De basses insinuations marquées par la condescendance

Réplique à la lettre «Enseignement de l’histoire – Le pathos antididactique des messagers de la Coalition pour l’histoire»

La partie de tennis se poursuit


Lorsque j’ai pris connaissance qu’une réponse à ma lettre du vendredi 22 mars m’était adressée, une surprise de taille m’attendait: deux des signataires occupent, ironiquement, une place importante dans mon quotidien. Le premier, Jean-François Cardin, est l’auteur d’un livre d’histoire du Canada que je consulte quotidiennement afin de préparer mes cours. J’avoue avoir été flatté à l’idée qu’un historien-didacticien reconnu daigne se pencher sur «ma complainte simpliste et manichéenne».
Ce livre, je l’ai acheté il y a plus d’une décennie alors que je suivais le cours de, tenez-vous bien, Gilles Laporte. C’était le manuel obligatoire du syllabus, puisqu’il offrait une vue d’ensemble sur le Canada, sur ses «espaces et différences», tel que son titre l’annonce. J’aime beaucoup ce livre. Il est agréable à lire et constitue un exercice de synthèse fort bien ficelé.

Je m’interroge cependant à savoir si je devrais le conserver. Effectivement, il n’est pas structuré selon les quatre thèmes (pouvoir, économie, culture et population) du programme d’histoire du Québec qui, au dire des cosignataires, s’appuie sur de longues études scientifiques démontrant que l’apprentissage de l’histoire chez des adolescents est très très complexe.
Or, votre livre, M. Cardin, publié en 1996, celui que j’ai consulté à d’innombrables reprises, est basé sur une trame chronologique et géographique. Devrais-je toujours le consulter? Le didacticien en vous aurait-il supplanté l’historien? Avez-vous dénigré vos publications antérieures en raison de leur inadéquation avec le prêt-à-porter constructiviste des sphères supérieures de l’intelligence pédagogique?

Quant à la deuxième signataire de cette réponse, Stéphanie Demers, elle appose son nom sur la couverture du fameux manuel d’histoire Présences que j’utilise avec mes élèves et dont je déplorais certaines lacunes. C’est aussi un très beau livre, avec de belles images. Mais sa vertu s’arrête ici.
J’ai déjà mentionné auparavant le cas «Papineau» et j’en rajoute aujourd’hui: un seul petit paragraphe est consacré à la «saga constitutionnelle» qui a dominé les relations fédérale-provinciales, de l’élection de Pierre Elliot Trudeau en 1968, jusqu’au référendum de 1995. Je pourrais le retranscrire dans ces lignes sans dépasser la limite de mots imposée par la rédaction du Devoir. J’épargne au lecteur un tel supplice, car cela pourrait provoquer chez lui la furieuse envie de déchirer le journal qui se trouve entre ses mains, le privant de la suite de mon texte.

Faut-il rappeler que la question constitutionnelle a fait la Une des journaux de l’époque? Une bonne partie la société, je n’ai pas de problème avec ce terme, était rivée sur ces questions éminemment fondamentales. Comment justifier que dans le manuel des élèves on accorde autant de place au phénomène du «lobbying» qu’à la saga politique constitutionnelle? Je ne prétend pas que seule la politique devrait être enseignée et que tout le reste n’est que baliverne. Il faut absolument parler du féminisme, du syndicalisme, des différents mouvements sociaux, etc. Mais je ne comprends toujours pas qu’on place la question, plutôt secondaire, du lobbying au même plan que le rapatriement de 1982…

Cela dit, je veux corriger certaines attaques personnelles lancées à mon égard, qui soit dit en passant, sont des attaques plutôt faibles et décevantes de la part de gens versés dans la pédagogie. À tout le moins, elles démontrent qu’une bonne dose d'émotivité anime les tenants de la nouvelle réforme pédagogique lorsque vient le temps de répondre à ses détracteurs.

Je ne suis ni membre de la Coalition pour l’histoire, ni membre d’aucun parti politique. Je parle en mon nom et mon nom seul. Je ne défends aucune idéologie et je ne suis pas un messager envoyé pas un groupe d’intellectuels. Je me refuse à distiller quelconque parti pris politique lorsque j’enseigne le cours d’histoire du Québec. L’intention derrière mon texte était simplement de souhaiter un retour à l’histoire «histoire» et redonner plus de place à des enjeux politiques sans lesquels on ne peut prétendre comprendre l’histoire du Québec et du Canada.

En outre, je trouve intéressant que M. Cardin et Mme Demers prétendent «que les enseignants d’alors, tout comme ceux d’aujourd’hui, ont toute la latitude pour parler de la nation» lors des leçons prodiguées à nos chers ados. Ils oublient vite que le programme de 4e secondaire est surtout, dit en bon français, un «teach the test» ayant l’effet de véritables menottes. L’épreuve unique du ministère de l’Éducation, le programme de 4e secondaire et les manuels sont cadenassés ensemble dans une architecture contraignante: toujours les quatre mêmes thèmes lénifiants.
Dans le cas où on rajoute de la matière maison, devrais-je mentionner à mes élèves que cette bonification ne sera pas à l’examen final? Que c’est un rajout, gracieuseté de leur enseignant, et que la matière «importante» reste celle diluée dans le manuel? Avez-vous idée de la confusion qui peut régner dans l’esprit d’un adolescent de 14 ou 15 ans devant un tel bric-à-brac? Et s’ils répondent avec de la matière bonifiée, vont-ils recevoir tous leurs points à l’examen? C’est un pari risqué pour l’enseignant et surtout l’élève qui doit réussir cet examen sans lequel il ne peut obtenir son diplôme du secondaire.

Mon expérience est courte, j’en conviens, je ne prétends pas avoir soufflé 27 chandelles sur le gâteau de ma carrière, mais ce sont des questions que je me pose avec sincérité. Malheureusement, M. Cardin et Mme Demers, je crains de recevoir de votre part, pour toute réponse, que de basses insinuations au profil condescendant. Est-ce à dire que je devrais répondre de la même façon à mes élèves lorsqu’ils s’interrogent sur le construit de notre histoire nationale?


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