Du vote national scindé

Un parti propose des mesures souverainistes sans souveraineté ; un autre propose la souveraineté sans mesures souverainistes !

PQ - stratégie revue et corrigée

La défaite électorale du PQ et sa relégation au rang de troisième parti sont la rançon qu'il paye pour s'être durablement coupé du Québec national, du Québec profond, surtout depuis le référendum volé de 1995. Ce parti, scrutin après scrutin, s'est tellement évertué à dissocier option nationale et plateforme électorale qu'il a atteint son but : le vote national s'est dissocié de lui !

Beaucoup d'indépendantistes ont aujourd'hui raison d'être en colère d'avoir eu raison ! Ces élections viennent en effet justifier leurs mises en garde répétées. Si le Parti québécois s'entête, dans l'opposition comme au pouvoir, à ne pas mener de politique indépendantiste, disaient-ils, s'il se contente de la souveraineté comme fin ultime coupée des luttes électorales et parlementaires effectives, s'il continue à se cacher derrière le paravent du référendum et à reculer sans cesse devant les affrontements qui s'imposent, bref, s'il ne rompt pas avec l'étapisme et l'attentisme, ce parti connaîtra désaffection et déclin.

Ce n'est pas tout d'avoir la souveraineté comme objectif final ; encore faut-il la traduire en politique concrète. La force du PQ, c'était de joindre suffrage national et souveraineté. Or ce scrutin a révélé la disjonction nette des deux : le suffrage national s'est rangé derrière un parti national non souverainiste, l'Action démocratique du Québec.
Deux des trois principaux partis en lice sont des partis nationaux au sens où on l'entend ici : le PQ et l'ADQ. Le Parti libéral du Québec n'est pas un parti national ou, si l'on veut, c'est le parti de l'autre nation, le parti des Canadiens, le parti de l'option canadienne. Comme l'a noté Jeffrey Simpson : « La plupart des francophones ont voté pour des partis qui s'intéressent peu ou pas au Canada (ADQ et PQ), sinon comme d'une simple chose dont on s'accommode » (Globe and Mail, [« The Disconnect between Quebec Francophones and Canada »->5583], 27 mars 2007).
L'ADQ et le PQ sont des partis nationaux, mais Dumont est celui des chefs qui, au cours de cette campagne, incarnait le plus la nation. Pas Boisclair, ni évidemment Charest. C'est surtout Dumont qui a été le vecteur du sentiment national, notamment sur le thème de l'intégration des immigrants, alors que Boisclair se drapait dans le multiculturalisme bienséant. Sans parler du programme adéquiste qui contient pas moins de sept mesures qui n'auraient pas déparé le programme péquiste, par exemple l'instauration d'une citoyenneté québécoise, l'exclusivité du rapport d'impôt québécois, le contrôle national de la ressources eau.
L'incohérence de ce programme, qui prétend réaliser pleinement ces réformes « sans chicanes » dans le cadre de l'État canadien ultranationaliste et sans étatisme relativement fort, éclatera tôt ou tard. La clef « autonomiste » se brisera sur le cadenas canadien et l'on comprendra enfin, espérons-le, qu'il ne s'agit pas d'ouvrir le Canada, mais de créer le Québec.
Pour l'heure, le vote national est scindé. Un parti propose des mesures souverainistes sans souveraineté ; un autre propose la souveraineté sans mesures souverainistes ! Le nationalisme provincialisé de Dumont, son bricolage « autonomiste », ne marchera pas plus que la souveraineté dénationalisée et dépolitisée de Boisclair. La nation ne peut réaliser son unité véritable qu'autour de son existence, c'est-à-dire de son indépendance, à condition qu'un parti sache, non pas la lui montrer à l'horizon du quarante-huitième millénaire et au travers du télescope référendaire !, mais bien la décliner en politique réelle, au moment des rendez-vous électoraux, et utiliser le gouvernement que les citoyens lui confient pour faire l'indépendance.

par Richard Gervais

appuyé par :

Pierre de Bellefeuille, Claude G. Charron, Gérald Hudon, Claire Jacques, Denis Monière, María Teresa Pérez-Hudon, Jeannine Valois

Membres du Cercle Godin-Miron


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