Une très lourde responsabilité pèse sur les épaules de la ministre québécoise des Finances, Monique Jérôme-Forget. Le budget qu'elle présentera demain à l'Assemblée nationale est crucial, parce que c'est le principal outil sur lequel le Québec pourra compter pour se sortir le mieux possible de la récession.
Sur une note plus politique, ce sera aussi un test important pour le gouvernement Charest, qui a eu le plus grand mal - et c'est un euphémisme -, à trouver son rythme depuis sa victoire électorale de décembre. S'il répond aux attentes, ce budget lui permettrait de repartir sur le bon pied.
Mais qu'est-ce qui fera que ce budget 2009-2010 sera bon ou mauvais? Sur quelle base peut-on le noter? Quelles sont les attentes, quand on sait que, par définition, les partis de l'opposition, comme le veut le débat parlementaire, trouveront que ses mesures sont insuffisantes?
Tout d'abord, je crois que tout le monde souhaite que le gouvernement québécois propose une intervention énergique pour stimuler l'économie. Certains croient que les gouvernements ne peuvent pas grand-chose, mais quand on injecte des milliards dans le circuit économique, ça a un effet sur l'activité. C'est ce que prônent les grands organismes internationaux, comme le FMI et l'OCDE. La quantité compte.
Et si, comme semblait l'indiquer le discours inaugural prononcé la semaine dernière par le premier ministre, le gouvernement libéral se borne à reprendre ses engagements électoraux et à faire état de ses initiatives passées, il aura raté la coche. Il y a eu un changement majeur entre décembre dernier et maintenant; la récession est plus sévère que la récession technique à laquelle on s'attendait à l'automne. Cette situation plus grave exige une intervention plus musclée.
Pour cette raison, personne ne reprochera au gouvernement libéral d'engendrer un déficit. Dans le contexte, c'est inévitable, acceptable et même souhaitable. Une mesure exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. C'est en créant un déficit qu'un gouvernement peut injecter de l'argent frais dans l'économie. Mais ces déficits, qui alourdissent la dette, doivent être temporaires. Ce que l'on regardera donc de près, c'est la détermination du gouvernement pour sortir le plus rapidement possible de cette situation de déficit.
Voilà pourquoi, pour compenser les faux pas des dernières semaines, ce budget devrait être le plus transparent possible. Sur la crédibilité de son plan de redressement financier. Sur la situation économique réelle du Québec, sur les effets des déboires de la Caisse de dépôt sur nos épargnes collectives, sur l'impact économique et fiscal des mesures du budget.
Si la quantité compte, la qualité est également essentielle, pour ne pas gaspiller de fonds publics, pour orienter les fonds là où ils sont nécessaires, pour choisir les interventions qui arriveront à temps dans la lutte à la récession, pour privilégier les interventions structurantes qui permettent aussi de penser à l'après-crise et de mettre le Québec en bonne posture au moment de la relance.
Cela exige de l'imagination et du leadership. De façon générale, les interventions déjà promises par les libéraux pèsent sur les bons boutons. Le plan d'infrastructures, mis au point bien avant la récession, a eu un effet bénéfique. Les mesures annoncées en campagne, sur le financement des entreprises, la formation, la rénovation domiciliaire, étaient bien ciblées.
Il faudra plus, parce que la récession, plus sévère, fera plus de victimes. Mais aussi parce que le degré d'inquiétude et d'incertitude est plus grand. La vision et l'énergie qui se dégageront de l'exercice budgétaire pourront jouer un rôle crucial pour donner un élan dans un contexte où l'élément psychologique n'est pas absent. Un budget est un document économique, mais c'est aussi un outil d'intervention politique, dans le sens noble du terme.
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