Les Canadiens et les Québécois choisiront mardi un nouveau gouvernement. D'emblée, on peut prédire qu'il sera minoritaire et, probablement, conservateur. On peut se demander si ces élections étaient bien nécessaires, mais cela ne dispense pas pour autant d'une réflexion sur le choix à faire.
Cette campagne électorale aura confirmé la fragmentation du vote. La réalité est que les cinq principaux partis de l'échiquier politique canadien sont tous des tiers partis, bien qu'à des degrés divers. Cela ne peut que donner des gouvernements minoritaires. Si c'est bien le cas mardi, ce sera la troisième fois que cela arrive en quatre ans. La chose risquant de se répéter, le choix de l'opposition devient aussi important que le choix du gouvernement.
Il y a seulement deux prétendants au pouvoir: le Parti conservateur et le Parti libéral. Ces derniers jours, les libéraux sont apparus comme des aspirants plus sérieux qu'ils ne l'étaient en début de campagne. Cependant, ne nous y trompons pas: cette résurgence est le résultat des hésitations des électeurs face aux conservateurs, et non le signe d'une confiance retrouvée dans l'équipe libérale.
Le parti que dirige Stéphane Dion a été envoyé au purgatoire en janvier 2006 pour cause d'usure du pouvoir et de scandales. Il ne mérite pas encore la rédemption. Le parti est profondément divisé par des luttes intestines, et son nouveau chef, inexpérimenté, n'arrive pas à imposer son autorité. L'adoption d'une plate-forme centrée sur l'environnement masque le fait que le parti n'a pas encore renouvelé son programme. Il défend toujours la même vision du Canada, celle d'une seule nation canadienne, construite par un gouvernement fédéral centralisateur et méprisant à l'endroit des nationalistes québécois.
En remplaçant les libéraux par les conservateurs en janvier 2006, les électeurs ont voulu mettre fin aux confrontations entre les nations canadienne et québécoise. La sérénité actuelle serait menacée par le retour des libéraux au pouvoir, et le Québec y perdrait. Stéphane Dion a beau prétendre être un «nationaliste québécois», on ne l'a jamais vu porter les revendications du Québec. Le voudrait-il qu'il ne le pourrait pas, car il est prisonnier du rôle de «Monsieur Canada» que son parti lui demande de jouer. S'il remportait les élections mardi, ce serait un accident de parcours.
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Le premier ministre Stephen Harper avait parié sur la fragmentation du vote pour obtenir le gouvernement majoritaire auquel il rêve. Condition essentielle à sa réussite, il lui fallait élargir son bassin d'électeurs. Devenu subitement un parti de centre droit, le Parti conservateur a multiplié les avances aux familles et aux personnes âgées. Pour rassurer, M. Harper a posé en bon père de famille et mis de l'avant les éléments positifs de son bilan, comme l'adoption de la loi sur la responsabilité, les réductions d'impôts, l'instauration d'une relation moins conflictuelle avec les provinces et la reconnaissance de la nation québécoise.
Difficile toutefois de tenir un double discours, l'un destiné aux électeurs modérés, l'autre à sa base naturelle de droite. En promettant de durcir la Loi sur les jeunes contrevenants, Stephen Harper aura dissipé tout doute sur la nature fondamentale du Parti conservateur, un parti de droite et non de centre droit. Ses attaques répétées contre les artistes et les créateurs, la mise en pièces de l'accord de Kyoto, son alignement sur la politique étrangère américaine furent autant de rappels de cette réalité.
Perçu comme un leader fort et apprécié pour son esprit de décision, Stephen Harper s'est aussi révélé un leader autoritaire et entêté. Au moment où la crise financière américaine et ses répercussions sur le Canada sont devenues un enjeu de cette campagne, on l'a vu se réfugier spontanément derrière le credo non interventionniste de son parti pour refuser d'envisager des mesures de soutien d'exception à l'économie et aux travailleurs qui seront inévitablement affectés par le ralentissement de l'économie. Le regard froid qu'il a porté sur la conjoncture a révélé une absence de compassion réelle pour ses concitoyens.
Au cours des dernières heures, le chef conservateur a eu l'intelligence de corriger le tir sous plusieurs angles, mais on a connu deux Stephen Harper dans cette campagne. Cela nous aura convaincu que lui et son parti ne sont toujours pas prêts à être majoritaires. S'ils doivent continuer à gouverner, ce doit être de façon minoritaire, encadrés par une opposition suffisamment forte pour faire un contrepoids efficace. Dans le contexte économique actuel, il sera dans l'intérêt de tous, Canadiens comme Québécois, d'avoir un gouvernement qui soit forcé de rechercher les consensus plutôt que la confrontation idéologique.
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Au terme de cette campagne, libéraux comme conservateurs n'ont pas convaincu les Québécois de leur accorder leur confiance. Pourquoi? Parce que le Parti libéral, pas plus qu'en 2006, n'a pas été capable de leur tendre la main et de manifester sa volonté de panser les plaies laissées par les batailles référendaire et post-référendaire. Tant que cela ne sera pas fait, le Parti libéral ne peut espérer redevenir le parti d'une majorité de Québécois qu'il a déjà été. Le Parti conservateur, lui, leur avait tendu cette main en 2006, mais il a déçu depuis par ses hésitations à donner un sens à la reconnaissance de la nation québécoise. Ce parti, qui a ses racines à l'extérieur du Québec, n'arrive pas à saisir la réalité québécoise.
Pour défendre les intérêts du Québec à Ottawa, le seul choix qu'ont les Québécois est le Bloc québécois. Au-delà du fait que c'est un parti souverainiste, ce parti a fait depuis 15 ans la preuve qu'il a toujours, mieux que les autres, fait entendre les revendications du Québec, qu'elles soient politiques, culturelles, sociales ou économiques. On ne peut douter de son allégeance première.
Le Bloc ne prend pas la place d'un autre parti à Ottawa. Il prend seulement la place que les Québécois lui donnent parce qu'à leurs yeux il la mérite plus les autres. Cela privera le Québec d'un certain nombre de sièges au conseil des ministres, mais, à l'exception de Michael Fortier, personne ne se désolera de voir les ministres québécois être défaits. Plus le Bloc québécois sera fort, plus il sera en mesure de faire entendre la voix du Québec. Il faut l'appuyer, cela ne fait pas de doute. Rappelons cependant à son chef, Gilles Duceppe, qu'une fois revenus à la Chambre des communes les députés bloquistes auront le devoir de participer activement et de bonne foi à l'adoption de mesures visant à contenir la crise économique qui s'annonce. Cela vaut d'ailleurs pour tous les partis. La situation exige de mettre de côté les intérêts partisans pour collaborer au bien commun.
Élections 2008
Oui au Bloc québécois
Plus le Bloc québécois sera fort, plus il sera en mesure de faire entendre la voix du Québec.
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