Le SPQ Libre et la « gouvernance souverainiste »

Assurer le maintien et le développement d’un réseau public et universel en santé, faire de Télé-Québec LA télivision nationale, développer le transport ferroviaire et le tramway

Chronique de Michel Gendron


Jusqu’à présent, je n’ai jamais parlé du SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre). Ceci est principalement dû au fait que le SPQ Libre se fait plus discret sur la scène médiatique. En effet, le club politique de gauche du PQ semble avoir pris la sage décision de ne pas étaler en public ses désaccords avec la direction du PQ. Jusqu’à tout récemment, le SPQ Libre avait tendance à agir comme une « fraction » au sein de son parti d’accueil, ce qui en irritait plus d’un.
Il y a deux semaines, j’ai contacté le secrétariat du SPQ Libre pour connaître leur opinion concernant les propositions de Gérald Larose. On m’a répondu qu’une position serait prise le 28 janvier. Ils ont tenu parole : [le 30 janvier, la Presse et le Devoir faisaient état de leur point de vue.->11479]

Alors qu’on ne connaît pas vraiment la position de Québec Solidaire concernant le débat initié par Gérald Larose, le SPQ Libre endosse sans hésiter [le texte de l’ancien syndicaliste paru dans la revue L'Action nationale de décembre 2007->10972]. Ils approuvent aussi les projets de loi 195 et 196 du PQ, ce qui contraste avec le dédain entretenu par Québec Solidaire sur la question identitaire. Évidemment, le SPQ Libre a tenu à ajouter au débat en proposant des « mesures structurantes » visant à donner encore plus de corps à ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler la « gouvernance souverainiste ».

Comme première mesure, le SPQ suggère à un gouvernement péquiste d’utiliser la clause nonobstant pour faire échec à l’arrêt Chaoulli de la Cour Suprême du Canada. Le membership du SPQ étant en bonne partie issu du mouvement syndical, cette proposition ne surprend guère. Non au privé, donc, et concentrons nos efforts pour que notre système de santé soit public, universel, accessible et gratuit. En effet, une telle décision permettrait au Québec de se soustraire sur ce point à la Charte des droits fédérale. Mais une telle décision aurait aussi une teinte idéologique bien marquée : étatisme versus privatisation, social-démocratie versus libéralisme, droits collectifs versus droits individuels… Plusieurs applaudiraient, autant chiâlleraient. Je ne suis pas sûr que la population y verrait là un geste de « gouvernance souverainiste ». Une chose est certaine : Mario Dumont en profiterait pour dénoncer l’asservissement du PQ aux syndicats, et répétant ad nauseam, comme il l’avait fait lors de la dernière élection, que c’est Marc Laviolette qui pousse le carrosse d’épicerie du PQ, faisant apparaître ce geste de gouvernance souverainiste comme étant avant tout un geste politique visant à contenter « les petits amis » de la gauche syndicale. Résultat : nous assisterions à des rixes médiatisées entre souverainistes de gauche et de droite.
Pour ma part, je me méfie comme de la peste des conséquences possibles de l’arrêt Chaoulli, au point où je suis tenté d’être d’accord avec le SPQ pour utiliser la clause nonobstant pour s’y soustraire. Toutefois, je crois que les gestes de gouvernance souverainiste ont pour but - entre autres – de solidariser le plus grand nombre autour d’objectifs nationaux et identitaires. À mon avis – et peut-être que je me trompe -, une action politique visant à contrer l’arrêt Chaoulli est davantage geste d’affirmation relevant d’une certaine vision de la social-démocratie. On peut en débattre, j’en conviens, mais je suis persuadé que le Québec serait traversé par une polarisation gauche-droite qui ne manquerait pas d’opposer souverainistes progressistes et conservateurs, d’où le danger de trop intimement lier souveraineté et privatisation d’une partie de notre système de santé. Je suis prêt à parier ma chemise que le PQ préférera plutôt légiférer pour éviter les dérives que pourrait générer l’arrêt Chaoulli.
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Le deuxième élément proposé par le SPQ Libre vise à faire de Télé-Québec une « véritable télévision nationale ». On sait que notre télévision est outrageusement dominée par des intérêts privés et l’État fédéral (incluant le CRTC). Voilà, à mon avis, une idée qui va droit dans le sens d’une gouvernance souverainiste. Cela permettrait de développer une programmation originale, davantage axée sur ce que nous sommes et notre perception du monde. Nul doute que l’information qui y serait diffusée différerait de celle aseptisée de Radio-Canada. Pour ma part, j’opte pour une télévision grand public de qualité, mais qui saurait éviter le piège de la consommation télévisuelle de masse. Aux dernières nouvelles, Québec Solidaire souscrit aussi à l’idée de développer Télé-Québec. Voilà un défi qui pourrait s’avérer passionnant si jamais le PQ décidait de le relever.
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En troisième lieu, le SPQ Libre entend convaincre les membres et la direction du PQ de briser la dépendance du Québec face au pétrole. Là, le SPQ Libre frappe dans le mille. Nous produisons de l’électricité en abondance, mais presque que tous nos moyens de transports fonctionnent au pétrole. Au Québec, le moteur à combustion règne en maître ! Imaginons un seul instant tout le fric qu’on envoie ailleurs. Pensons à tout ce que nous pourrions faire avec cet argent qui croupit au fond des goussets des multinationales. Pendant ce temps, notre réseau ferroviaire (CN/CP) est sous l’emprise du fédéral, avec les résultats que l’on connaît. Alors, qu’est-ce qui nous empêche de bâtir un réseau ferroviaire électrifié, desservant les régions et les banlieues, avec des trains et des tramways produits ici ? Voilà une perspective de développement audacieuse et économiquement profitable si on décide d’y aller à fond. L’environnement y gagnerait, notre économie aussi. Ce n’est pas dans cinquante ans, quand les réserves de pétrole seront à peu près épuisées qu’il faudra y penser. Une belle bataille en perspective avec le fédéral concernant la juridiction du transport…
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Enfin, le SPQ Libre propose l’adoption d’une loi sur un référendum du peuple. Cette proposition se veut en accord avec Gérald Larose quand ce dernier affirme qu’en matière de gouvernance souverainiste, il faut mettre le peuple dans le coup. Ainsi, les signatures de 10% des électeurs inscrits suffiraient pour que soit déclenché un référendum sur la souveraineté dans l’année qui suit. La mécanique proposée par le SPQ Libre me laisse perplexe. Sincèrement, je ne crois pas que l’ouverture d’un registre permettant aux citoyens de signer une pétition réclamant la tenue d’un référendum soit une approche appropriée. Il ne faudrait pas que le gouvernement puisse devenir captif d’un groupe d’activistes déterminé à ce qu’un référendum soit tenu coûte que coûte. Imaginons le cas où le 10% de signatures soit atteint, alors que l’intérêt pour la souveraineté soit à son plus bas. On ne doit pas perdre de vue qu’un référendum est un outil stratégique, qu’on ne doit pas en faire la corde avec laquelle on va se pendre. Ne serait-il pas préférable de modifier la loi actuelle sur les référendums, afin de permettre au gouvernement de consulter les citoyens en cas de blocage avec le fédéral concernant des aspects concrets d’une gouvernance souverainiste (ou nationale), plutôt que sur la souveraineté uniquement ? Ne devrait-il pas appartenir au gouvernement du moment de la tenue d’un référendum ? Et ces référendums ne pourraient-ils pas être combinés à des élections, comme cela se fait dans d’autres pays ? Plus j’y pense, plus une réflexion sur le fond s’impose, toute la question du ou des référendums mérite d’être repensée de A à Z.
Et la richesse, là-dedans ?
Que ce soit pour assurer le maintien et le développement d’un réseau public et universel en santé, faire de Télé-Québec LA télivision nationale, ou de développer le transport ferroviaire et le tramway, cela coûtera des « bidous ». Le fédéral sera-t-il interpellé ? Bien sûr, mais acceptera-t-il d’investir s’il sent que cela s’inscrit dans une stratégie souverainiste ? Poser la question, c’est y répondre. Mettre en place une constitution c’est une chose, réduire notre dépendance au pétrole en est une autre. Il y a des aspects de la gouvernance souverainiste qui sont réalisables, d’autres qui ne le seront peut-être pas. Pour que les orientations proposées par le SPQ Libre (sauf le référendum populaire) puissent se concrétiser, le Québec devra aussi créer de la richesse. Il ne suffira pas d’emprunter et de s’endetter. Le SPQ Libre devra accepter ce fait, même si cela aura pour effet de susciter l’indignation d’une gauche dogmatique et sectaire. S‘il y parvient, alors ce sera tout à son honneur.


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