Wallons et Québécois, restons fidèles à notre histoire

Chronique de José Fontaine

Ce vendredi, Elio Di Rupo, président socialiste et chargé de former le nouveau gouvernement fédéral belge (le dernier ?), a déclaré qu’il fallait une profonde réforme de l’Etat notamment pour répondre au vœu flamand de « révolution copernicienne », formule qui signifie simplement que dans l’Etat fédéral belge, ce ne sera plus justement cet Etat fédéral qui sera le centre. Mais au contraire les Etats fédérés (ou confédérés dans la mesure où existent déjà dans le fédéralisme belge plusieurs traits de confédéralisme permettant à cette formule d'être proche de celle qui définit l'union d'Etats souverains).
On sait qu’après la victoire socialiste en Wallonie et la victoire du parti nationaliste flamand en Flandre (la NVA, Nieuwe Vlaamse Alliantie) de Bart De Wever (aux élections de juin dernier), le nationaliste flamand et le socialiste wallon ont pris les choses en main pour effectuer une profonde réforme de l’Etat.
Il est regrettable que Di Rupo, pour faire passer cette réforme aux yeux des Wallons (mais peut-être surtout des Bruxellois ? et de l’unitarisme d’une petite bourgeoisie fossilisée ?), soit obligé de dire qu’il s’agit là d’une volonté flamande et que si l’on veut continuer à s’entendre avec les Flamands il faut bien faire un bout de chemin avec eux. Ce n’est certes pas regrettable qu’on cherche l’entente avec les Flamands. Mais qu’on veuille donner comme principale motivation aux Wallons pour l’autonomie, le fait qu’elle soit voulue par d’autres, ce qui est précisément le contraire de l’autonomie. La principale raison d’être autonome, c’est de le vouloir. Pour soi, fatalement. Il y a là une sorte d’égoïsme qui n’en est même pas un et qui est la condition de possibilité de l’ouverture sur l’autre…
Il y aura de bonnes nouvelles au Québec
Ce que dit Di Rupo est d’autant plus absurde que, historiquement, même si le président du PS ne veut pas le voir, c’est la Wallonie qui a le plus profondément voulu l’autonomie au cœur de luttes implacables, parfois même sanglantes telle celle menée contre le roi Léopold III et dont on fête le dénouement aujourd’hui, il y a 60 ans.
Heureusement, il y a d’autres bonnes nouvelles et notamment le fait que l’influent député écologiste Bernard Wesphael vient de faire une sortie régionaliste remarquée (c’est ainsi que l’on nomme les nationalistes chez nous, vu que le mot « nationalisme » est péjoratif en Europe).
Il y a de bonnes nouvelles en Wallonie. Il y en aura au Québec. Ce qui me frappe vraiment dans l’histoire de la Wallonie, c’est que la revendication de l’autonomie y ait toujours été minimisée. On en est encore à s’étonner chaque fois que quelqu’un se dit « régionaliste » ou chaque fois que l’on s’avance vers l’autonomie comme si c’était une tendance à la limite un peu aberrante, anormale et certainement en Wallonie. C’est le contraire qui est vrai.
Comme je l’ai dit souvent, là où la Wallonie est en avance politiquement ou juridiquement, le Québec est en retard (au sens où les traits de confédéralisme sont poussés chez nous puisque la Wallonie est un des rares Etats fédérés au monde qui peut signer des traités très souverainement, dans tous les domaines de sa compétence ). Alors que la Wallonie est en retard sur le plan culturel ou de la conscience de soi, tandis que le Québec est déjà, spirituellement si je peux ainsi le dire, une nation. Mais il faudra bien un jour que ces deux dimensions se joignent et se rejoignent. Il est impossible de dire laquelle est la plus importante. Je ne vois pas comment l’une pourrait aller sans l’autre.
Restons fidèles, Wallons et Québécois, à notre histoire.
Pour le Québec, les patriotes du 19e siècle, la révolution tranquille, la visite du général de Gaulle, la crise d’octobre, la victoire de René Lévesque, le OUI raté d'extrême justesse (et peut-être parce que le Canada a triché), la reconnaissance du Québec comme nation.
Pour la Wallonie, par exemple, la grève de 1950 contre le roi Léopold III dont on fête aujourd’hui l’heureux dénouement que fut le retrait du roi devant le courage des ouvriers wallons multipliant sur les voies de chemin de fer et les cabines électriques les même attentats que ceux de la Résistance. Après 10 jours d’émeutes, le roi se retirait et le drapeau wallon avait été hissé, à la place du drapeau belge, sur les édifices publics des grandes villes wallonnes.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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2 commentaires

  • José Fontaine Répondre

    2 août 2010

    Chère Marie-Mance,
    D'une certaine façon, aussi dures qu'elles aient été, les grèves, du moins quand elles se déroulent dans un pays démocratique, font partie d'un jeu qui est celui-là même de la démocratie. Je suis en train de me demander si, dans ces grèves, la violence ne vient pas plutôt de la répression, la violence de celle-ci devenant inacceptable et elle fait sentir que si l'ordre social n'est pas négocié à nouveau, il s'écroulera, ce qui fait parfois gagner la grève.
    Mais attention, je ne veux pas être aveugle. La grève de 60-61 a été réprimée efficacement, bien plus que celle de juillet 50 (il y a sur le site de Wikipédia en anglais, un film qui montre des images surprenantes de gendarmes débordés, mais c'est en 1950). On pourrait aussi se dire que la grève a comme objectif la délibération. On peut se dire que chacun est prêt à dialoguer mais non, évidemment. Alors, pour y parvenir, il faut une autre parole que la simple parole discutante.
    Le Quesnoy est en Hainaut. Cette ville a fait partie des provinces wallonnes jusqu'aux conquêtes de Louis XIV qui s'est en somme emparé de la région de France qui s'appelle le Nord-Pas-de-Calais (le film "Bienvenue chez les Ch'tis'' qui est le film français le plus vu de toute l'histoire dit bien la mentalité de cette région en laquelle les Wallons se reconnaissent (d'ailleurs le film a eu un énorme succès en Wallonie aussi)). On voit bien le rapport que cette région a avec la Wallonie d'aujourd'hui sur des ///cartes de la Wallonie au XVIIe siècle/// (taper ces mots sur Google)
    C'est vrai que les guerres de Louis XIV ont été meurtrières.
    Mais nous sommes relativement bien en Europe, du moins maintenant. Voyez ce qu'il en est de l'Afrique durant les années 90
    http://www.larevuetoudi.org/fr/story/hécatombes-en-afrique-de-la-décennie-90
    La responsabilité des anciennes puissances coloniales, y compris la Belgique, est engagée là-dedans. Le film québécois "Les invasions barbares" donne aussi une idée de la violence des Occidentaux dans les deux Amériques.
    Il y aura 96 ans après-demain (4 août 1914), l'Empire allemand tentait d'atteindre la France au coeur en faisant passer un million d'hommes par - principalement - Liège et la Wallonie. Les soldats belges se sont défendus. Alors que le plan allemand comptait sur la passivité belge, l'armée de ce pays [que je ne considère plus comme le mien totalement bien sûr, la Belgique devant à mes yeux disparaître et faire place à la Wallonie notamment], a infligé d'emblée une défaite à l'armée allemande (de 3 à 5000 morts et plus encore d'hommes hors de combat). La question de savoir si cela n'a pas été l'une des nombreuses causes de la défaite allemande est discutée (les Français le nient, cependant). L'Allemagne a considéré la réaction belge comme illégitime (dans la mesure où elle fut perçue comme une aide - objective - donnée à la France). Mais l'armée allemande réagit très très mal.
    Car en quelques semaines 20.000 maisons furent détruites et 5.000 civils passés par les armes dans une centaine de localités, surtout en Wallonie. En mai 2002, un représentant du gouvernement allemand est venu demander pardon dans la ville la plus éprouvée, Dinant, où j'ai passé mon enfance et ma jeunesse. L'Europe, c'est quand même aussi cela. On souhaiterait que cette manière de surmonter les conflits soit contagieuse. Je sais que dans le conflit qui oppose la Chine au Japon sur ce plan (la reconnaissance des torts causés), les Chinois savent quelle est la bonne politique menée par l'Allemagne (et que le Japon ne mène pas).
    Chaleureusement! Profitez bien de l'été!
    José Fontaine

  • Archives de Vigile Répondre

    1 août 2010

    Cher José,
    Pourquoi pas un plongeon dans l'Histoire...
    Je lis présentement des biographies d'Isabeau de Bavière, particulièrement celle, assez savante, écrite par Philippe Delorme et je me rends bien compte que l'histoire de l'Europe, à travers les siècles, s'est beaucoup développée chez vous, sur votre propre territoire. Vous en avez du mérite d'avoir survécu à tout cela. Je me demande même si l'UE ne serait pas un copier-coller de l'histoire des siècles passés. Enfin, c'est mon humble opinion.
    Je connais peu l'histoire de cette partie de l'Europe et de sa géographie. Pourriez-vous me dire où se situe Le Quesnoy ? Je cherche, mais je ne trouve pas. S'agit-il du Hénaut, du Brabant ?... Serait-ce un ancien duché rattaché à la France dont l'existence remonterait à la dynastie des Capets, particulièrement à Philippe Le Bel ?
    À la suite de ces lectures, je comprends mieux le désir des Picards et des Normands d'avoir voulu venir s'établir en Nouvelle-France, afin de quitter cette partie de l'Europe où se sont joués de grands enjeux politiques et des guerres interminables et de tout ce que cela comportait à l'époque. Et encore aujourd'hui sans doute.
    Merci à l'avance !
    Marie Mance V