Victoire en demi-teinte

Élection fédérale 2008 - les résultats

Le Canada se retrouve ce matin avec un gouvernement minoritaire, le troisième en quatre ans. Retour donc à la case départ pour le premier ministre Stephen Harper qui, malgré les gains qu'il a faits aux dépens des libéraux, n'a pas obtenu la liberté de gouverner qu'il recherchait. Il aura à composer avec une opposition qui reste majoritaire et qui sera légitimée d'exprimer ses attentes.
Le premier ministre Harper a prétendu à quelques reprises au cours de cette campagne électorale qu'il interpréterait sa réélection à la tête d'un deuxième gouvernement conservateur minoritaire comme un signe de confiance à son endroit. Un signe dont les partis d'opposition devraient tenir compte. Le résultat des élections ne lui donne que partiellement raison.
S'approcher de la majorité est certes une avancée, mais en tout état de cause l'objectif visé par le Parti conservateur n'a pas été atteint. Avoir 144 sièges sera beaucoup plus confortable que les 127 détenus à la dissolution du Parlement le 7 septembre. Le Parti conservateur aura une meilleure marge de manoeuvre à la Chambre des communes. Par contre, il lui manque toujours la douzaine de sièges qui lui auraient donné la majorité à laquelle il aspirait et qu'il était justifié de demander dans le présent contexte de crise financière et de ralentissement économique appréhendé. Sauf que les Canadiens n'ont pas voulu la lui accorder.
Le premier ministre Harper dira en conclusion de cette campagne que le verre est à demi plein. On peut aussi le voir à demi vide et prétendre que le résultat des élections est un échec pour lui. Il faut se rappeler qu'au moment de la dissolution de la Chambre des communes, tous les paramètres le favorisaient. La satisfaction à son endroit et à l'endroit de son gouvernement était à son plus haut et ses deux principaux adversaires, le Parti libéral et le Bloc québécois, étaient mal en point. Il prenait garde dans ses discours de ne pas évoquer un mandat majoritaire pour ne pas effrayer les électeurs, mais son souhait le plus cher était d'établir une dynastie conservatrice à la tête du pays en ce début de XXIe siècle, de la même manière que ce le fut pour le Parti libéral au siècle dernier. Constatons que les Canadiens ont gardé à son endroit une bonne part des réserves qu'ils avaient exprimées en 2006 et que 30 mois de gouvernement conservateur n'ont pas réussi à les dissiper.
Le message des électeurs est clair. En dispersant leurs votes entre quatre partis, ils disent aux élus que, malgré les inconvénients que comporte la formule, un gouvernement minoritaire est ce qui peut le mieux représenter l'état d'esprit d'un pays profondément divisé sur les orientations à adopter pour résoudre les grandes questions auxquelles il est confronté. Il appartient à ce nouveau Parlement de dépasser les rivalités partisanes pour rechercher des consensus.
Les quatre partis présents aux Communes devront donc abandonner l'esprit d'affrontement de la dernière année et revenir à la collaboration des premiers mois du gouvernement Harper. En 2006, celui-ci a obtenu à deux reprises la confiance des Communes à l'occasion du vote sur le discours du Trône puis sur le discours sur le budget. Pour cela, il faudra que chacun y mette un minimum de bonne volonté; que Stephen Harper cesse de lancer des ultimatums à l'opposition en transformant le moindre vote en vote de confiance; que l'opposition cesse de harceler le gouvernement dans les comités parlementaires où elle dispose d'un pouvoir décisionnel.
Un gouvernement minoritaire ne conduit pas nécessairement à la paralysie. Le Canada en a eu plusieurs. Celui dirigé par Stephen Harper ces 30 derniers mois a tout compte fait assez bien fonctionné malgré de nombreuses tensions avec l'opposition. Avec 144 sièges, la situation du nouveau gouvernement qu'il dirigera se rapprochera de celle vécue par Lester B. Pearson, qui a dirigé deux gouvernements minoritaires successifs entre 1963 et 1968, lesquels ont été parmi les gouvernements les plus productifs de l'histoire du Canada. La raison en était simple. M. Pearson n'était minoritaire que par quelques voix et les libéraux avaient su s'appuyer sur l'opposition néo-démocrate, avec laquelle ils avaient des affinités.
De quel parti le gouvernement Harper peut-il attendre un appui dans ce nouveau Parlement? A priori, cela ne sera pas facile, les trois partis d'opposition étant des partis de centre-gauche et de gauche et le Parti conservateur de droite. On ne voit pas comment il pourrait faire alliance avec l'un d'entre eux. Il devra chercher un appui ponctuel, tantôt du Bloc québécois, tantôt du Parti libéral ou du NPD. À court et à moyen terme, personne ne voudra retourner devant les électeurs. Surtout les libéraux, dont on se demandera s'ils ne se retrouveront pas bientôt dans une nouvelle campagne au leadership.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->