Projet de loi 21

Vous avez dit : «Bonifier» ?

Si on veut bonifier le projet de loi 21, il ne faut pas lui enlever quoi que ce soit mais plutôt lui en ajouter

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Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

À la première semaine de consultation sur le PL21 (projet de loi sur la laïcité), j’ai entendu Sébastien Bovet, à RDI, prononcer le mot «bonifier». Bonifier le projet.


Qui dit bonification dit ajout, et non soustraction, amélioration et non détérioration. Or, Bovet avait surtout en tête de savoir si le ministre Jolin-Barrette était prêt à faire des concessions, et non des ajouts… Il faut dire qu’à Radio-Canada, on défend le multiculturalisme et le respect intégral des Chartes et, à mon avis, ses journalistes ne changeront pas là-dessus – bien que j’aie senti un certain assouplissement chez Anne-Marie Dussault, l’animatrice du 24/60, qui a reconnu que les arguments étaient valables, dans l’ensemble, d’un côté comme de l’autre, et qui ne semblait plus si sûre de son initiale position assez radicalement contre. («Viol des droits fondamentaux des minorités!», s’insurgeait-elle.)


Si on veut bonifier le projet de loi tel qu’il est présentement, il ne faut pas lui enlever quoi que ce soit mais plutôt lui en ajouter ou, minimalement, modifier certains points qui font problème. Comme l’a écrit Steve-E Fortin du Journal de Montréal, «cet exercice de consultation sera utile si le gouvernement en profite pour ajuster le tir par rapport à certaines incohérences qui subsistent dans le projet de loi», dont :


1) La restriction de l’interdiction du port de signes religieux à certains enseignants seulement et non à tous. Or, ça devrait être le cas, car tous et toutes, même en garderie, sont en position d’autorité et exercent une influence certaine sur le développement de l’enfant. Donc, extension allant des garderies jusqu’à l’université inclusivement. (En passant, certains contestent que l’enseignant soit en position d’autorité. Il suffit de se rappeler que lorsque l’un d’eux – ou d’elles – est accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec un élève, on le condamne précisément sous le motif qu’il était en position d’autorité et qu’il a donc abusé de celle-ci!)


2) En ce qui concerne les établissements scolaires, il n’y a que les enseignants et les directions d’école qui sont visés, alors que ça devrait être tout le personnel de l’école. - «Le fait que seuls les enseignants et les directeurs soient visés révèle "un manque de cohérence évident qui ne peut que nourrir les divisions au sein du personnel de l’école : certains pouvant porter des signes religieux et les autres non", note PDF Québec» (cité par Bourgault-Côté).


3) Les écoles privées, pourtant largement subventionnées par l’État, sont exemptes de l’interdiction du port de signes religieux. Conséquence : cela crée une évidente inégalité entre les deux systèmes, le public et le privé, et, comme l’a souligné François Cardinal dans un éditorial de La Presse, le message est alors, pour toutes les personnes tenant absolument à en porter un, d’aller faire leur carrière au privé, dans des écoles confessionnelles… - Beau message, en effet!


4) Dans la même veine, il faudrait, comme il a été relevé à maintes reprises, supprimer le maintien des subventions aux écoles privées confessionnelles. La séparation entre l’État et l’Église l’exige. Sinon, c’est une autre incohérence.


5) La clause grand-père, qui conserve le droit de porter des signes religieux aux personnes déjà en place, alors qu’il sera interdit aux futurs engagés, devrait elle aussi disparaître car elle crée ainsi deux classes de travailleurs. Je persiste à dire qu’une période de transition, un délai d’application de la loi serait de loin préférable. Dans le projet de loi 60 du Parti québécois, ce délai s’étalait de 1 à 5 ans selon les institutions concernées, sauf pour les membres des corps de police et des services de protection contre l’incendie. Je ne comprends pas, d’ailleurs, comment il se fait que personne n’a mentionné cette éventualité (même pas le PQ!), sauf Steve-E Fortin qui a parlé d’une période de transition qui suffirait.


6) Enfin, si l’État se veut laïc tant dans les faits que dans l’apparence, ne devrait-il pas imposer ce devoir de réserve à tous ses employés offrant des services publics? C’est ce que certains recommandent, par souci de cohérence. Et c’est évidemment ce que je souhaiterais aussi.


 


Références :


F Cardinal, Laïcité: les zones d'ombre du projet de loi,


https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/francois-cardinal/201905/10/01-5225640-laicite-les-zones-dombre-du-projet-de-loi.php


 


Guillaume-Bourgault-Côté, Laïcité: un projet de loi à peaufiner, https://www.ledevoir.com/politique/quebec/554170/laicite-1-etendre-a-d-autres-employes-l-interdiction-du-port-de-signes-religieux


 


Steve-E Fortin, Laïcité: finissons-en!,  https://www.journaldemontreal.com/2019/05/06/laicite-finissons-en et https://www.journaldemontreal.com/que-reste-t-il-a-dire-de-plus


Et : Que reste-t-il à dire de plus, https://www.journaldemontreal.com/que-reste-t-il-a-dire-de-plus


 



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