Le Parti québécois entame, avec l'arrivée de Pauline Marois à sa tête, une des périodes les plus cruciales de son histoire. Relégué au troisième rang à l'Assemblée nationale, il a besoin de cette modernisation que Mme Marois propose pour retrouver son statut de grand parti et pouvoir réaliser un jour le projet de société qu'il défend. Des débats et des choix déchirants l'attendent.
Le défi auquel fait face la nouvelle chef péquiste est immense. Son prédécesseur, André Boisclair, avait pressenti la nécessité de donner un coup de barre, mais il avait pu mesurer en quelques mois le degré de résistance à toute transformation trop radicale. Au lendemain de la défaite du 26 mars, il insistait, implorant ses militants de ne surtout pas verser dans le déni de la réalité.
Cet échec est le meilleur atout de Pauline Marois. Il est maintenant clair que les souverainistes ne peuvent plus compter sur l'alternance pour les ramener au pouvoir. Dans un contexte de multipartisme, ce n'est plus possible. Pour obtenir ce pouvoir de nouveau, il leur faudra le conquérir. Il leur faudra convaincre les électeurs que leur parti offre le meilleur programme.
Comprendre la nécessité de changer est un chose, s'y résoudre en est une tout autre. Le processus que veut engager la nouvelle leader péquiste sera exigeant. Il y aura des désaccords. Depuis 40 ans, ce programme n'a jamais été remis en cause, grâce notamment aux ailes les plus militantes du parti, qui veillaient au respect de l'orthodoxie péquiste. Silencieuses depuis la démission d'André Boisclair, elles se préparent à cet exercice. S'annoncent déjà pour l'automne un colloque du SPQ libre sur la social-démocratie et un autre du Rassemblement pour l'indépendance du Québec sur la manière de faire la souveraineté.
Le sujet le plus sensible est celui de la démarche vers l'indépendance, lequel n'a jamais fait l'unanimité. Ainsi, au lendemain de la défaite d'avril 2003, un fort mouvement s'était manifesté pour accélérer le processus d'accession à la souveraineté. L'idée d'une élection référendaire avait été rejetée, mais le congrès de juin 2005 avait retenu le principe d'un référendum «le plus tôt possible lors d'un prochain mandat». Ce fut l'engagement martelé par André Boisclair en campagne électorale. Pauline Marois ne veut plus, avec raison, de ce «stérile débat sur la date, le jour, l'heure du référendum», qui, à son avis, a braqué les Québécois contre son parti.
Si Mme Marois a précisé ce qu'elle ne veut pas, on ne sait cependant pas ce qu'elle souhaite. Une formule est à trouver qui évitera à un futur gouvernement péquiste de s'enfermer dans l'obligation de tenir un référendum tout en laissant ouvertes toutes les options si les circonstances imposaient qu'on le fasse. La réponse pourrait se trouver dans un processus d'initiative populaire, comme le souligne le politologue Jean-Herman Guay dans un récent numéro d'Options politiques. Il appartiendrait aux citoyens, plutôt qu'au gouvernement, d'amorcer la tenue d'un référendum au moyen d'une pétition. Une telle approche aurait le mérite d'être démocratique et d'accentuer l'effort de mobilisation des militants. Il ne faut pas craindre d'explorer de nouvelles avenues.
De tels débats ne manqueront pas d'être divisifs. On ne connaît pas de remise en cause profonde qui ne le soit pas. Il pourra y avoir des ruptures de la part des franges indépendantistes les plus radicales, comme il pourra y en avoir de la part des militants les plus à gauche, qui craignent quant à eux les remises en cause des politiques sociales. La recherche de consensus à tout prix est ce qui a donné à ces factions une influence démesurée par rapport à leur représentativité. Pauline Marois devra éviter ce piège. Pour réussir l'aggiornamento qui lui permettra de retrouver la confiance des Québécois, il lui faut se dégager de leur emprise et ouvrir les portes de son parti au plus grand nombre.
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