Montréal - De notre correspondant LUDOVIC HIRTZMANN - Je ne me suis jamais senti Belge. Je suis Québécois », lance tout de go Jean-François Istasse. Non par bravade ou par rejet de la Belgique, mais tout simplement parce que le Québec est son élément. « Cela faisait 32 ans que je souhaitais venir vivre ici. C'est-à-dire tout enfant, dès le moment où mon oncle est parti s'installer au Québec », ajoute le solide pâtissier de Charleroi. Dans la pâtisserie de ses parents, il imaginait ce Québec où il tombait jusqu'à quatre mètres de neige certains hivers. « Je croyais que c'était un immense tas de neige qui s'accumulait. Je me demandais comment les gens faisaient pour vivre. » Jean-François a travaillé six ans à Bruxelles chez Wittamer, place du Grand Sablon, puis il a repris en 1994 la pâtisserie de ses parents avec son frère. « Cela a duré onze ans. Vers la fin, j'en avais assez. J'avais envie de réaliser mon rêve québécois. »
Après un voyage d'exploration en 2003, Jean-François Istasse a emmené son épouse Sofia, rencontrée en 1999. En 2005, au terme de deux années de procédures d'immigration, ils jettent leur dévolu sur « Aux Gougères », une pâtisserie française du nord de Montréal, dans le quartier très multiethnique d'Ahuntsic. « Je craignais que le Québec ressemble aux États-Unis. Au contraire, j'ai tout de suite été séduit. J'ai trouvé que Montréal était une belle ville, avec de nombreuses nationalités », se souvient Sofia. De fait, Montréal n'a jamais été aussi multiculturelle. En 2006, les francophones y sont, pour la première fois, devenus minoritaires. Ils ne représentent plus que 49,8 % de la population d'une ville devenue une tour de Babel. Dans le Québec profond et même parfois chez les francophones de Montréal, le multiculturalisme est perçu comme un concept imposé par le Canada anglais. Le couple de Belges s'est au contraire trouvé tout de suite conquis par cette diversité ethnique.
Pas le temps
Au-dessus de leur commerce, ils ont installé leur nid douillet, un bel appartement avec une vaste cuisine faisant face à un jardinet verdoyant. Le rêve américain. « Ne cherchez pas. Je suis vendu au Québec », assure Jean-François. Sofia est tout de même inquiète du mauvais fonctionnement du système de santé local. « Les soins sont gratuits, mais la seule solution pour se faire soigner est d'aller aux urgences, où l'on attend des heures. Les médecins ne se déplacent pas à domicile. Je préférerais payer », assure la jeune femme de 38 ans. Pour l'instant, l'intégration de Jean-François et de Sofia s'effectue plutôt par le travail. Si la boutique que gère Sofia n'ouvre qu'à neuf heures, le pâtissier, lui, travaille seul dans son atelier et il se lève à cinq heures chaque matin. La Maison des desserts ne ferme qu'un jour par semaine. Les amis du ménage sont marocains, chiliens, belges, français. « Nous n'avons qu'une amie québécoise. Les Québécois sont chaleureux superficiellement », souligne Sofia. Ils n'ont pas encore trouvé le temps de vivre, d'avoir des loisirs, mais l'un comme l'autre ne regrettent pas la Belgique. Seule perce une pointe de nostalgie lorsque le couple évoque leurs amis de Charleroi, ou encore les enfants de Jean-François, deux adolescents de 14 et 16 ans, nés d'un précédent mariage et restés en Belgique. Pour Jean-François, la Belgique appartient à son passé. La page est bel et bien tournée.
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