Afghanistan - Un sujet tabou

L'erreur afghane

La participation canadienne à la guerre en Afghanistan a été à peine effleurée dans la présente campagne électorale. Les récentes déclarations du commandant du contingent britannique dans ce pays voulant qu'il s'agisse d'une guerre impossible à gagner ont ramené un peu plus à l'avant-plan ce sujet... du moins l'espace d'un bref instant.
Il est des questions que les politiciens se gardent d'aborder en campagne électorale, prétendument parce qu'elles sont trop complexes. Il est vrai que les enjeux de la guerre en Afghanistan ne se résument pas dans un «clip» de 30 secondes au bulletin de nouvelles. Néanmoins, ils concernent tous les Canadiens qui auraient droit à plus d'égards de la part de leurs politiciens. Une campagne électorale est l'occasion de rendre des comptes qui, dans le cas présent, sont loin d'être aussi positifs que les gouvernements libéral et conservateur qui ont pris la décision d'aller en Afghanistan l'espéraient.
Cette guerre, il faut bien le reconnaître, est pour les alliés occidentaux un cul-de-sac. Il y a impasse. Le général britannique Mark Carleton-Smith a dit tout haut le week-end dernier ce que de nombreux militaires et experts pensent: l'insurrection talibane a repris le contrôle de très vastes portions de territoires de l'Afghanistan, à tel point que l'on peut tout au plus espérer réduire l'insurrection à des niveaux acceptables, mais pas l'éliminer. La solution à ce conflit est politique et passe par la négociation avec les talibans.
De l'autre côté de la frontière, les candidats à la présidence américaine s'affrontent pourtant ouvertement sur ce sujet. Toutefois, sur l'essentiel, John McCain et Barack Obama s'entendent pour accroître la présence militaire de leur pays, estimant qu'il faut éradiquer la menace terroriste que représente al-Qaïda associée étroitement aux talibans.
Ici, on aura abordé ce sujet à peine deux fois. Dimanche, le chef du NPD, Jack Layton, a repris les propos du général Carleton-Smith qui étayent la thèse qu'il défend depuis longtemps d'une négociation avec les talibans, sans convaincre ses adversaires d'en parler avec lui. On est en fin de campagne, et chaque chef a plus urgent à faire, faut-il croire.
Le premier ministre Stephen Harper avait pour sa part abordé la question afghane en première partie de la campagne électorale pour dire que la mission canadienne prendrait bel et bien fin en 2011. Ce sera à l'armée afghane de prendre la relève. Le problème est de savoir si cette armée sera en mesure de le faire.
Vouloir éliminer l'insurrection talibane, comme le veulent les Américains, suppose un effort militaire considérable qui devra se prolonger dans le temps bien au-delà de 2011. Si l'OTAN devait s'en tenir à cet objectif, il est certain que le Canada serait pressé de rester plus longtemps que cette date. Pour ne pas être pris à ce piège, il faudra avoir préparé la sortie des troupes canadiennes autrement qu'en passant tout simplement le relais à un autre pays. Il faut plutôt s'associer à ceux qui croient qu'il faut joindre à l'action militaire une action politique consistant à créer des conditions propices à la négociation avec les talibans.
L'insuccès des troupes de l'OTAN sur le terrain s'explique d'abord par le fait que leur présence est reçue négativement par les Afghans. Pour eux, il s'agit d'une guerre d'occupation dont les premiers à en subir les conséquences sont les civils chez qui on ne compte plus les victimes. Ils croient d'autant moins au projet d'instaurer la démocratie que le gouvernement d'Hamid Karzaï est corrompu. Pour contrer cette perception, iI faudrait mettre autant d'efforts à enclencher un développement économique et à assainir le gouvernement Karzaï qu'à combattre l'insurrection talibane. Il faudrait revoir le projet afghan.
Où loge le Canada dans ce débat? On ne le sait pas. La campagne électorale ne nous a pas éclairés, comme si la question afghane n'était pas suffisamment importante pour en débattre avec les électeurs. On en a fait, bien malheureusement, un sujet tabou.


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