Au-delà des intentions et de la symbolique

Tribune libre 2008

Peu importe ce que l’on peut en penser, le Bloc tient présentement une
bombe à retardement entre les mains et peut la faire exploser quand bon lui
semble. Lorsque les conservateurs accusent « [...] les libéraux et les
néo-démocrates d'avoir signé «un pacte avec le diable» », ils ne croient
pas si bien dire.
Pour ma part, je dois saluer la décision prise par le Bloc québécois.
Certains s’indignent de le voir appuyer un gouvernement libéral dont le
premier ministre serait Stéphane Dion, mais ma façon de voir les choses est
la suivante : le Bloc stabilise présentement le Canada pour ensuite mieux
le déstabiliser. En effet, bien que le Bloc se soit engagé à appuyer le
gouvernement pendant un an et demi, il peut le faire tomber quand bon lui
semble. Par exemple, imaginez le gouvernement tomber en pleine course à la
chefferie libérale. Ce serait bien drôle. C’est ce qu’on appelle mettre en
confiance pour mieux trahir.
Bien sûr, encore faut-il que ce rapport de force incroyable dont le Bloc
québécois bénéficie soit utilisé stratégiquement, de façon à créer une
certaine forme de chaos à défaut de l’entretenir maintenant en plongeant le
Canada en élection. Pour moi, le Bloc ne sert pas prioritairement à
améliorer l’autonomie du Québec, soit défendre ses intérêts. Il ne doit pas
se servir de son pouvoir pour faire tomber le gouvernement si ce dernier
refuse telle ou telle mesure qu’il propose; la bombe aurait l’effet d’un
pétard mouillé.
Le Bloc sert principalement de force déstabilisatrice et de sabotage. Il
peut avoir des revendications, mais elles dépendent du gouvernement en
place. Autrement dit, dans un gouvernement majoritaire il ne peut pas faire
grand-chose, tout comme les autres groupes d’opposition, mais son poids
politique se fait sentir dans un gouvernement minoritaire dont il est en
bonne partie responsable. Dans une coalition, son rapport de force est
encore plus grand et il peut alors revendiquer, mais surtout maintenir une
certaine forme d’incertitude. Elle est là la pertinence du Bloc. Aussi,
n’allez pas croire qu’il va le crier sur tous les toits. Comment vendre à
la population du terrorisme politique?
De plus, comment ne pas se réjouir de l’effet produit par l’appui du Bloc
à la coalition? Les libéraux et les néo-démocrates perdent de la
crédibilité et l'unique risque que prend le Bloc est d’en perdre lui aussi.
Reste que c’est un risque à prendre, surtout quand on voit la réaction des
canadians de l’Ouest. Rien de mieux pour amplifier la division et le
ressentiment réciproque entre l’est et l’ouest. L’éclatement du château de
Lego à Trudeau sera généralisé et il en sera fini de cette aberration
qu’est l’Amérique du nord britannique.
L’illusion se dissipe
Avec la situation actuelle, permise par le Bloc, l’illusion d’indépendance
du Canada face aux institutions britanniques se dissipe. D’une part, c’est
la gouverneure générale, pseudo-chef d’État ayant été nominée, qui
décidera du sort du gouvernement : coalition ou élection. D’autre part, le
premier ministre peut faire appel à « Elizabeth II, par la grâce de Dieu,
reine du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires,
chef du Commonwealth, défenseur de la foi » pour destituer la gouverneure
générale afin de lui éviter le dilemme auquel cette dernière fait face.
Reste à savoir quelle des deux solutions est la plus anti-démocratique.
Cela me fait penser au temps où je travaillais au téléphone chez Ipsos,
soit en 2007. J’ai travaillé sur un sondage portant entre autre sur le
niveau de connaissance des québécois (peut-être des canadiens en général,
mais j’appelais au Québec) sur leur « pays ». On y demandait notamment de
nommer sans choix de réponses des droits et des responsabilités d’un
citoyen, des éléments de la charte des droits et libertés ; vous voyez le
genre. À part que, selon mon expérience, les résultats étaient assez
lamentables, une question a retenue mon attention : « Qui est notre chef
d’État en ce moment » (à quelques mots près ; ça fait longtemps). Pas une
seule fois l’on m’a répondu que c’était la reine d’Angleterre (peu importe
comment on l’appelle). Les réponses passaient de Stephen Harper à « ne sais
pas », en passant par Jean Charest ! Et dire que la face de cette reine
figure sur toutes nos pièces de monnaie. Certains de mes collègues ont
peut-être eut quelques brillants, mais je n’en reviens toujours pas. Je
n’ai malheureusement pas les résultats du sondage (je n’ai d’ailleurs
jamais vu les résultats des sondages sur lesquels j’ai travaillé).
Petite mise au point
Je tiens à préciser que le Bloc n’a pas nécessairement fait le plein
d’appui seulement au niveau des souverainistes. Bien sûr, il est bien moins
controversé que le PQ chez ces derniers, mais il ne faut pas oublier que
les députés du Bloc se sont fait élire principalement sur deux bases : la
minorisation des conservateurs et la défense des intérêts du Québec. Je
suis convaincu que beaucoup de fédéralistes, particulièrement des
autonomistes, ont voté pour le Bloc par rapport à ces enjeux, comme je suis
convaincu qu’il existait une certaine dispersion du vote souverainiste,
particulièrement en faveur du NPD et en considérant les abstentionnistes.
Un Bloc qui teindrait le même discours qu’au cours de la dernière campagne
électorale fédérale et qui bénéficierait du vote d’une très large majorité
de souverainistes aurait récolté bien plus que 38,1%.
Reste que c’est sujet à interprétation.
Jésus est canadien ?
Après avoir été traîné dans la boue et crucifié sur la place publique,
Stéphane Dion est ressuscité et va vraisemblablement devenir premier
ministre du Canada, puis descendra en enfer pour avoir vendu son âme au
démon séparatiste dans un ultime élan de « power trip». Comme quoi il
serait plutôt le « p’tit criss »…
- Antonis Labbé
[Accord historique entre les trois partis de
l'opposition->http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/200812/01/01-806077-accord-historique-entre-les-trois-partis-de-lopposition.php],
par Gilles Toupin – La Presse
[Les Albertains sont en
ta...->http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/patrick-lagace/200812/03/01-806757-les-albertains-sont-en-ta.php],
par Patrick Lagacé – La Presse
[Harper pourrait demander à la reine de destituer Michaëlle
Jean->http://www.cyberpresse.ca/dossiers/crise-a-ottawa/200812/03/01-806756-harper-pourrait-demander-a-la-reine-de-destituer-michaelle-jean.php],
par Catherine Handfield – La Presse
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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