En cette ère où, au Québec, « l’ouverture à l’autre » s’accompagne souvent d’une fermeture à soi, ajouter un cours sur notre histoire au niveau collégial est une bonne idée sans doute faisable. Elle devrait toutefois s’accompagner d’une révision de l’enseignement de l’histoire au secondaire.
La rue Faillon Ouest sera rebaptisée Gary-Carter. À Québec, on a modifié le nom d’un tronçon de l’autoroute Henri-IV par « De la Bravoure » pour honorer les militaires de la base de Valcartier. Dans les deux cas, on a amputé dans l’indifférence une portion de la mémoire française du Québec (Faillon était un historien français du XIXe siècle). C’est ainsi qu’elle évolue, cette mémoire, dira-t-on. Peut-être. Mais n’est-ce pas aussi le produit d’une indifférence, voire d’une ignorance pour une partie de notre passé ?
Paradoxalement, au pays du « Je me souviens », cela est manifeste. La cause ? Pendant des décennies, l’histoire du Québec a souffert d’une mise à l’écart au secondaire et au collégial. Il y a quelque cinq ans, on a heureusement augmenté, au secondaire, le nombre d’heures d’enseignement de l’histoire. Mais ce changement fut empreint de l’esprit du « renouveau pédagogique », avec son accent excessif et déroutant sur les fameuses « compétences ». Le nouveau programme avait aussi quelque chose de javellisé ; les concepteurs même ont admis avoir voulu produire un contenu « moins politique », moins « conflictuel ».
C’est pour faire écho aux nombreuses critiques soulevées par ce nouveau cours que le Parti québécois dans son programme et le gouvernement Marois dans son ordre du jour ont inscrit la délicate question de l’histoire. L’intention était noble ; les déclarations des ministres furent malhabiles et prêtèrent flanc aux pires accusations. Notamment, Marie Malavoy, lorsqu’elle soutint que l’on avait, dans le nouveau cours d’histoire, « noyé le poisson de la souveraineté ». Son collègue Pierre Duchesne, lui, n’avait nul besoin de s’aventurer dans les méandres de l’histoire des patriotes - avec des raccourcis au sujet du gouvernement responsable - pour justifier son projet d’ajouter un cours d’histoire obligatoire au collégial.
Car cette idée mérite qu’on l’appuie. Nombre d’études ont démontré que l’histoire du Québec (et du Canada) est trop peu enseignée à ce niveau crucial pour le développement intellectuel de nombreux jeunes. Or, plus de 75 % d’entre eux le compléteront « en n’ayant suivi aucun cours d’histoire », déploraient avec raison Gilles Laporte et Myriam D’Arcy dans un rapport en 2010.
On rétorquera que de l’histoire, « on en fait déjà au secondaire ». Oui, en 3e et en 4e. C’est un progrès : pendant 30 ans, de nombreuses cohortes d’adolescents n’ont eu droit qu’à un unique cours d’histoire du Québec, en 4e. En ajouter un cours au collégial, serait-ce trop désormais ? Pas du tout. Cesse-t-on d’étudier le français au cégep parce qu’on en fait au secondaire ?
L’ajout d’un cours au collégial devrait du reste s’accompagner d’une refonte des cours de 3e et de 4e secondaire. Actuellement, l’histoire du Québec est survolée de manière chronologique en 3e ; et revue sous des angles « thématiques » en 4e. S’y ajoute un intrus : une compétence en « éducation à la citoyenneté ». Celle-ci, qui n’est plus évaluée dans les examens du ministère, pourrait être abandonnée. Mieux vaut, au secondaire, faire de l’histoire pour l’histoire ; se centrer sur les connaissances. Justement, les thématiques abordées actuellement en 4e seraient reprises dans le cours collégial, qui pourrait comporter trois grands thèmes, par exemple : économique, sociologique et historique. Pouvant être enseigné par des professeurs de ces trois dernières matières, le cours d’histoire collégial pourrait alors, dans la grille, occuper l’espace d’un des deux cours complémentaires actuellement existants.
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