La déroute des rouges

Si les libéraux fédéraux et provinciaux veulent renouer avec le succès, ils devront montrer patte bleue.

PLQ - canadian d'abord et avant tout - les trahisons des Rouges

La «marque» libérale n'est rendue que l'ombre d'elle-même. Et la crainte d'une marginalisation est fondée. Le fait que les libéraux de Stéphane Dion aient obtenu moins de 10% du vote dans Saint-Hyacinthe-Bagot, puis dans Roberval-Lac-Saint-Jean n'est que la «cerise sur le sundae».
Si, lors des partielles de lundi dernier, les bloquistes ont perdu plus de points que les libéraux, il n'en reste pas moins que, globalement, le PLC est au troisième rang, même au quatrième, compte tenu de la performance particulière de Thomas Mulcair. Tous les sondages le montrent: chez les francophones, les libéraux du PLC recueillent moins de 20% des appuis, loin derrière le Bloc (40%) et les conservateurs (25%).
Les libéraux fédéraux ont cru, en décembre 2006, qu'en choisissant un chef québécois, vert de surcroît, ils parviendraient à renouer avec l'électorat francophone. Depuis son arrivée, rien n'a vraiment bougé. Les résultats des sondages, comme celui des urnes, conduisent à un constat: l'attitude trudeauiste, fondée sur une approche frontale et directe à l'endroit du nationalisme québécois, frappe un mur d'hostilité, d'indifférence à tout le moins. Les libéraux fédéraux ne se sont pas remis du rapatriement unilatéral de la constitution de Pierre Trudeau. Et depuis 20 ans, chaque rappel de cette attitude - rejet de Meech (1990), Plan B (1996), Loi sur la clarté (2000), non-reconnaissance du déséquilibre fiscal (2002) ou scandale des commandites (2004) - provoque le même barrage. Stéphane Dion, quand il cherche à haute voix sur les ondes de Radio-Canada ce qui «ne colle pas», a raison quand il dit: «Beaucoup de gens croient au Québec que je ne suis pas pro-québécois.» Il a beau dire que tout le monde se trompe, il devrait savoir, qu'en démocratie, il est délicat de dire que tout le monde se méprend... depuis 10 ans.
Enjeu similaire au provincial
Au palier provincial, le phénomène est un peu moins prononcé, mais la mise à l'écart est néanmoins palpable. Le PLQ n'a l'appui que de 20% des francophones. Il se retrouve très nettement au troisième rang dans bien des régions francophones où l'ADQ et le PQ dominent assez largement. Incapable de faire vibrer une corde nationaliste ou l'autre, les libéraux provinciaux sont eux-aussi en déroute. Qu'on ne s'étonne pas que Stéphane Dion et Jean Charest soient les politiciens les moins aimés du Québec sur une liste de 65 personnalités politiques!
Les souverainistes ont raison d'être déçus des résultats de lundi puisqu'ils montrent une hémorragie du tiers de leur électorat. Ils doivent aussi s'inquiéter de la chute des appuis au PQ, qui recueillait en 1995, lors du dernier référendum, presque 50% des votes, 43% en 1998, 33% en 2003 et un maigre 28% en 2007. Ils sont, sans aucun doute, soucieux du fait qu'un péquiste sur deux souhaite que l'option souverainiste soit mise de côté. Un fait s'impose néanmoins: leurs adversaires de toujours - libéraux fédéraux et provinciaux - sont littéralement terrassés. Les souverainistes n'ont pas gagné, mais leurs adversaires traditionnels ont cruellement perdu les dernières batailles chez les francophones.
Si les souverainistes regardent uniquement leurs propres scores électoraux, ils broient évidemment du noir. Leur erreur en est une de perspective, voire de prétention. Ils confondent le mouvement et leur véhicule partisan. Le nationalisme et le projet de souveraineté ne sont pas des synonymes. Si seuls ceux qui appuient la souveraineté sont les «vrais» nationalistes, le nationalisme québécois est effectivement en danger. Si, au contraire, on définit le nationalisme comme un ensemble beaucoup plus large - comprenant l'identité québécoise (70%), l'appui à la loi 101 (80%), l'autonomisme et ses modalités, y compris celles de droite - le nationalisme québécois se porte plutôt bien; jamais, il n'a autant dominé! En somme, si le rêve de faire la souveraineté bat de l'aile, le nationalisme québécois, considéré dans toutes ses dimensions, est, quant à lui, devenu une condition incontournable pour rejoindre les Québécois. Qui ne porte pas de bleu, peu importe la teinte, semble être voué à la marginalisation.
Bleus contre bleus
L'affrontement entre souverainistes et «fédéralistes durs», qui a été l'option traditionnelle des libéraux, est maintenant remplacé par un duel entre deux teintes de bleus. Stephen Harper l'a bien compris. Pour espérer gagner des sièges au Québec, il devait reconnaître la nation québécoise, solutionner le déséquilibre fiscal et montrer de la flexibilité.
Les souverainistes reconnaissent la nécessité d'effectuer des changements parce que leur discours des 20 dernières années n'a plus la même pertinence devant les conservateurs ou les adéquistes; il semble désuet, «passé date». Ne pouvant plus dénoncer l'intransigeance d'Ottawa, ils sont à la recherche d'un nouveau cheval de bataille. Comment être moins souverainistes et plus nationalistes, sans provoquer de scission dans leurs rangs, telle est la question. Ainsi s'explique le discours sur le «nous» et tous ces pathos périlleux à plusieurs égards.
Si les libéraux fédéraux et provinciaux veulent renouer avec le succès, ils devront montrer patte bleue. Faut-il un changement de chef, de programme, d'attitude? Dans certains cas, toutes ces réponses. C'est le temps qui leur manque. Mais les dernières partielles, combinées aux élections provinciales et aux résultats de la plupart des sondages, confirment un réalignement de la dynamique politique et un mélange inédit des couleurs.
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Jean-Herman Guay
Politologue, l'auteur est directeur de l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.


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