DÉPENSES EXCESSIVES

Charest refuse de défendre Lise Thibault

L'affaire Lise Thibault

Sylvain Larocque -
Les gouvernements de Jean Charest et de Stephen Harper ont refusé net, vendredi, de se porter à la défense de la lieutenante-gouverneure du Québec, Lise Thibault, dont les dépenses ont soulevé des questions chez les fonctionnaires fédéraux.
«C'est à madame la lieutenant-gouverneur d'expliquer certaines décisions de dépenses qu'elle aurait décidé de faire», a lâché le premier ministre Charest en conférence de presse à Montréal, en marge d'une annonce de la firme Ubisoft.
Au même moment, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique exigeaient que le gouvernement conservateur demande des explications à Mme Thibault, tandis que le chef péquiste André Boisclair se désolait que la lieutenante-gouverneure n'ait pas de comptes à rendre à la population.
De son côté, la principale intéressée a publié un communiqué pour se dire «attristée du traitement réservé à son rôle», tout en dénonçant l'«atteinte à son intégrité» et le «procès d'intention extrêmement blessant».
Selon des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information par Le Journal de Montréal, les fonctionnaires fédéraux se sont régulièrement interrogés, de 2000 à 2004, sur les dépenses effectuées par Lise Thibault.
Il y a notamment eu un «garden party» à 59 000 $, une fête de Noël à 30 000 $ et des factures pour des repas tenus en même temps dans trois restaurants situés dans des régions éloignées les unes des autres.
La lieutenante-gouverneure aurait également demandé un remboursement pour un repas qu'elle a partagé avec de «vieux amis». De plus, on ne retrouverait aucune signature ou la signature de quelqu'un d'autre sur certains reçus reliés à la carte de crédit de Mme Thibault.
«Depuis ma nomination, j'agis de manière responsable et rigoureuse en utilisant les fonds publics», a assuré la lieutenante-gouverneure dans son communiqué, en précisant qu'elle avait respecté toutes les «règles administratives».
Pour se justifier, Lise Thibault invoque «l'intensité de sa vie publique», qui l'amène chaque année à parcourir «plus de 150 000 kilomètres à travers toutes les régions du Québec» et à prendre part à plus de 800 rencontres et activités.
Demande de rapport
Mais face à la controverse, la ministre fédérale du Patrimoine, Bev Oda, a indiqué, au cours d'un entretien à La Presse Canadienne, qu'elle allait commander des rapports sur la manière dont les sommes mises à la disposition de tous les lieutenants-gouverneurs du pays sont établies et dépensées.
Mme Oda a toutefois écarté l'idée de demander une vérification en bonne et due forme des dépenses de la chef d'État québécoise, puisque les lieutenants-gouverneurs peuvent, selon la ministre, faire ce qu'ils veulent avec l'allocation annuelle de 147 000 $ que leur verse Ottawa. Ce montant étant fixe, il leur est impossible de dépenser davantage, a-t-elle soutenu.
La ministre fédérale de la Coopération internationale, Josée Verner, s'est néanmoins montrée préoccupée.
«Quand on dépense des fonds publics, il faut être en mesure d'expliquer à la population l'usage que l'on en fait», a-t-elle dit lors d'un point de presse à Québec, où elle a fait l'annonce d'une subvention pour l'aménagement des Plaines d'Abraham.
Jean Charest a précisé que les dépenses douteuses relevaient de l'allocation fédérale, et non des 858 000 $ que Québec verse chaque année au bureau de Lise Thibault.
«Pour nous, à ce que je sache, il ne s'est pas posé de problème particulier», a affirmé M. Charest, en précisant qu'il existait des «mesures de contrôle» sur les dépenses relevant de l'enveloppe québécoise.
Cela n'a pas empêché le ministre québécois du Développement durable, Claude Béchard, d'affirmer: «(Mme Thibault) devra donner certaines réponses aux Québécois. Elle est responsable de ses dépenses alors elle doit en répondre.»
Boisclair
De passage à Salaberry-de-Valleyfield, André Boisclair a déploré le manque de transparence de la lieutenante-gouverneure. «Si elle était une élue, il y a longtemps que vous seriez à la porte de son bureau pour lui poser des questions», a commenté M. Boisclair.
«Il est là le problème: on se retrouve à nouveau avec une institution qui est vieillotte, a-t-il ajouté. C'est une représentante de la reine. On peut questionner le fond de son travail, l'institution. Je pense que quand on voit les dépenses somptueuses (somptuaires) qui auraient été faites — je me fie sur l'article de journal — je ne comprends pas pourquoi cette personne, malgré le respect que je peux avoir pour elle, que l'institution qu'elle représente, n'ait pas à rendre plus de comptes à la population.»
Aux Communes, les députés d'opposition étaient eux aussi indignés des révélations.
«On devrait indiquer à Son Excellence que c'est tolérance zéro pour les excès épouvantables», a lâché le député néo-démocrate Pat Martin.
Le Bloc est allé plus loin, estimant que le gouvernement devrait instaurer des mesures pour surveiller les dépenses de tous les lieutenants-gouverneurs.
«Il faut que le gouvernement bouge et décide de vraiment mettre des mesures en place pour que tous les lieutenants-gouverneurs général fassent la lumière sur leurs dépenses», a martelé la députée Monique Guay.
Les demandes de remboursement de la lieutenante-gouverneure ont augmenté au fil des ans. En 1997-1998, Lise Thibault a réclamé un remboursement de 135 000 $ à Patrimoine canadien. En 2002-2003, le remboursement s'est élevé à 223 000 $. Depuis 2004, toutefois, Ottawa limite sa contribution annuelle à 147 000 $.
Mme Thibault refuserait de donner des explications aux fonctionnaires, affirmant qu'il s'agit de renseignements personnels.


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