin possible en arrière pour qu'une élite arrive à régner ou aller de l'avant en mettant le plus grand nombre possible de citoyens dans le coup ?
    Possédons-nous un si important bassin de ressources humaines que nous pouvons allègrement nous passer des contributions positives aux débats de société de personnes aussi réfléchies et expérimentées que nos Parizeau et Landry ?
    Pour ma part, je me sentirais plus libre dans une société ouverte aux différences d'opinions que dans une autre qui valorise le respect quasi inconditionnel de l'autorité et le brassage d'idées en vase clos.