Faire confiance à Pauline Marois? Oui!

Ce n'est donc pas parce qu'on ne parle plus de référendum ou que l'on en recule la date sine die qu'on ne se soucie plus de l'indépendance

PQ - Pauline : gouverner mais encore ?....

Il semble bien qu'encore une fois, une idée fausse, relayée par les médias, s'installe au Québec, le culte de la vérité et de la rigueur ne faisant pas toujours partie de notre religion politique. Au cours d'une récente entrevue radiophonique, Mario Dumont affirmait, comme allant de soi, que le Parti québécois avait relégué aux oubliettes son option fondamentale, à savoir la quête de l'indépendance du Québec. On trouve curieusement la même idée chez un politologue averti comme le professeur Denis Monière, qui écrivait dans [Le Devoir du 22 juillet->7793] (p. B 5): «En repoussant la souveraineté aux calendes grecques, Mme Marois se privera d'un instrument de mobilisation des militants [...]», et, plus loin (ce qui est juste mais pas nécessairement pertinent dans le cas présent): «Il y a une logique irréfutable de la communication politique qui veut qu'une thèse ou une option qui n'occupe pas l'espace politique soit vouée à la disparition [...].» Quant à Josée Legault, dans [Voir (5 juil. 2007)->7885], elle qualifie la position de Mme Marois d'«euthanasie passive».
Or la vérité, c'est que cette dernière n'a jamais dit ou écrit que le Parti québécois devait renoncer à promouvoir l'indépendance. Ce qu'elle a écrit, dans un [article du 19 juin (Le Devoir, p. A 7),->7283] c'est qu'elle a compris que les Québécois «n'étaient pas prêts à rouvrir maintenant la discussion décisive sur la souveraineté du Québec [...]». Puis, elle ajoute que les deux piliers du Parti québécois étant la sociale-démocratie et la souveraineté, «vouloir les renier lui ferait perdre sa raison d'être». Et encore: «Pour ma part, je suis persuadée qu'aucun peuple ne peut renoncer à sa souveraineté et qu'aucun parti politique n'a moralement le droit d'écarter de manière définitive le droit d'un peuple à s'autodéterminer.» Il me semble qu'elle ne peut être plus claire sur ses intentions.
L'ennui, c'est qu'au Parti québécois et ailleurs, on s'est mis, depuis assez longtemps, à confondre référendum et quête de l'indépendance, et que l'on continue à le faire: repousser la date de l'un équivaudrait à abandonner l'autre. On confond ainsi un simple moyen et un but à atteindre, qui, lui, est l'essentiel. Or, souvenons-nous que la nécessité d'un référendum fut introduite, en 1973 si je ne m'abuse, dans la plate-forme électorale du Parti québécois par René Lévesque, à qui nous devons certes beaucoup, mais qui, au moment crucial, a eu peur de faire peur. Aujourd'hui, le référendum est, comme l'écrit Mme Marois, une «mécanique» (j'ajouterais: parmi d'autres) pour conquérir l'indépendance. Une mécanique, faudrait-il faire remarquer, qui, jusqu'ici, a très bien servi nos ennemis. Ce qui importe en réalité, plutôt que de réexaminer à fond les rouages et l'horlogerie de celle-ci, c'est d'enseigner aux Québécois en quoi consiste l'indépendance pour chacun d'eux, ce qu'est l'indépendance, à l'interne comme à l'externe. Quand les Québécois sauront clairement ce qu'est un peuple indépendant et tout ce que l'on peut accomplir en disposant de ce statut, nous n'aurons sans doute besoin d'un référendum que pour adopter, en toute liberté, notre nouvelle constitution de peuple souverain. Ce n'est donc pas parce qu'on ne parle plus de référendum ou que l'on en recule la date sine die qu'on ne se soucie plus de l'indépendance.
Par ailleurs, on a dit et répété que le Parti québécois dévore ses chefs. À vrai dire, il arrive plutôt qu'une fois que l'on a élu ou nommé un chef, tout le monde prétendant pouvoir exercer sa fonction, on se met à lui dicter sa conduite dans les moindres détails. Il s'ensuit que, sans doute pour mieux le critiquer, on exige que le chef fasse preuve d'une transparence intégrale, dévoile toutes ses cartes. Or quand on a choisi un chef, il faut lui faire confiance et ne pas se mettre trop facilement à croire, comme on l'a fait de tous ceux qui se sont succédé à la barre, qu'il n'est pas un véritable indépendantiste et qu'il doit être répudié. Cette attitude donne peut-être une savoureuse impression de pouvoir, mais elle n'est pas très efficace. D'autre part, en forçant le chef à dévoiler toutes ses cartes, on le livre tout simplement en pâture à nos ennemis, qui, ne l'oublions pas détiennent la plupart des médias. La politique n'est pas un jeu; c'est une guerre supposant stratégie et tactiques.
Personnellement je suis prêt à faire confiance à Mme Marois et à sa détermination, car je ne doute pas qu'évitant de s'empêtrer dans la «mécanique» d'un référendum comme l'ont fait ses prédécesseurs sous l'impulsion d'un congrès aveugle, elle n'en veuille pas moins aller à l'essentiel et procéder en particulier à la pédagogie de l'indépendance. On a cru à tort, ces dernières années, faire l'économie de cette démarche, étant sans doute plus occupés à conserver, sinon à conquérir, le pouvoir qu'à instruire notre peuple. Puisque cette stratégie, ou plutôt ce manque de stratégie, s'est soldé par un échec, il serait souhaitable d'en élaborer une autre qui soit convaincante et de laisser Pauline Marois reprendre sereinement la situation en main, sans que nos intellectuels expriment, à tout bout de champ, des doutes sur ses convictions et sans la forcer à une transparence intégrale qui ne pourrait que l'affaiblir et mettre en péril une cause déjà assez mal en point.
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Gaston Laurion, Montréal


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