Charest recrute un stratège de Trudeau

Le nouveau chef de cabinet du premier ministre a participé au coup de force de 1982

PLQ - canadian d'abord et avant tout - les trahisons des Rouges


Québec -- Le chef de cabinet nouvellement nommé de Jean Charest, Daniel Gagnier, a participé, au début des années 80, à la stratégie du gouvernement Trudeau visant à convaincre le gouvernement britannique d'autoriser, contre l'avis du Québec, le rapatriement unilatéral de la Constitution. Il a par la suite dirigé pendant deux ans un organisme de commandite relevant directement du pouvoir politique et qui a fait la promotion du rapatriement et de la charte. Or aucun gouvernement du Québec n'a avalisé cet acte qui a encore une fois été dénoncé par le gouvernement Charest le 17 avril, 25e anniversaire de la promulgation de la Constitution de 1982.
En juin 1980, M. Gagnier, qui travaillait depuis 1972 au ministère des Affaires étrangères fédéral, a été nommé au Haut-Commissariat du Canada à Londres «pour répondre à toutes les questions des Britanniques sur la Constitution», peut-on lire dans un article du Devoir datant du 30 avril 1982, qui porte la signature de notre collègue Claude Turcotte.
Selon des sources, c'est le premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui avait confié à quelques personnes, dont M. Gagnier, la responsabilité de négocier, dans la capitale britannique, la neutralité du gouvernement anglais à l'égard du rapatriement de la Constitution canadienne.
Mis au courant de cette information hier, le cabinet du premier ministre Jean Charest a d'abord nié que M. Gagnier ait été à Londres de 1980 à 1982. «Il a été nommé en Yougoslavie en juin 1980», nous a-t-on juré dans un premier temps. Mais après vérifications, le cabinet du premier ministre a confirmé la version du Devoir. M. Gagnier a bel et bien été à Londres de juin 1980 à 1982, mais, a précisé Hugo D'Amours, attaché de presse du premier ministre, il était un fonctionnaire et donc «non décisionnel». M. D'Amours a précisé que M. Gagnier n'entrait en fonction que lundi et qu'il «n'accordait pas d'interview d'ici là».
Commandites
Le séjour de M. Gagnier à Londres a «lancé la carrière» de celui-ci au sein de l'appareil fédéral, disent nos sources. D'ailleurs, à son retour au pays, M. Gagnier a été nommé directeur exécutif d'un organisme antisouverainiste, le Centre d'information sur l'unité canadienne, créé en 1977 aux lendemains de la victoire péquiste à Québec.
Doté d'un budget de 32 millions de dollars en 1981 et de 25,4 millions en 1982, le CIUC relevait directement du ministre de la Justice d'alors, Jean Chrétien. Sa mission consistait à mener des sondages pour mieux cibler la publicité visant à promouvoir l'unité nationale. Lorsque M. Gagnier arrive à la tête du CIUC, l'organisme entame une vaste campagne de promotion de la loi constitutionnelle de 1982. Son slogan? «Une Constitution, un pays, un avenir / Today we can truly say the future belongs to us.» La campagne, dont le coût s'élève à sept millions de dollars, a été préparée par des sondages qui ont coûté 900 000 $. «Depuis une semaine, on se frotte les mains de satisfaction au Centre, pouvait-on lire dans l'article du 30 avril 1982, puisque 10 000 demandes parviennent quotidiennement du public canadien. Les uns veulent une copie de la proclamation, les autres des explications sur la Charte des droits, etc.» L'adjointe de M. Gagnier, Francine Girard, se réjouissait: «Nous n'avons que 1 % de commentaires négatifs.» Seulement au mois de mai 1982, le CIUC a distribué six millions de copies de la proclamation constitutionnelle dans les écoles.
Onze ministres, dont André Ouellet, faisaient partie du conseil d'administration du CIUC. Le ministre d'État Serge Joyal (aujourd'hui sénateur), qui s'était rendu à Londres pendant la période cruciale de fin avril-début mai 1981 pour faire pression sur les parlementaires britanniques, était le vice-président du CIUC. L'article du Devoir du 30 avril 1982 décrit un véritable programme de commandite géré par le CIUC: «Sur le budget total de 25,4 millions [...], 18 millions vont à l'information ou à la publicité sous diverses formes: publications, affiches, matériel audiovisuel, roulottes [il y en a 18 qui parcourront le Canada cet été-là]; participation à des foires et expositions comme celle de Québec à la fin de l'été et, bien entendu, recours aux médias de masse.»
Créé de façon temporaire en 1977 pour «livrer la bataille contre le gouvernement du Québec devenu péquiste l'année d'avant», (toujours selon ce qu'on pouvait lire dans Le Devoir en avril 1982), le Centre devint permanent après le rapatriement, au moment où M. Gagnier en a pris la tête. On avait à l'époque argué la montée de menaces séparatistes dans l'Ouest pour justifier le maintien du Centre et lui donner un «mandat pancanadien».
À l'époque, les partis d'opposition à Ottawa s'étaient inquiétés du CIUC. «On craint que cette machine qui relève directement du pouvoir politique ne serve au bout du compte à des fins de politique partisane», pouvait-on lire toujours dans l'article de Claude Turcotte.
L'ancien fonctionnaire Chuck Guité, mêlé au scandale des commandites, a mis en relief l'existence du CIUC lors de sa comparution devant le Comité permanent des comptes publics, le 22 avril 2004, expliquant que le Groupe de gestion de la publicité (GGP), qui a été sous sa responsabilité, «avait été intégré au Centre d'information sur l'unité canadienne, en abrégé le CIUC, au début de 1979».
Gagnier connu
Par ailleurs, l'ancien ministre libéral Jean Lapierre a raconté, hier matin à l'émission Arcand (au 98,5), avoir «bien connu» Daniel Gagnier au début des années 80, pendant la campagne référendaire. M. Lapierre se souvenait que M. Gagnier avait plus tard été directeur du Centre d'information pour l'unité canadienne. Cet organisme «faisait beaucoup de choses "publiques". Beaucoup de dépliants, tout ça», s'est remémoré M. Lapierre, un sourire dans la voix. «C'était un gars efficace», a insisté M. Lapierre.
Après son mandat à la tête du CIUC, Daniel Gagnier est devenu sous-ministre en Saskatchewan. De retour à Ottawa, il a occupé de hautes fonctions dans l'appareil fédéral, notamment dans le dossier des relations fédérales-provinciales. De 1988 à 1990, il a occupé différents postes dans la fonction publique ontarienne, notamment comme sous-ministre à l'Énergie, sous-ministre aux Relations intergouvernementales, conseiller spécial au cabinet et directeur du cabinet du premier ministre. Par la suite, il est retourné au Conseil privé à Ottawa. De 1994 à mars 2007, M. Gagnier a été vice-président aux affaires générales et externes chez Alcan.


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