Rappel

Avoir l'avenir du Québec dans sa mire

Une réflexion centrée sur l'environnement, la communauté politique, la culture et la famille

Comprendre notre intérêt national



Ces propos n'engagent que leur auteur.
Pour répondre à Michel Venne qui nous invite à avoir [«le goût de l'avenir»->archives/auteurs/v/vennem.html], je propose une réflexion centrée sur l'environnement, la communauté politique, la culture et la famille. En ces temps où la «première priorité» du gouvernement québécois semble être les baisses d'impôts et la «réingénierie» de l'État, il serait peut-être temps pour les citoyens concernés par l'avenir de commencer à s'occuper véritablement de leur milieu de vie, le Québec.
Pour ce faire, le débat sur la souveraineté (ou l'autonomie) du Québec doit être réorienté vers des préoccupations concrètes et des sphères de pouvoir réellement «investissables»... Cela n'empêche pas de «rêver le pays», mais exige aussi de le construire ici et maintenant. Car la souveraineté de l'État, c'est contrôler son territoire - je dirais l'occuper; c'est (ré)unir une population au sein de ce territoire; c'est avoir un gouvernement qui contrôle ce territoire et cette population; c'est être libre d'agir à l'interne et avoir la possibilité de s'exprimer sur la scène internationale.
À ces critères politiques de la souveraineté, il faut rajouter la volonté de prolonger cette expérience historique et culturelle qu'est la nation, sans quoi le gouvernement qui gère notre vie importe peu aux citoyens. Or, le débat sur la question nationale est plus qu'une querelle administrative entre deux gouvernements.
Mais à la lumière de ces critères, on remarque que nous sommes loin du but. On pourrait même dire qu'on s'en éloigne puisque le gouvernement canadien occupe de plus en plus tout l'espace de ces sphères de liberté politique. Reprenons-les donc un à un.
Le développement du territoire
Le Québec est maître d'oeuvre de ses ressources naturelles. Il serait donc grand temps que l'on développe notre territoire intelligemment. Par exemple, il existe près de Québec la forêt Montmorency, gérée par l'Université Laval. La coupe forestière est là-bas planifiée en imitant les «perturbations naturelles», en tenant compte des autres occupants et utilisateurs: skieurs, randonneurs, ornithologues, scientifiques, etc.
La Forêt de l'Aigle, au nord-ouest de Montréal, semble aussi un modèle de concertation où le territoire forestier est véritablement développé en fonction des multiples ressources que l'on peut en tirer... Il est essentiel que de nouveaux territoires, pris à même les (trop généreux) contrats de coupe consentis aux compagnies forestières, soient partagés entre chasseurs, pêcheurs, amateurs de plein air, autochtones, etc. Mais pour ce faire, il faut justement planifier la coupe forestière, en fonction des multiples utilisations: il faut faire du développement.
La même politique devrait ainsi s'appliquer pour nos lacs et rivières, de façon à ce que l'on ne construise pas des barrages partout au Québec au nom d'une philosophie du gaspillage de l'énergie. Une véritable politique de l'eau doit être mise en oeuvre. On ne le dira jamais assez: avec ses ressources incomparables d'eau douce, le Québec est l'Arabie saoudite du futur... Une Régie de l'énergie, indépendante du gouvernement et d'Hydro-Québec, pourrait à ce sujet proposer une véritable stratégie d'économie de l'énergie tout en planifiant une protection de nos ressources dans le but d'en préserver les richesses pour les générations futures.
Renforcer la communauté politique
Ensuite, (ré)unir sa population, c'est faire en sorte qu'elle puisse décider par elle-même et pour elle-même. Démocratiser. Une première mesure est en route, celle de modifier notre mode de scrutin. Soyons vigilants pour que ce soit une belle réforme et qu'elle ne soit pas manipulée par des intérêts partisans ou repoussée cyniquement du revers de la main.
Finalement, le projet d'une constitution québécoise peut être prometteur, mais il doit faire l'objet d'une adhésion transpartisane, sans quoi il ne fera que diviser plutôt qu'unir. Réunir sa population, c'est aussi proclamer sans gêne que le français est la langue officielle du Québec, sans renier les droits de la minorité nationale anglophone et ceux des nations autochtones.
Permettre à l'État du Québec d'envisager l'avenir
Troisième espace de souveraineté politique: le gouvernement. Est-il besoin de dire qu'il est non seulement contre-productif de baisser les impôts, mais que le moment est très mal choisi? Le déséquilibre démographique qui survient au Québec mérite que l'on se prépare à ce «choc». Il est irresponsable de se «sauver avec la cagnotte», sans penser aux petits-enfants qui seront trop peu nombreux et avec un État affaibli pour financer leur propre système d'éducation, la culture, le développement économique, le système de santé, etc. Il faut donc permettre à l'État du Québec de soutenir le développement futur de sa population et de son territoire par des mesures fiscales et autres qui permettent déjà de penser le long terme.
Souveraineté interne et externe
En matière de souveraineté externe, il faut pour le moment réaffirmer la doctrine Gérin-Lajoie: le Québec a le droit de parler de sa propre voix sur la scène internationale dans ses domaines de compétence. Dans la conjoncture actuelle (deux échecs référendaires en 15 ans), c'est la seule qui peut tenir. À l'interne, il faut savoir occuper au maximum nos sphères de souveraineté et lutter activement contre les volontés permanentes de centralisation d'un gouvernement fédéral qui a perdu le vrai sens du fédéralisme. De leur côté, les partisans de la souveraineté devront préparer un échéancier réaliste devant mener le Québec à l'indépendance. Ils ne peuvent plus pratiquer la politique de l'attentisme.
Environnement, culture et famille
Mais pour le moment, trois champs d'action apparaissent prioritaires: il s'agit de l'environnement, de la culture et de la famille. Ces trois champs sont l'avenir de la société québécoise. Ils exigent que l'on adopte des comportements concrets et quotidiens: - Développer une véritable politique des énergies renouvelables qui sont appelées à devenir des secteurs à haute valeur ajoutée tout en diversifiant l'économie des régions; utiliser notre territoire à des fins récréatives, l'investir véritablement pour empêcher qu'il soit uniquement soumis aux exploitants forestiers ou hydro-électriques... Éviter une consommation débridée et excessive; réduire notre consommation d'énergie (pour exporter l'excédent disponible); réduire nos déchets; économiser l'eau; soutenir les petits producteurs et les produits du terroir; privilégier les produits issus du Québec dans nos achats, etc. Éventuellement, taxer les gros pollueurs (individus et entreprises) pour les forcer à se tourner vers de nouveaux modes de production et de transport. - En matière culturelle, arrêter de copier les disques de nos artistes et les acheter. Aller voir leurs spectacles. Sortir au théâtre. Lire notre littérature. Voir notre cinéma qui est en pleine effervescence. Il faut que chacun de nous, pris individuellement, pratique «la préférence culturelle» et ensuite que notre gouvernement nous y aide. Donc, renverser la dynamique d'une politique culturelle anémique pratiquée par les différents gouvernements du Québec. Aimer sa culture, c'est aussi la projeter dans l'avenir. - Développer une véritable politique familiale soutenue financièrement par l'ensemble de la société. Ce sont les enfants que nous ferons qui permettront aux travailleurs d'aujourd'hui de profiter d'une retraite convenable demain. Il est donc urgent de remédier au déclin démographique du Québec en développant une véritable politique de soutien aux familles. Cela implique la mise en oeuvre des différentes modalités de la conciliation travail-famille; la réintroduction de véritables allocations familiales; l'élargissement du programme de garderies à faible coût; des congés parentaux plus généreux, le développement de milieux de vie favorables aux familles, etc.
Pour être une véritable communauté politique et nationale, il faut que l'on développe le Québec pour préparer le futur: protéger nos ressources et occuper notre territoire, démocratiser les institutions, préserver les sphères d'autonomie et les ressources financières du seul gouvernement contrôlé par la seule majorité francophone en Amérique, soutenir les familles, la culture, l'éducation... Ce qui nous ramène à la définition d'un véritable projet de société. Or, la seule croissance économique, l'enrichissement individuel et le repli sur soi n'en sont pas!
C'est à une prise en charge de nos institutions politiques et culturelles que j'en appelle. Il est urgent de réaffirmer concrètement - par des politiques publiques - que c'est au sein de la nation que l'individu acquiert des droits et décide de l'avenir de sa collectivité: passer à l'avenir, c'est promouvoir l'existence d'un espace politique et culturel qui permet l'ouverture sur le monde, sans quoi nous sommes condamnés à n'être que des consommateurs marginalisés tant à l'interne qu'à l'externe...
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Jean-Félix Chénier
Professeur de science politique au Collège Jean-de-Brébeuf et membre du «Pont entre les générations».

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Professeur de science politique au Collège Jean-de-Brébeuf et membre du «Pont entre les générations».





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