Chronique de la croqueuse de mots (2)

Vous avez dit... "LA Commission" ?

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Si vous entendez parler de LA Commission, la première chose qui vous vient à l'esprit est sûrement la Commission Bouchard-Taylor, qui porte, dira-t-on au premier abord, sur les accommodements raisonnables et, au deuxième, sur les accommodements raisonnables et l'immigration, et, finalement, le titre officiel de ladite Commission vous étant connu, vous aurez le mot juste en disant: "sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles".
Or, avouons que, lors des forums et des audiences de la Commission B-T, nous entendons peu parler de ces pratiques d'accommodement et cela, pourquoi? Parce que messieurs Bouchard et Taylor ont décidé d'élargir singulièrement le mandat que leur avait confié le gouvernement Charest. Ils ont plutôt vu et jugé, dans leur grande sagesse, que le soulèvement populaire contre certains arrangements jugés déraisonnables et contraires à nos valeurs fondamentales (dont, essentiellement, oui, oui, oui, l'égalité entre les hommes et les femmes), était le symptôme, pointant comme un abcès au sommet d'un iceberg, d'un problème soi-disant beaucoup plus profond et qui impliquait donc de traiter de l'interculturalisme, de l'immigration, de la laïcité et de l'identité québécoise. Rien de moins!
Et on les a laissé faire, on n'a rien dit, on leur a laissé le chemin libre sur cette vaste et large, trop large autoroute à quatre voies minimum et aux multiples sorties, dans lesquelles, d'ailleurs, se perdent bien des chauffeurs - et quelques chauffards aussi. "Qui trop embrasse mal étreint", et le risque de noyer le poisson n'en est que plus grand. Jusqu'à présent, on peut dire qu'effectivement, le pauvre poisson est noyé - à moins qu'il soit encore moribond au fond de l'océan et que quelqu'un aille l'en réchapper et, selon la belle expression de Joseph Facal, que "certains des éléphants qui trônent au beau milieu du salon, mais que personne n’ose nommer" le soient enfin! Qu'ils soient enfin nommés, listés, examinés et jugés.
Car, diantre, c'était le mandat même de cette Commission: 1) "dresser un portrait fidèle des pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles"; 2) "effectuer une analyse des enjeux qui y sont associés en tenant compte, notamment, des expériences à l’extérieur du Québec"; 3) "formuler des recommandations au gouvernement visant à s’assurer que les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles sont conformes aux valeurs de la société québécoise en tant que société pluraliste, démocratique et égalitaire."
C'était déjà beaucoup, c'était déjà hénaurme, et c'eut été bien suffisant, d'autant plus que... - que, récemment, un ou une journaliste a posé la question: Mais où est la ministre québécoise de l'immigration, madame Yolande James? - Eh bien, informez-vous donc comme il se doit, elle siège à l'autre Commission, car à l'heure actuelle, il y en a deux sur l'immigration et l'intégration des immigrants: la Commission B-T, la plus couverte médiatiquement, et la Commission de la culture, qui tient, elle aussi, des audiences sur son document de consultation "en vue de la planification triennale des niveaux d'immigration pour la période 2008-2010". Les travaux de cette Commission-là sont très discrètement diffusés sur le canal de l'Assemblée nationale, et c'est tout à fait par hasard que j'en ai appris l'existence, en zappant un après-midi de septembre. Alors, non pas LA Commission, mais LES deux Commissions de consultation sur un même sujet!!!
On sait que la Commission B-T coûtera, au bas mot, 5 millions de dollars. L'autre, on ne sait pas, mais ça doit friser le même montant. Comment se fait-il que le gouvernement Charest n'ait pas protesté contre le mandat très élargi que s'est donné la Commission B-T? Comment se fait-il que madame la ministre James n'ait pas protesté, elle non plus, devant ce redoublement de travail et de dépenses? Comment se fait-il qu'on dilapide ainsi l'argent des contribuables que nous sommes?
Il est temps, grand temps, que nos deux commissaires soient remis à l'ordre et réfléchissent sérieusement, pendant leur semaine de relâche actuelle, à la nécessité de restreindre, désormais, leurs travaux de consultation à leur mandat premier: les accommodements problématiques! Exigeons que ceux-ci soient traités dans un cadre plus restreint, qui se dessine clairement de jour en jour et de semaine en semaine, depuis le début des travaux de cette Commission: les accommodements eux-mêmes, le Québec français et la place de la religion dans notre société.
Pour tout ce qui concerne les immigrants et l'immigration, laissons cela à la Commission de la culture! Et si nos deux commissaires refusent de quitter leur autoroute, que les futurs intervenants et intervenantes à la Commission se concentrent essentiellement sur les accommodements problématiques, et uniquement sur eux: quels sont-ils, et pourquoi il faut y dire non.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 octobre 2007

    La question d’accommodements raisonnable est effectivement étroitement liée au model de coexistence des cultures dans la société. Pour donner les recommandations, il faut se décider sur quelles principes se baser. La composition des cultures au Québec dépend à son tour de politique d’immigration. Le choix de sujets abordés est tout a fait logique.
    Je préfère que ces 5 millions soient dépensé en discutant les enjeux de grande importance pour l’avenir du Québec plutôt que de la longueur des couteaux permissible aux écoles.