Noam Chomsky ou la fabrication du consentement

Médias et politique

NOAM CHOMSKY OU LA FABRICATION DU CONSENTEMENT

Ça faisait 25 ans qu’il n’était pas venu en France. Qui ça, Mick Jagger des Rolling Stones ? Non, Chomsky. Vous savez, Noam Chomsky, “le plus grand intellectuel du monde”, un peu l’équivalent du plus grand groupe de rock, mais pour les idées.

Alléché par ce tam-tam publicitaire, peu compatible avec le sérieux du concept mais bien dans l’esprit d’une certaine “industrie de la réclame” qui permit, entre autres, au charlatan Jacques Derrida de régner quarante ans durant sur l’université avec du vent, tandis que le penseur chrétien René Girard produisait patiemment une œuvre… Bref, séduit comme tous, malgré mes prétentions à la résistance, par le Spectacle, j’ai regardé le grand, le génial, l’immense, l’incommensurable Noam Chomsky : “le plus grand intellectuel du monde” en direct chez Taddeï…

Et qu’y ai-je vu, entendu, moi qui espérais élever mon petit niveau de penseur national, régional, bouseux… à la religieuse écoute de cet immense esprit cosmopolite ?

Rien. Pire. Derrière un tout petit intellectuel de gauche – sorte de Sartre américain racontant toujours les mêmes platitudes anticolonialistes cinquante ans après qu’elles aient perdu toute pertinence pour comprendre les conflits actuels, notamment en Palestine – un tout petit joueur, un tricheur et même un menteur sur tous les sujets abordés ce soir là.

Mais présentons Noam Chomsky à nos lecteurs non initiés à “Li-Monde” doxa produite par les effets cumulés du Monde et Libération… En dehors d’une certaine autopromotion communautaire, d’où vient le prestige de Chomsky ? De la linguistique. Chomsky serait, selon sa légende, un des grands novateurs de la linguistique en accouchant, dans les années 50, de la théorie dite “générative”. Théorie complexe, ni structuraliste ni behavioriste, dont André Martinet, grand linguiste français héritier direct du père, suisse, de la linguistique Ferdinand de Saussure, disait tout simplement lorsque je le rencontrai chez Henriette Walter en 1980 : “Chomsky c’est intéressant, sans doute faux, mais ce n’est malheureusement pas de la linguistique !”

Quoi qu’on pense du sujet, en quoi la linguistique autorise-t-elle l’expertise idéologique et politique ? En rien. Seulement ça fait sérieux, ça pose… Et ça permet à “l’anarchiste” Chomsky de nous abreuver, depuis les années 60, de sa critique gauchiste de la politique étrangère américaine et des mass-médias, sans aucun rapport avec son domaine de compétence.

Car l’autre grande idée de Noam Chomsky, outre la dénonciation sartrienne de l’impérialisme de son pays l’Amérique – Chomsky, d’origine russe, a commencé sa carrière en enseignant l’hébreu – c’est le rôle joué par les médias dans le consentement des masses. Une Fabrication du consentement (titre publié par lui en 1988) théorisée par Edward Berneys dès la fin des années 20, courageusement combattue par Georges Orwell dans les années 40, mais qui vaut curieusement à Chomsky, malgré sa virulente critique commencée dans les années 60, d’être qualifié par ces mêmes mass-medias de “plus grand intellectuel du monde”. Allez comprendre ! Il doit exister d’autres logiques ici-bas que la logique du défunt Aristote…

Selon Jean Bricmont, son admirateur et imitateur belge, Chomsky n’en serait pas moins “celui qui permet de tenir une réflexion critique sur les discours officiels et de ne pas se soumettre à la pensée dominante.”

Ce que nous allons donc vérifier à travers son intervention à Ce soir ou jamais.

Premier sujet : La violence israélienne

La venue de Chomsky coïncidant avec l’attaque israélienne sur la “Flottille de la liberté”, la première question posée par l’animateur au maître universel porta sur cet acte de piraterie. Et bien sûr Chomsky de condamner – comme tout le monde, y compris BHL – cette odieuse agression… sans jamais expliquer, lui l’ancien prof d’hébreu, d’où provient cette attitude systématique de mépris et de violence haineuse puisée au Deutéronome et à la bouche même du prophète Ézéchiel… Condamnation donc des abus d’Israël, sans jamais remettre en cause la légitimité de cet Etat théologico-racial fondé sur le mensonge et le vol.

Deuxième sujet : Israël c’est l’Amérique !

Car pour Chomsky, la vraie responsable ce n’est pas Israël mais l’Amérique. Comme si l’Amérique était une personne, et comme si le peuple américain avait quelque chose à voir avec le soutien inconditionnel à Israël par l’establishment US, entièrement sous domination du lobby sioniste. Une vérité démontrée récemment par le gros et sérieux livre : Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, des deux courageux professeurs WASP John Mearsheimer et Stephen Walt, mais qui n’empêche pas “l’Américain” Chomsky de s’en tenir à une très classique – et très confortable – culpabilisation de la nation yankee… pour un soutien à la politique sioniste pourtant due à cette fameuse “fabrique du consentement médiatique” qu’il prétend dénoncer par ailleurs et qui est, comme chacun sait, aux mains du tout puissant lobby redneck !

Troisième sujet : la colonisation française

Et de l’Amérique bien sûr, on passe à l’impérialisme et au colonialisme… mais pas israéliens – Chomsky, en bon sioniste, critique sévèrement les exactions d’Israël… pour mieux accréditer la fiction d’un autre Israël démocratique et laïque. Non, il s’agit maintenant de la colonisation française d’Haïti – indépendante depuis 1804 – et dont le grand historien Chomsky nous apprend que la France lui doit une grande partie de sa richesse pour son coton ! Avec la fiction du coton haïtien qui aurait fait la fortune de la France – et la mienne par conséquent – question histoire, on descend au niveau de Michael Moore, l’humour en moins. Et là nous ne saurions trop conseiller à l’expert en grammatologie Chomsky, s’il veut briller devant le public averti de Ce Soir ou jamais, de se cultiver un peu sur l’histoire coloniale par la lecture des œuvres de Jacques Marseille ou Bernard Lugan, ce qui lui permettrait de nous épargner, à l’avenir, ces approximations gauchistes pour petits Blancs coupables de campus ; soit la vieille triplette victimaire : devoir de mémoire + repentance = réparations…

Quatrième sujet : Le professeur Faurisson

Sans doute assez mécontent de la prestation médiocre du champion déclaré des intelligences, Taddeï, formé par un Ardisson ex-abonné aux “annales” (les initiés comprendrons), ose alors l’asticoter sur sa fameuse préface à Robert Faurisson…

Et là, après le Chomsky truqueur et inculte, nous avons droit en direct au Chomsky franchement lâche et méchant. Un Chomsky prétendant avoir défendu à l’époque l’abruti et le faussaire Faurisson pour des raisons d’élégance voltairienne. Vous savez la fameuse phrase creuse, jamais prononcée d’ailleurs mais si souvent reprise dans les dîners en ville : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’à la mort – ou du moins jusqu’au dessert – pour que vous puissiez l’exprimer.” Occultant lâchement que le soutien au révisionnisme d’ultra-gauche porté par Pierre Guillaume – aujourd’hui interdit de débat par la loi Gayssot – mais partagé à l’époque par Gabriel Cohn-Bendit, n’avait rien de voltairien, mais s’appuyait plus sérieusement sur la pensée d’Amédeo Bordiga et son fameux texte : Auschwitz ou le grand alibi, pour critiquer l’idéologie montante de la Shoah comme instrument au service de l’hégémonie capitaliste et libérale. Un contexte dans lequel Chomsky avait apporté son soutien à Faurisson et qu’il occulte aujourd’hui, lui le grand pourfendeur de “l’industrie du consentement”, parce qu’il n’a plus le courage, face à la violence accrue de la police de la pensée, d’assumer sa position d’alors…

Cinquième sujet : le 11 septembre

Cherchant désespérément un sujet qui pourrait justifier la réputation du grand homme, Frédéric Taddeï, qui a aussi tâté du sujet – et du bâton – ose l’entreprendre enfin sur le 11 septembre…

Et là, la baudruche Chomsky achève de se dégonfler dans une apothéose foireuse en nous assenant, lui l’expert en insoumission à “l’idéologie dominante véhiculée par les médias”, que la “théorie de complot” – en réalité le travail critique démontrant, par l’analyse des faits, l’absurdité de la théorie officielle d’un complot ourdi par Ben Laden – n’est que pure galéjade ! Balayées d’un revers de main les révélations de Thierry Meyssan, de Reopen911… alors qu’une demi-heure passée sur Internet permet d’acquérir, pour tout honnête homme, la certitude contraire. Une certitude quant à ce grossier mensonge d’État aujourd’hui partagée par un américain sur deux, ce qui situe le génial rebelle Chomsky au-dessous de Sharon Stone, de Jean-Marie Bigard et Mathieu Kassovitz !

Bref, n’en jetez plus la cour est pleine !

Si c’est ça Chomsky, rien d’anormal à ce que les médias en aient fait le plus grand intellectuel de l’univers, ils lui doivent bien ça !

Quant à se passer de lui à nouveau pour les 25 prochaines années, je crois qu’ici on va pouvoir tenir !

Alain Soral


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