Lise Thibault

La seule à ne pas rendre de comptes

Les experts renversés

L'affaire Lise Thibault

Mathieu Boivin -

Malgré un passé rempli de dépenses discutables, la lieutenante-gouverneure Lise Thibault n'a aucun compte à rendre sur plus d'un million de dollars que lui versent les gouvernements.
Mme Thibault reçoit 858 000 $ par an du gouvernement du Québec, qui ne lui demande pas de justifier ses dépenses sous prétexte qu'elle est chef de l'État.
Vague résumé
Depuis 2004, elle touche aussi une subvention annuelle fixe de 147 000 $ de Patrimoine Canada, à propos de laquelle elle n'est tenue de fournir qu'un vague résumé d'une page à la fin de chaque année.
Contrairement à elle, la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, doit rendre des comptes sur son budget de 19,5 M$, tout comme les lieutenants-gouverneurs de l'Ontario (1,12 M$ du provincial) et du Nouveau-Brunswick (323 000 $ du provincial).
De plus en plus gourmande
L'absence de transparence de Mme Thibault est inquiétante, parce que des documents obtenus par la Loi d'accès à l'information montrent qu'elle a été de plus en plus gourmande, entre 1997 et 2004, dans ses demandes de remboursement au gouvernement fédéral.
À sa première année complète en poste, en 1997-1998, la lieutenantegouverneure a en effet obtenu un remboursement de 135 000 $ de Patrimoine Canada. Au fil des ans, ce montant a augmenté progressivement jusqu'à atteindre le sommet de 223 000 $ en 2002-2003.
Mme Thibault était alors le lieutenant-gouverneur le plus dépensier au pays, admettent les fonctionnaires de Patrimoine Canada.
Politique modifiée
En 2004, Ottawa a changé sa politique et cessé d'exiger des factures pour rembourser les frais des lieutenants-gouverneurs canadiens. Ces remboursements ont été remplacés par la subvention annuelle fixe de 147 000 $ pour chacun d'eux.
La lieutenante-gouverneure Thibault n'a donc plus de comptes à rendre sur les 858 000 $ du Québec et les 147 000 $ du fédéral.
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Les experts renversés
Mathieu Boivin

Le Journal de Montréal

09/02/2007
Les experts n'en reviennent pas que Mme Thibault fasse ce qu'elle veut avec les fonds publics sans rendre de comptes à personne.
Politologue à l'université de Sherbrooke, Jean Herman Guay avoue qu'il est «très surpris et même renversé» par les révélations du Journal sur Mme Thibault.
«Sa conduite devrait être irréprochable, mais aucun fonctionnaire public ou représentant du secteur privé ne pourrait soumettre des dépenses comme celles-là, et encore moins refuser de fournir des explications comme elle le fait», assure-t-il.
M. Guay trouve inexplicable que Mme Thibault n'ait aucun compte à rendre, «alors que c'est ça qui assure une certaine qualité dans la gestion des fonds publics», souligne-t-il.
Chercheur à l'École nationale d'administration publique (ÉNAP), Christian Dufour trouve quant à lui que Mme Thibault agit comme si elle était intouchable. «Ce n'est pas la reine d'Angleterre, quand même!»
Indigne de sa fonction
M. Dufour ne comprend pas lui non plus que personne ne se préoccupe de l'utilisation que fait Mme Thibault des fonds publics qui lui sont confiés.
«Elle dépense avec un laxisme indigne de sa fonction, estime-t-il. Elle est là pour incarner des valeurs élevées, c'est sa seule job d'ailleurs, mais il y a un abus évident.»
En fait, Luc Bernier, spécialiste en administration publique à l'ÉNAP, analyse que Lise Thibault est atteinte du syndrome dont sont victimes les gens qui passent trop de temps au pouvoir.
«Au début ils font attention, mais à un moment donné, ils en viennent à se dire : avec tout ce que je fais, ils peuvent bien me payer ça», croit-il.
Selon M. Bernier, Patrimoine Canada est aussi à blâmer. «Dans tous les systèmes du monde, n'importe qui teste la limite, et toutes sortes de niaiseries peuvent arriver si tu n'es pas capable de dire non dès le départ», dit-il.


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