André Boisclair et l'angle mort du PQ

Québec 2007 - Parti Québécois



André Boisclair veut le vote des " pacifistes, altermondialistes, féministes, progressistes et environnementalistes ".
Il a oublié les accordéonistes. Posons-nous tout de même la question : est-ce vraiment sur sa gauche que le Parti québécois peut aller chercher des votes?
Les résultats des quatre dernières élections nous disent que non. Le vote de gauche a été marginal.
Pendant qu'André Boisclair tente de soigner sa gauche, le grand voleur de votes du PQ, l'ADQ, le bouffe tout cru sur sa droite.
Examinons l'évolution du vote " de gauche " depuis 18 ans. En 1989, le Parti vert a récolté 2 % et le NPD 1,2 %. À deux, ils sont allés chercher 109 000 votes. Le reste est microscopique. En 1994, année encore plus maigre, le NPD a fait 33 000 votes, même pas 1 %, autant que le très méditatif Parti de la loi naturelle! En 1998, le parti de gauche qui a obtenu le plus de votes a été la Démocratie socialiste, avec 0,5 % des votes.
En 2003, finalement, plusieurs mouvements et groupes se réunissaient sous la bannière de l'Union des forces progressistes, où militait Amir Khadir. Résultat? 40 000 votes, tout juste 1 %. Le Bloc pot et le Parti vert ensemble faisaient autant. Concédons à cette gauche disparate 2 % des suffrages.
Cette année, la gauche est mieux structurée que jamais. Les sondages créditent les verts et Québec solidaire d'environ 10 % ensemble.
D'un point de vue stratégique, deux questions essentielles se posent : cette opinion publique ira-t-elle voter? Et si oui, est-elle vraiment partie du PQ pour aller voter à gauche, ou n'a-t-elle pas simplement décidé de voter au lieu d'annuler ou de rester chez elle?
Supposons qu'André Boisclair, avec son appel d'hier, ait bouleversé cet électorat. Supposons qu'il soit capable d'aller en chercher la moitié. Cela lui ferait un gros 5 % du vote total. C'est une hypothèse hautement fantaisiste, parce que tout ce qu'on sait des idées d'André Boisclair nous incline à croire qu'il est plus à droite que tous ses prédécesseurs au PQ, et peu susceptible de recruter le vote de gauche.
Mais supposons qu'il en soit capable. Il y a deux problèmes à cette solution. D'abord, statistiquement, les verts et QS recrutent en particulier dans une clientèle qui vote moins, proportionnellement : les jeunes. Cela ne sert à rien de gagner un sondage, il faut gagner des votes. Ensuite, dans bien des coins du Québec, l'ADQ mange le vote péquiste précisément parce qu'on trouve le Parti québécois trop étatiste, trop prosyndical, etc. Donc, une concession à la gauche pour gagner des votes en ville est coûteuse en région.
Or, quiconque sait lire peut voir dans les résultats électoraux deux choses évidentes : 1) l'ADQ progresse de plus de 200 000 votes dans chacune des trois élections générales depuis 13 ans; 2) le vote libéral est incroyablement stable depuis 20 ans en chiffres absolus : 1,7 millions de votants.
Le vote péquiste, lui, a fluctué en fonction du taux de participation : quand le taux est élevé, le PQ gagne, quand il est faible, il perd. Mais si le PQ a perdu un demi-million de votes en 2003, ce n'est pas seulement parce que des milliers de souverainistes sont restés à la maison. Il n'y a eu en 2003 que 250 000 votants de moins qu'en 1998. C'est aussi parce que l'ADQ est allée chercher 213 000 votes de plus qu'en 1998.
Or, 213 000 voix, c'est 5,5 % du vote. Bien plus que ce que tous les partis de gauche ont jamais pu aller chercher, toutes tendances confondues, y compris la gauche non souverainiste (NPD-Québec).
C'est là une analyse opportuniste du discours d'André Boisclair : s'il est vraiment à gauche, il n'a pas à aller courtiser le centre droit, que l'ADQ conquiert.
Bien entendu. Mais on sait tous que la réalité est à l'opposé : c'est par opportunisme qu'André Boisclair flirte avec la gauche en fin de course. Il n'y a pas si longtemps, il tentait de séduire l'électorat de la ville de Québec en laissant entendre que le " copinage " avec les centrales syndicales était chose du passé.
On a vu combien il s'est fait rabrouer par tout un chacun au PQ et chez les compagnons de route. Ce n'est pas surprenant : l'anthropologie du PQ, ses mythes fondateurs, rendent à peu près impossible une offensive ailleurs que vers la gauche.
Mais l'électorat de gauche voit le PQ pour ce qu'il est : un parti bourgeois souverainiste. Et l'électorat de l'ADQ voit ce que le PQ représente encore : un parti soutenu par quelques grandes centrales, partisan de l'intervention massive de l'État dans l'économie.
On avait des indices permettant de croire qu'André Boisclair voulait faire bouger le PQ dans la seule direction payante : sur le terrain de l'ADQ. À une semaine du vote, on dirait bien que le centre de gravité historique de ce parti qu'il voulait rajeunir l'en empêche. Le territoire adéquiste, aussi énorme soit-il, est dans l'angle mort du PQ. Terra incognita.
On verra dans une semaine ce qu'il lui en coûtera.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé