C'est jeudi que Mme Monique Jérôme-Forget présentera le premier budget de crise de la décennie pour le Québec. Par-delà les mesures qui seront annoncées pour faire face à la récession, il y a cette évidence brutale que le Québec s'engage dans une spirale ascendante de déficits toujours plus extravagants, impossible à briser avant plusieurs années.
Tout indique que le budget du Québec 2009-2010 prévoira un déficit d'au moins trois à cinq milliards. La somme est non seulement colossale, mais elle n'inclut même pas les dépenses des programmes d'infrastructures qui sont comptabilisées par tranches annuelles tout au long de la durée de vie utile des ouvrages. C'est donc dire que, pour l'essentiel, le déficit sera le résultat pur et simple de l'excédent des dépenses courantes sur les revenus du gouvernement, ce que l'on nomme communément «dépenses d'épicerie».
Depuis la fin des années 90, la loi interdit au gouvernement du Québec de s'endetter pour payer l'épicerie, et l'oblige à revenir à l'équilibre en cinq ans dans l'éventualité d'un ralentissement économique. Or, compte tenu de la tempête qui frappe la planète, il est évident que le Québec devra inscrire un important déficit budgétaire cette année, à moins de sabrer les programmes, y compris les plus essentiels. Pour le moment, il n'y a qu'une poignée d'idéologues de droite pour réclamer un tel carnage en prenant pour exemple le cas des entreprises qui font face à une baisse de la demande pour leurs produits, ce qui n'a rien à voir.
Si les finances publiques sont toujours aussi difficiles à gérer en temps de crise pour un gouvernement quelle que soit son idéologie, c'est que les revenus sont en chute libre alors que les dépenses continuent d'augmenter. Et contrairement à ce que prévoit la Loi antidéficit adoptée sous Lucien Bouchard, cette réalité se poursuit toujours pendant plusieurs années après la fin statistique d'une récession qui dure rarement plus de douze à dix-huit mois.
Ainsi, de 9,3 % qu'il était avant la récession de 1990, le taux de chômage a grimpé continuellement pour dépasser 13 % en 1993 avant de redescendre lentement par la suite. Il a donc fallu dix ans pour retrouver le même niveau qu'en 1989.
Pendant tout ce temps, les gouvernements ont dû composer avec des revenus insuffisants pour seulement respecter leurs obligations courantes, et ils ont négligé d'entretenir et de renouveler les infrastructures. De 1,8 milliard prévu lors de la présentation du premier budget de crise en 1990-1991, le déficit a grimpé jusqu'à 5,8 milliards à la fin de l'exercice 1994-1995 malgré une kyrielle d'augmentations de taxes et de tarifs, malgré aussi une multitude de compressions. Ce n'est qu'en 1996 que l'on a commencé à parler de budget équilibré, condition essentielle pour préparer l'arrivée du prochain cycle récessionniste. Heureusement pour nous, cette dernière période de croissance a duré 17 ans contrairement à celle qui avait précédé la récession de 1900 qui n'avait duré que neuf ans.
Ce bref retour dans le temps nous rappelle qu'en temps de crise, les gouvernements sont forcés d'emprunter massivement, et ce, même pour payer l'épicerie. Ce n'est pas par parti pris idéologique, ni par insouciance à l'égard des générations futures. Cela tient à l'obligation qui leur est faite de maintenir une qualité minimale d'infrastructures et de services sans laquelle l'avenir de tous est menacé, surtout celui des jeunes.
Dans le budget qu'elle présentera jeudi, la ministre des Finances sera jugée moins par l'ampleur du déficit prévue que par les moyens qu'elle entend prendre pour rétablir l'équilibre à moyen terme, par l'originalité et l'efficacité des mesures envisagées pour combattre la récession tout en protégeant la qualité des services essentiels. Mais si d'aventure le gouvernement promet de ramener le déficit à zéro d'ici à la fin de son mandat, il ne faudra pas le croire!
j-rsansfacon@ledevoir.ca
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