Agenda scolaire propagandiste

Chronique de Bernard Desgagné

Mme Kim Anne De Champlain
_ Directrice
_ École Saint-Jean-Bosco
_ Gatineau, Québec
Madame,
Après avoir lu les articles dans les journaux, notamment dans le Devoir, au sujet des agendas scolaires Historica de la société Premier, qui ont été bannis à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), j'ai jeté un coup d'oeil à l'agenda de mon fils, qui fréquente l'école primaire Saint-Jean-Bosco. J'en ai été horrifié. Permettez-moi de vous dire en détail pourquoi vous devez retirer le plus tôt possible cet agenda des mains des élèves.
Tissu de propagande
L'agenda de mon fils, que votre école a acheté avec l'argent des parents, est effectivement l'agenda Historica dont parlent les médias. C'est un tissu de propagande qui n'a pas sa place en milieu scolaire. Loin d'être purement éducatif, il accorde très peu de place à la réalité québécoise. Il a manifestement été traduit de l'anglais au français et met l'accent sur les réalisations, les personnalités et les auteurs de l'Amérique du Nord anglo-saxonne. On y parle notamment de la construction du chemin de fer transcanadien, à la fin du XIXe siècle, de Sir Sanford Fleming, l'inventeur des fuseaux horaires, ainsi que des athlètes Debbie Brill, Kurt Browning, Ian Millar et Marilyn Bell. Mais ne cherchez pas dans l'agenda Historica les Jean-Luc Brassard et autres olympiens québécois auxquels les médias du Canada anglais, Don Cherry en tête, ont souvent reproché leur prétendue allégeance séparatiste. Vous ne trouverez aucun champion québécois dans l'agenda Historica. Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur n'ont jamais existé.
À la page 131, dans l'un des rares passages concernant le Québec, on écrit que, lors de la Révolution tranquille, le Québec a décidé de créer ses propres programmes sociaux plutôt que d'utiliser les programmes «nationaux» existants. Pourtant, c'est plutôt le Canada qui, dans nombre de cas, a imité les programmes mis sur pied au Québec, comme le gouvernement libéral de Paul Martin voulait le faire encore récemment avec son projet de programme de garderies. Voilà un exemple patent de dénigrement du Québec. On gomme des pans entiers de l'histoire du Québec et après, on ose dire qu'on fait de l'éducation.
Aux yeux des auteurs de l'agenda, qui taisent les injustices, les scandales et la corruption ayant entaché la construction du chemin de fer transcanadien, les Québécois n'ont sans doute aucun mérite d'avoir construit de grands ouvrages hydroélectriques grâce à la nationalisation de l'électricité. Les auteurs de l'agenda sont les dignes héritiers des prophètes de malheur des années 1960, valets des producteurs d'électricité privés, qui prédisaient la fin du monde si le Québec nationalisait son électricité. L'agenda Historica préfère passer sous silence le fait que René Lévesque a envoyé ses fonctionnaires à New York pour négocier les emprunts nécessaires à la nationalisation de l'électricité, emprunts que la ligue des beaux-frères banquiers de Toronto ne voulait pas lui consentir. Tous ces faits d'armes et bien d'autres encore ne méritent pas d'être mentionnés dans l'agenda Historica. Car, dans la perspective Historica, les Québécois ne peuvent rien accomplir de bon sans le Canada. Hors du fédéralisme inconditionnel, point de salut.
Devinettes, Ô Canada et auteurs anglais
Les devinettes de l'agenda sont rarement intéressantes et souvent carrément ridicules. Ainsi, on nous demande combien l'État fédéral canadien a payé pour acheter les droits d'auteur sur les paroles anglaises de l'Ô Canada. De plus, on commet dans l'agenda d'inexcusables fautes de français, comme à la page 123, lorsqu'on dit que la devise du Canada, a mari usque ad mare «signifit d'un océan à l'autre». Évidemment, il ne faut pas s'attendre à ce que les disciples d'Historica connaissent l'existence des fruits du génie informatique québécois, comme le logiciel Antidote, un correcteur orthographique qui leur aurait sans doute permis de bien conjuguer le verbe «signifier».
Quand il est question de musique, dans l'agenda, c'est pour parler de l'Ô Canada et nous dire que c'était autrefois une chanson exprimant la culture française au Canada, qui a été chantée pour la première fois «à la Saint-Jean-Baptiste» et qui est devenue l'hymne national du Canada. Autrement dit, vous, les Québécois, n'existez plus vraiment, ni comme peuple, ni comme nation. Votre fête nationale n'existe pas non plus et le 24 juin n'est qu'un vestige de votre passé religieux. Depuis l'époque où vous vous appeliez des Canadiens, puis des Canadiens français, vous avez été absorbés par le Canada, qui a phagocyté votre identité et qui s'est arrogé l'usage exclusif des mots et des chansons que vous avez vous-mêmes inventés pour vous définir.
Les citations contenues dans l'agenda sont presque toutes issues de l'Amérique du Nord anglo-saxonne. J'en ai trouvé une seule qui vient de la bouche d'un Québécois. Il s'agit de quelques paroles légères de la chanson Demain l'hiver, de Robert Charlebois, qui font allusion à la célèbre chanson de Gilles Vigneault, Mon pays, c'est l'hiver. Mais de Gilles Vigneault lui-même, un véritable monument que pratiquement personne ne connait au Canada anglais, nulle trace dans cet agenda. Il y a bien aussi la citation de Julie Payette, mais cette femme a surtout été l'instrument de l'orgueil canadien dans l'espace. Du reste, je ne suis pas certain qu'elle ait prononcé les mots qu'on lui attribue en français. La plupart du temps, comme tous les Québécois récupérés par le tentaculaire État fédéral, Julie Payette doit s'exprimer en anglais au travail.
En fait de lectures, l'agenda Historica propose aux élèves des livres comme Anne... la maison aux pignons verts, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, Charlie et la chocolaterie et Petit Stuart, toutes des oeuvres composées en anglais, puis traduites en français, à l'image du Canada. Aussi bien dire qu'il ne s'écrit rien d'intéressant en français, tant qu'à y être. L'agenda propose aussi aux jeunes le livre de poésie pour enfants Ragoût de crocodile, de l'auteur Dennis Lee. Il s'agit bien entendu encore une fois de la traduction française d'un ouvrage écrit en anglais. L'agenda mentionne Ookpik, le harfang des neiges, personnage créé par Dennis Lee. On aurait peut-être pu mentionner ailleurs dans l'agenda que le harfang des neiges est l'oiseau emblématique du Québec, mais les auteurs de l'agenda l'ignorent probablement.
Minutes du patrimoine Historica
L'agenda Historica, qui est marqué d'une feuille d'érable au bas de presque toutes les pages, renvoie constamment le lecteur aux minutes Historica, c'est-à-dire aux minutes du Patrimoine dont on a tant parlé en rapport avec le scandale des commandites. Il nous renvoie aussi au site de la fondation Historica, le bébé de Peter Bronfman, que ce dernier a mis au monde pour vendre le Canada aux Québécois en édulcorant leur histoire. Au Canada, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Les conflits n'ont été que des orages vite dissipés, et les deux grandes ethnies, l'anglaise et la française, ont bâti le pays main dans la main. Historica fait carrément du lavage de cerveau, ce qui est tout à fait incompatible avec la mission de l'école québécoise.
Une seule solution: le remplacement
Il y a selon moi une seule solution qui s'offre à l'école Saint-Jean-Bosco: le remplacement pur et simple de l'agenda Historica, à l'instar de ce qui s'est fait à la CSDM. Cet agenda propagandiste doit être remplacé par le véritable instrument d'éducation auquel ont droit les jeunes Québécois. Je n'accepterai pas que mon argent serve à financer une pareille opération de propagande, surtout pas à mon insu, et je ne laisserai pas mon fils trimbaler avec lui toute une année une pareille insulte aux Québécois.
D'ailleurs, je comprends mal comment votre école a pu faire une pareille erreur de jugement. Pourquoi diable avez-vous eu besoin d'aller chercher des agendas si loin, au Canada anglais, alors qu'il existe justement un fabricant québécois d'agendas en Outaouais, la société Aupel, qui fabrique de bons agendas utilisés notamment dans au moins une école de votre commission scolaire, l'école secondaire de l'Île. Je vous signale qu'au lieu des citations sans intérêt de l'agenda Historica, les agendas Aupel contiennent par exemple des définitions d'expressions figées françaises et des suggestions pour remplacer les nombreux anglicismes qui nous font malheureusement oublier les formules simples et claires de notre langue.
Donc, j'exige que l'agenda Historica soit remplacé dans les plus brefs délais.
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ADDENDUM
Question pour la société Premier, qui fabrique les agendas Historica: Vendez-vous, à Toronto, Vancouver et Calgary, des agendas scolaires qui ignorent les héros du Canada anglais et vantent uniquement les prouesses des Québécois, de Maurice Richard au Cirque du soleil? Ces agendas proposent-ils uniquement, comme lectures, des traductions d'oeuvres de Tremblay, Beauchemin ou Hugo? Ne mentionnent-ils qu'accessoirement l'histoire et les caractéristiques de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique?
Question pour le ministre Pelletier: Vous qui étiez si prompt à dénoncer le livre Parlons de souveraineté à l'école, qui avait été rédigé par des bénévoles, qui était destiné uniquement aux enseignants et qui était disponible en librairie, et non vendu aux écoles, comment réagissez-vous à une entreprise de propagande comme l'agenda Historica, qui vise directement des populations entières de jeunes enfants et qui a été réalisée avec l'argent des contribuables et avec l'assentiment des autorités scolaires?
Question pour le ministre Fournier: Après les subventions aux écoles juives, l'enseignement de l'anglais en première année, la loi 142 pour remonter le moral des enseignants, les programmes d'histoire favorisant l'amnésie collective et les agendas Historica, avez-vous d'autres bonnes idées pour améliorer l'école québécoise?

Bernard Desgagné
_ Gatineau, Québec


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2006


    Quand en arrivera-t-on à identifier le vrai responsable - et toujours impuni malgré cet édifiant "scandale des commandites" - de ces intoxicantes gellules de HERITAGE KANADA polluant nos écoles via cet HISTORICA ? Quand démasquera-t-on le dénommé Robert-Guy Scully - franco-ontarien de service ou "token French Canadian" -, et aura-t-il enfin à répondre de cette écoeurante manipulation anti-québécoise ? Quand ce fédéraste impénitent de Scully sera-t-il connu pour ce qu'il a toujours été, soit un agent d'influence pour cette puante désinformation ultra-francophobe concoctée par la SCRS composée des barbouzes et autres agents provocateurs de la RCMP des années 60 et 70 ayant sévi au Québec ?