Une Révolution moins tranquille

C’est ce que connaît visiblement la Bolivie, pays le plus pauvre d’Amérique du Sud

Chronique de Patrice Boileau


C’est ce que connaît visiblement la Bolivie, pays le plus pauvre d’Amérique du Sud. Le président Evo Morales qui le dirige depuis janvier 2006, a promis, lors de sa victoire électorale, qu’il redistribuerait dans la population les richesses provenant de l’exploitation gazière.
La Bolivie détient en effet la 2e plus importante réserve de gaz naturel dans cette région continentale, derrière le Venezuela. Sauf que l’exploitation de cet hydrocarbure se situe dans la riche région de Santa Cruz où se concentrent les populations blanches et métisses, dans un pays majoritairement composé d’Indiens. Le dirigeant bolivien veut en fait procéder à la nationalisation de cette ressource naturelle afin de sortir les siens de la misère.
On entend presque jusqu’ici le slogan « Maître chez nous! » Difficile en effet de ne pas tracer de parallèle entre ce qui s’est produit au Québec durant les années 60 et ce qui se prépare en Bolivie. Les francophones, conquis en 1760 par les Britanniques, se sont en effet réappropriés leur économie alors exclusivement concentrée entre les mains de la minorité anglophone. À l’aide de l’État, seul instrument puissant et unique institution disposant de ressources financières et d’outils législatifs pour commander ce changement, le groupe ethnique majoritaire du Québec allait se porter acquéreur de la principale richesse naturelle présente sur leur territoire : l’hydroélectricité.
L’entreprise ne se fit pas sans difficulté. Le gouvernement canadien, ainsi que les propriétaires américains des ouvrages hydroélectriques, ont dressé de multiples obstacles pour empêcher les francophones de procéder à l’étatisation des compagnies privées. Le gouvernement québécois a dû finalement se tourner vers l’Europe pour trouver le financement nécessaire pour faire aboutir le projet.
Voir la nation québécoise de langue française s’émanciper économiquement et culturellement n’a évidemment pas réjoui l’État fédéral : la « minorité indigène » du Canada n’allait sûrement pas s’arrêter là dans sa marche vers l’autonomie… D’immenses ressources en provenance d’Ottawa ont depuis été injectées au Québec pour endoctriner sa population avec les résultats que l’ont sait. Aujourd’hui, le gouvernement du Québec assiste béatement à l’anglicisation de sa population. Il y contribue même en offrant des services dans cette langue aux nouveaux arrivants, et leur offre de plus des cours pour qu’ils la maîtrisent plus rapidement! Certes, les francophones sont parvenus, durant la Révolution tranquille, à se tailler une place dans le monde des affaires. Sauf que leur lutte identitaire n’est pas gagnée puisqu’écrasés par les moyens dont disposent ceux qui veulent les assimiler.
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En Bolivie, le président Morales affronte le même épouvantail qu’a inventé récemment le gouvernement canadien pour apeurer les souverainistes québécois. Il a effectivement assisté, contre son gré, à un référendum sur « l’autonomie » de la région de Santa Cruz qui compte à peine un million d’habitants, soit l’équivalent de la ville de Montréal. Le OUI l’a emporté aisément avec près de 85% des suffrages. Trois autres régions non-indigénistes sont maintenant tentées de l’imiter et consulteront également leur population sur le même enjeu en juin prochain. Il y a donc danger de voir ce pays de 9 millions d’habitant se morceler… Ça vous rappelle quelque chose?!?
La route vers la dignité des peuples est parsemée d’embûches à n’en pas douter. La nation bolivienne, longtemps condamnée à la pauvreté suite au génocide qu’elle a connu au XVle et XVlle siècles, dispose enfin d’un des leurs à la tête de l’État. L’histoire se répète néanmoins, malheureusement. Le dirigeant bolivien devra en effet affronter la résistance des communautés minoritaires de son pays qui ne veut pas partager ses richesses, afin de parvenir à sortir la majorité indienne de la misère. L’exercice risque de se dérouler dans un climat d’affrontement. Il est à espérer que les pays influents de cette partie du globe interviennent rapidement de façon à empêcher que le tout ne dégénère.
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Le projet de madame Marois d’adopter une nouvelle loi 101 est capital. L’État québécois doit procéder au plus tôt à la francisation de la population de sa métropole et à réaffirmer énergiquement son intention de l’harmoniser culturellement au reste de son territoire. Montréal ne peut jouir d’un statut particulier : il exciterait alors les agitateurs anglophones de la ville soutenus par Ottawa. Une offensive tous azimuts doit s’organiser de manière à bien faire comprendre que l’histoire et l’avenir de la cité sont impérativement liés à celui du Québec. Il faut neutraliser l’épouvantail partitionniste d’Ottawa. Ainsi, le jour où les Québécois retrouveront leur dignité que seule la pleine liberté peut garantir, ils n’auront pas à subir de tensions semblables à celle qui empoisonne actuellement la Bolivie.
Patrice Boileau


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2008

    Pauvre Bolivie. L'héritage empoisonné du colonialisme n'a pas fini de hanter ce pays qui pourrait être tellement riche. C'est aussi un avertissement à tous les pays du monde que la chose la plus importante dans un pays est une classe moyenne prospère et un faible écart entre riches et pauvres. Bush, ce crypto-fasciste, n'a rien fait aux USA pour réduire les écarts entre riches et pauvres. Et oui, dans certains états américains, on se croirait justement dans le même contexte que la Bolivie. Je plains le successeur à la présidence américaine. La Bolivie est bien plus proche que vous ne le pensez.

  • David Poulin-Litvak Répondre

    7 mai 2008

    Vous soulignez un point intéressant sur les mouvements de seconde indépendance en Amérique du Sud, soit leur ressemblance avec la Révolution tranquille au Québec. Je suis présentement en Équateur, où la constituante en place a aussi mis le principe de la propriété étatique des principales ressources naturelles du pays dans le projet de constitution. Le Vénézuela, aussi, a repris le contrôle de son pétrole avec les résultats que l'on connaît.
    Le parallèle vaut. Eux aussi, ils veulent être maîtres chez-eux. Merci de l'avoir souligné.
    Sur la question de l'autonomie des régions riches et blanches de la Bolivie, le parallèle approprié chez-nous serait sans doute l'Alberta, où il existe un courant séparatiste sur le fondement de l'égoïsme, et non de l'émancipation, comme au Québec. On pourrait peut-être même comparer la chose, à une autre échelle il est vrai, à la sécession des sudistes racistes contre les nordistes plus égalitaires dans la Guerre de Sécession. Quoiqu'il en soit, le gouvernement central de la Bolivie doit être appuyé, car la motivation des sécessionnistes-autonomistes est égoïste, raciste et orchestrée par des riches.