Accommodements raisonnables - Leadership politique recherché

Tolérance des Québécois / Sondage sur le racisme des Québécois

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En matière d'accommodements raisonnables, il est clair que l'État ne peut plus laisser aller les choses comme il le fait présentement, insouciant des conséquences qu'elles ont sur la société d'aujourd'hui et, surtout, qu'elles auront sur celle de demain. Il doit prendre la situation en mains et la corriger.
L'État doit adopter une législation qui posera la pierre d'assise du futur édifice social: la laïcité de l'espace public. La laïcité, c'est la séparation de la société civile et de la société religieuse. L'espace public, ce sont les locaux de l'administration publique, centrale et décentralisée, les palais de justice, les prisons, les hôpitaux, les CLSC, les municipalités locales, les MRC, les communautés métropolitaines, les garderies, les écoles primaires et secondaires, les cégeps et les universités etc.
Poser le principe de la laïcité de l'espace public, cela veut dire que l'État doit prendre les mesures nécessaires pour que, dans l'espace public, tant ses propres actes que les activités citoyennes soient neutres, c'est-à-dire exemptes de toute connotation religieuse, quelle qu'elle soit.
Mais pourquoi faire appel au principe de la laïcité, plutôt qu'à celui de l'accommodement raisonnable, comme pierre d'assise à la solution des problèmes énoncés?
Un bref retour historique s'impose.
De plus en plus libres
L'être humain, dans la sphère de sa vie privée, a été historiquement très fortement imprégné de croyances religieuses et a été tout autant influencé par elles.
D'ailleurs, pour la très grande partie de l'histoire de l'humanité, les croyances, commandements, enseignements, diktats, souhaits, habitudes, pratiques, menaces, opinions, usages ou coutumes incarnés dans des églises, ont constitué les fondements mêmes de la vie en société pour les hommes. Les personnes en autorité dans ces sociétés et les dirigeants religieux étaient, sinon les mêmes, tout au moins en étroite connivence, et les premiers acceptaient généralement l'autorité des seconds.
L'histoire des derniers siècles, cependant, nous apprend que les hommes ont voulu être de plus en plus libres et être de plus en plus égaux entre eux, le tout accompagné d'une diminution de la présence et de l'influence des religions sur ce qui se passait dans les sociétés. L'apparition et l'édification de l'État, au sens que nous lui connaissons aujourd'hui, représente cette démarche où l'on a retrouvé dans les sociétés de plus en plus de liberté pour tous les hommes, de plus en plus d'égalité entre eux et de moins en moins de présence et d'influence des Églises sur ce qui s'y passait.
L'État, au fur et à mesure qu'il s'est construit, a pris ses distances d'avec les religions, reléguant de plus en plus leur présence et leurs actions dans la sphère privée de la vie des individus. Et alors que l'État tendait de plus en plus vers l'égalité entre les hommes et les femmes, les religions continuaient à défendre et même à promouvoir leur inégalité.
Finalement, on en est venu à connaître des États où les religions ne jouent plus ,directement ou indirectement, de rôle officiel auprès des dirigeants de ces États, ni dans leurs décisions ni dans leurs institutions. La séparation des Églises et de l'État est chose faite. Certains l'ont atteinte plus tôt ou plus complètement que d'autres, mais il est évident que cette séparation est devenue le modèle d'organisation des sociétés modernes.
Règle claire et uniforme
Aujourd'hui, dans une société démocratique et laïque, il va de soi que l'État n'intervient à aucun moment dans les affaires des religions et il ne favorise ou ne défavorise aucune d'entre elles. L'espace public dans lequel l'État et ses institutions agissent est neutre. L'État lui-même est neutre: il n'est pas anti-religion ni pro-religion.
En conséquence, dans la mesure où il n'agit pas malicieusement, capricieusement ou dans le but de heurter qui que ce soit, l'État peut légitimement demander et exiger des Églises, de leurs fidèles et adeptes que leurs croyances, commandements, enseignements, diktats, etc., n'apparaissent pas ou ne jouent pas quelque rôle que ce soit dans l'espace public.
Par contre, dans la sphère de la vie privée, les fidèles ou adeptes croiront ce qu'ils veulent et observeront les règles auxquelles leur religion leur demande de se plier.
La laïcité fournit donc une règle claire et uniforme pour tous, connue à l'avance, et dont personne ne peut dire qu'elle vise une catégorie de personnes en particulier, par exemple les immigrants pratiquant telle ou telle religion, puisqu'elle s'applique déjà aussi bien aux catholiques qu'aux protestants depuis près de 50 ans.
De plus, la neutralité de l'État et des actions citoyennes dans l'espace public rendrait la vie plus facile à tous en cas de conflit. Pas besoin de se demander si c'est la sécurité qui est en jeu, comme pour le kirpan à l'école ou dans un palais de justice; pas besoin non plus de se demander si le port du voile, du hijab ou de la burka à l'école va à l'encontre de l'égalité des femmes. Ils sont tous des signes d'une expression religieuse qui ne doit pas avoir cours dans l'espace public.
On n'a pas non plus à se demander si certains membres de la communauté juive peuvent installer des érouvs dans l'espace public. Ni si quelqu'un peut refuser ou même empêcher pour des raisons religieuses qu'un médecin examine, soigne ou opère une femme, etc.
L'égalité: fondamentale
Les sociétés occidentales ont évolué vers l'égalité des hommes et des femmes, valeur fondamentale, s'il en est, de la société québécoise d'aujourd'hui, valeur peu conciliable avec plusieurs des pratiques ou exigences de certaines religions pour lesquelles on réclame des accommodements.
N'est-ce pas à cause de cela que répugne à plus d'un l'idée qu'au nom de la tolérance on permette la libre expression dans nos écoles ou autres lieux publics de signes ou de préceptes religieux contraires à l'égalité des hommes et des femmes? Par exemple, permettre certains signes ou pratiques, ne serait-ce pas cautionner les valeurs qu'ils véhiculent en ce qui a trait au corps des femmes et à la sexualité?
On retrouve dans le débat qui a cours présentement cette problématique de l'inégalité dans plusieurs cas, comme le voile ou le refus de la présence d'hommes à des cours prénatals, la baignade des jeunes filles dans certaines écoles à des heures différentes des garçons ou toutes habillées, le refus d'être soignée par un médecin, etc.
Le principe de la laïcité permettra d'éviter ces cafouillages et la confusion qui en résulte. La recherche de l'accommodement raisonnable n'aura plus sa raison d'être, tout au moins en ce domaine.
Où sont les politiciens?
Pour que ce qui précède trouve une application concrète, générale et uniforme, l'État québécois devrait adopter une loi ayant un statut similaire à celui de la loi 101, que l'on qualifie de Charte de la langue française. Elle constituerait une déclaration de principes servant au balisage précis de l'action de tous dans l'espace public, que ce soit du côté des institutions ou du côté des citoyens.
Enfin, ces questions soulèvent un autre problème, celui du leadership politique. En effet, où sont nos politiciens dans ce débat? Que nous proposent-ils? Ont-ils un point de vue? Et si oui, quel est-il? C'est une véritable honte que, dans un débat mettant en cause les valeurs les plus fondamentales de notre société et qui faisait déjà la manchette il y a deux ans, nous n'ayons pas entendu les chefs de nos partis politiques s'exprimer sur la question, à l'exception de Mario Dumont.
Intervenir dans ce débat ne signifie pas dire quelques mots sur un cas particulier, comme de dire que le crucifix que l'on trouve au-dessus du fauteuil du président de l'Assemblée nationale devrait rester là ou être enlevé. Pour messieurs Charest et Boisclair, intervenir dans ce débat ne signifie pas non plus que l'un et l'autre fassent, presque simultanément, une très forte sortie contre Mario Dumont qui, pour se faire du capital politique facile, selon eux, attiserait les vieux démons de l'identité québécoise par ses déclarations.
Messieurs Charest et Boisclair, les Québécois sont en droit de savoir ce que vous et vos partis pensez sur le fond de ce débat. Et surtout, ils ont le droit de vous entendre leur faire connaître les orientations et les actions que vous proposez.
Messieurs les chefs de partis, vous vous préparez en vue de la tenue d'une élection dans les prochains mois et vous êtes en train de peaufiner vos arguments sur la plupart des sujets qui, selon vous, préoccupent les Québécois. Or, vous ne pourrez pas faire un tel peaufinage en la matière du présent texte puisque vous n'avez rien énoncé à ce jour sur un sujet qui fait pourtant l'objet de toutes les conversations dans la population et qui risque de connaître d'autres rebondissements.
Ne croyez pas que vous serez crédibles si vous attendez la campagne électorale pour enfin dire quelque chose. Il sera trop tard. Et ni surenchère ni le silence ou la négation du problème ne seront permis. Les valeurs d'une société, l'âme d'un peuple, sa façon de vivre et d'être, sa confiance en lui-même ne peuvent être niées ou ignorées impunément par ses leaders pendant aussi longtemps.
Et gare aux pirouettes intellectuelles en apparence brillantes mais fondamentalement creuses. Sur un tel sujet, les Québécois n'admireront pas la haute voltige, ils la sanctionneront sévèrement, tout comme leurs auteurs.


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