La preuve par quatre

Élection fédérale 2008 - les résultats


Nous venons de traverser, telle une véritable «traversée du désert», une autre campagne électorale d'une platitude consommée. Cinq chefs, dont quatre fédéralistes, sans orientation ni enjeu valable, intéressant, emballant ou même rassembleur se présentaient pour diriger notre «plus beau meilleur pays du monde».
Même l'orientation verte du libéral Stéphane Dion n'a pu être expliquée de façon convenable. Mais on est surtout frappé par le fait que les enjeux se limitent à trois choses seulement, si on regarde strictement les champs de compétences exclusives du fédéral: la date du retrait des troupes en Afghanistan, les modalités de la protection de nos territoires du nord, et les baisses de taxes.
Tous les autres enjeux exprimés lors de la campagne concernaient les compétences provinciales ou du moins des compétences déjà exercées avec «compétence» par le Québec. Que l'on parle d'environnement, de santé, d'éducation, de culture, de la gestion pénale des jeunes contrevenants, d'infrastructure urbaine ou régionale, d'économie régionale, d'agriculture, d'exploitation des ressources (sauf les ressources maritimes piscicoles qui furent tellement mal gérées par le fédéral que l'on ne peut plus pêcher ni la morue ni le saumon), de politique énergétique, tous ces dossiers sont gérés avec plus de compétence par le Québec qu'ils ne le seraient ou qu'ils le sont par le gouvernement canadien.
Deux jours avant l'élection, le chef du NPD Jack Layton a déclaré sur les ondes de Radio-Canada qu'«en matière de garderie, d'assurance médicaments, de politique énergétique, de politique environnementale, de politique de développement régional, le Québec est un leader au Canada et nous voulons que de telles politiques se retrouvent partout au Canada». Lors d'un panel la veille des élections, l'ex-ministre Michael Fortier a répété que le principal enjeu discuté dans sa circonscription durant cette campagne fut la question du transport en commun. En d'autres termes, ce qui intéresse les Québécois n'est pas géré par le fédéral!
Il ne faut donc pas s'étonner du peu d'intérêt des citoyens pour cette élection. L'absence de dossiers importants est tellement évidente, tellement criante que le premier ministre sortant n'a jugé bon de faire connaître son pseudo-programme que trois ou quatre jours avant l'élection. Pour sa part, M. Dion inventa le sien sur le coin de la table au moment du débat des chefs. On ne pourrait pas plus clairement avouer le vide du rôle fédéral, tout en se moquant des citoyens, tout cela pour la modique somme de 350 millions de dollars.
Mais au-delà de ces constats, cette élection fait apparaître au grand jour la désincarnation de ce niveau de gouvernement dans le quotidien des gens, du moins au Québec. Le gouvernement fédéral forme la plus vaste structure bureaucratique au Canada. Et, au coût de plusieurs centaines de millions de dollars, celle-ci ne sert qu'à gérer l'armée, le service des postes (dans les faits, privatisé), la monnaie, le trafic naval sur le fleuve, les communications et quelques autres babioles du même type. Et pourtant, le fédéral vient chercher près de 40 % des ressources fiscales indirectes du Québec et un pourcentage presque aussi important de taxes directes.
Ce n'est pas de déséquilibre fiscal qu'il faudrait parler, ni de limitation du pouvoir fédéral de dépenser mais bien de limitation du pouvoir de taxation fédéral. Après tout, ce n'est que depuis 1940-41 que le fédéral a accès aux taxes indirectes (impôts sur les revenus) et cela prétendument pour assumer les coûts de la Deuxième Guerre mondiale. Dans un système comme celui de la Communauté européenne par exemple, l'instance centrale ne peut pas aller trifouiller dans les assiettes fiscales des pays constituants. Ses coûts de fonctionnement sont estimés, et chaque pays constituant contribue à la cagnotte selon sa richesse.
Les Québécois devraient peut-être s'interroger de plus en plus sérieusement sur l'utilité réelle de ce palier de gouvernement fédéral. La dernière élection a fait la «preuve par quatre» chefs fédéralistes de l'inutilité de ce palier pour les Québécois. Et sur ce point, nous sommes à peu près certain que même le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, serait d'accord.
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Jean-Claude Thibodeau : Économiste et professeur honoraire à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS)

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Économiste et professeur honoraire à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS)





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