La gouvernance souverainiste

Le PQ doit parler du pays du Québec, une nation inclusive, libre-échangiste et progressiste.

Chronique de Patrice Boileau


Il s’agit incontestablement de la dernière trouvaille que l’intelligentsia péquiste a dénichée, pour rafraîchir le bitume de la route qui mène à l’indépendance du Québec. Cette nouvelle surface recouvre ainsi les anciennes qui s’accumulent, depuis la fondation du PQ.
Pas étonnant que plusieurs s’inquiètent présentement que le Parti québécois, à force de refaire le revêtement du chemin vers le pays, en finisse par oublier à quoi ressemblait sa fondation à l’origine. Assurément, l’ornière référendaire que l’on tente de dissimuler réapparaît implacablement, au fil du temps. La gouvernance souverainiste que propose la chef du Parti québécois, Pauline Marois, s’effritera aussi probablement, avec les années.
L’avenue préconisée par le Parti québécois pour réaliser son article 1 nécessite des travaux majeurs : il faut retirer toutes les couches qui ont modifié le parcours politique adopté en 1968. Exit donc la souveraineté-association, la souveraineté-partenariat, les conditions gagnantes, l’assurance morale de gagner, la feuille de route et cette gouverne autonomiste. Le PQ doit parler du pays du Québec, une nation inclusive, libre-échangiste et progressiste.
Parce qu’il s’entête dans l’étapisme référendaire, le PQ n’a d’autres choix que d’inventer périodiquement de nouvelles formules dans l’espoir de trouver celle qui suscitera l’intérêt général. Un nouveau slogan qui séduira suffisamment de manière à adoucir l’étape ultime qui dotera le Québec d’un statut national : le référendum.
Jetons alors un coup d’œil sur le nouveau maquillage que propose Pauline Marois aux Québécois. L’astuce de la chef, puisqu’il en faut une étant donné qu’il y aura encore un référendum, a le mérite de déstabiliser les fédéralistes. En promettant d’éliminer la déclaration de revenu fédérale s’il est porté au pouvoir, le PQ broute dans les plates-bandes de l’Action démocratique. Il ne peut ainsi être accusé de se radicaliser. Si l’ADQ traîne cette idée dans ses cartons depuis sa naissance sans avoir été dénoncée, pourquoi pas le Parti québécois?
La formation souverainiste ne veut pas s’arrêter là. Des gains autonomistes (sic) sont également espérés dans le domaine de la culture et de l’immigration. Il ne fait pas de doute que le PQ veut défier Ottawa sur plusieurs fronts. Avec un peu de chance, s’il dirige bien ses dossiers, un gouvernement péquiste pourrait réussir à obtenir le soutien des Québécois pour rapatrier la compétence revendiquée. Au besoin, une consultation populaire sectorielle serait ultimement organisée, pour forcer l’État fédéral à abdiquer.
Puisque le PQ refuse de proposer l’indépendance par voie électorale, et que l’attentisme qui le caractérise depuis près de quinze ans lui coûte cher en termes d’appui tout en ayant contribué dramatiquement à l’affaiblissement de la nation de langue française, la gouvernance souverainiste s’avère un moindre mal. Elle donne en effet l’impression que les péquistes se mettent finalement en marche après des années de piétinement provincialiste. Doit-on se réjouir de le voir se mettre en mouvement tout en renonçant clairement à son article 1, dans un avenir rapproché?
La nouvelle stratégie du Parti québécois peut le conduire au pouvoir, lors du prochain appel aux urnes. Il lui faudra cependant marteler qu’elle ne cherche au départ qu’à accorder à Québec la pleine maîtrise des recettes fiscales, tout en remettant au gouvernement canadien « sa juste part. » Restera à voir si cela séduira l’électorat québécois. Un défi qui sera très difficile à relever car le Parti libéral claironnera que le PQ ne cherche que la confrontation afin de tenir au plus vite un référendum sur la souveraineté. Que répondra alors Pauline Marois? On la sommera de clarifier ses intentions : tiendra-t-elle, oui ou non, un tel référendum s’il devait y avoir impasse avec l’État canadien? Sa réponse sera négative car le contraire nuira aux chances de ses troupes de former le gouvernement. Cet engagement démobilisera une bonne partie de sa base militante. Le résultat du scrutin nous dira si cette décision aura été judicieuse. Malgré cette promesse, on reprochera à la chef péquiste de désirer instaurer un climat de discorde avec Ottawa, une atmosphère malsaine qui réduira les occasions d’ententes, celles qui permettront au Québec d’éliminer rapidement les pertes économiques que la présente récession lui aura infligées. Il ne fait pas de doute que l’idée de gouvernance souverainiste devra réussir à repousser efficacement ce genre d’attaques.
Déjà, Jean Charest est monté aux barricades en accusant sa rivale de vouloir diviser les Québécois. Le premier ministre du Québec est formidablement mal placé pour donner l’exemple à ce chapitre. Avec 52% d’insatisfaits envers son administration, le chef du PLQ divise amplement la population! Pire : les occasions où il a fait l’unanimité furent le résultat de décisions désastreuses. Des politiques qui ont certes rassemblé les gens, mais pour les voir s’opposer massivement à des projets saugrenus, comme celui de privatiser le parc du mont Orford. En réalité, c’est le député de la circonscription de Sherbrooke qui entretient la division entre les francophones afin de conserver le pouvoir. L’unité, il l’obtient auprès des non-francophones qui l’appuient à près de 95%! Bref, le leader libéral n’a absolument pas de leçon à donner à la chef péquiste. L’homme est indigne du poste qu’il occupe, lui qui a mis l’appareil d’État au service de ses députés et des copains qui gravitent autour d’eux.
On peut reprocher au Parti québécois de ne concentrer ses efforts que sur l’amélioration du statut du Québec à l’intérieur du Canada. Sa frilosité souverainiste ne contribuera certainement pas à ramener les appuis au projet de pays à près de 50% sinon davantage, comme en juillet 2005. Le PQ se fait ainsi le complice de la baisse du soutien populaire observée ces derniers mois. Lorsque Jacques Parizeau s’est emparé du pouvoir en 1994, c’est avec la promesse de tenir un référendum, même si les membres du Sanhédrin médiatique québécois avaient décrété que les gens n’en voulaient pas. Il a alors défié « l’ordre établi » et a gagné son pari. Une gigantesque fraude fédérale aura injustement privé l’homme de la place qu’il mérite dans les livres d’histoire, tout comme celle qu’aurait dû avoir Lucien Bouchard, son successeur qui en a eu plein les bras, avec les sanctions économiques imposées par Ottawa. Je n’affectionne pas particulièrement ce dernier. Il faut néanmoins reconnaître qu’il a grandement aidé le camp du OUI durant la campagne référendaire.
L’épisode de 1995 démontre qu’un Parti politique peut, s’il en est convaincu, entraîner le peuple à sa suite vers un objectif rassembleur. Nombreuses sont les conclusions à tirer de ce référendum. L’une d’elles est qu’on ne peut plus faire confiance à l’adversaire canadian dans un autre processus semblable. Encore plus si celui-ci est sans lendemain.
Le PQ refuse de retenir cette leçon. Il fait plutôt le choix de gruger doucement les compétences qui se trouvent à Ottawa. Il croit que sa gouvernance souverainiste, s’il remporte la prochaine élection, l’y aidera. Voilà une lente démarche qui exigera beaucoup de temps. Une denrée temporelle qui manque justement à la seule nation francophone d’Amérique. Un handicap dramatique que le Parti québécois ne semble pas réaliser.
Patrice Boileau





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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 juin 2009

    Et si je ne suis pas libre échangiste, est-ce que je peux quand même espérer faire partie de la nation québécoise ? On souhaiterait une façon de définir la nation québécoise d'une manière un peu plus inclusive... En fait, on dérape immanquablement en voulant définir la nation par les orientations politiques à la mode chez ceratins de ses membres. Je vous suggère le lire attentivement le dernier billet de Louis Bernard. L'indépendance ce n'est pas d'abord pour «faire», c'est d'abord pour «être», être libre et pouvoir décider de nos choix sociaux et politiques.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    9 juin 2009

    Je pense que la gouvernance souverainiste va tout à fait dans le sens de 95... Le dernier référendum, il n'est pas sorti de nul part! Il est le résultat d'une démarche amorcée en 89 par une élection ou le PQ proposait des référendums sectoriels, pour qu'ensuite malgré la défaite, Meech nous donne la force de mobiliser pour l'indépendance directe, qui nous fut malheureusement volée. Mais est-ce qu'il y aurait eu un référendum s'il n'y avait eu Meech, est-ce que le référendum n'a pas justement été fait trop tard, est-ce que gagner en 89 nous aurait permis de faire l'indépendance?.. On ne peut savoir. Ce que je sais c'est que la stratégie de la gouvernance souverainiste, des gestes de rupture, nous permettra de remettre le débat national sur la table tout en faisant des gains pour notre peuple.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2009

    Bonjour Monsieur Boileau,
    Vous résumez très bien la situation je crois.
    Le mot tabou, mais qui est si exacte, est " assimilation ", exactement la situation des francophones au pays. D'où le facteur temps étant si important.
    Bien à vous,
    Stéphane Bélanger

  • Michel Guay Répondre

    8 juin 2009

    En fait récupérer les pouvoirs de l'État du Québec constitué en 1774 et ceux acquis en 1867 ne peut pas nuire à l'indépendance en autant que nous commençons par rapatrier l'ultime pouvoir de collecter tous les impôts, taxes et assurances . En d'autres termes il faut rapatrier nos pouvoirs dont nous avons la certitude de recevoir un refus d'Ottawa puis tenir un référendum pour l'indépendance et non pas à la pièce donc sectoriel .
    Le plan Marois est excellent pour dégeler les ardeurs indépendantistes et pour convaincre la nation Québecoise que seule notre indépendance nationale nous ouvrira le monde et nous permettra d'avoir notre pays francophone.
    Ce plan n'est pas accepté mais nous devons en discuter

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juin 2009

    Pauline Marois fera de son « Plan pour un Québec souverain » le cheval de bataille du PQ afin de rallier tous les vrais souverainistes qui finiront avec cette confédération arbitraire et raciste.
    Avec un tel PLAN de libération nationale, ce qui suit ne pourra plus prévaloir :
    Le piège constitutionnel sous les lois d’Ottawa fait que la souveraineté nationale du Québec continue à diminuer, et à long terme, à disparaître. Le traité "constitutionnel" de 1867 qui est à l’origine de la présente Confédération canadienne est en fait une action politique et juridique de détournement des procédures démocratiques par un enchaînement d’intérêts partisans au service des corporations transnationales et des groupes financiers antiquébécois. Ce traité "constitutionnel" est avant tout une ingénierie politique d’exclusion, faisant que la désunion des Québécois renforce le pouvoir fédéral par des lois interventionnistes et arbitraires. En d’autres mots, la constitution canadienne comprend une dynamique de pouvoir centralisateur et de fragmentation sociale et politique allant à l’encontre du peuple québécois, du fait de la primauté accordée au droit fédéral sur les droits nationaux du Québec*.
    JLP
    ___________________________
    *. Passage extrait de mon article Québec : du piège constitutionnel au déclin fiscal (publié à Vigile.net le 01 juin 2007).

  • Michel Guay Répondre

    7 juin 2009

    Ce matin Le Parti Québecois parle d'un seul référendum pour la Souveraineté et d'ici ce référendum il promet d'occuper tous nos pouvoirs grugés par les Canadians depuis 1867

  • Michel Guay Répondre

    3 juin 2009

    Rapatrier des miettes provincialiste tueras pour toujours la nécessité de l'indépendance dans l'opinion publique en n'apportant aucun réel pouvoir à la nation Québecoise qui continuerais à déperir dans l'anglicisation et la colonisation à la canadian

  • Archives de Vigile Répondre

    3 juin 2009

    Avec un peu de chance, s’il dirige bien ses dossiers, un gouvernement péquiste pourrait réussir à obtenir le soutien des Québécois pour rapatrier la compétence revendiquée. Au besoin, une consultation populaire sectorielle serait ultimement organisée, pour forcer l’État fédéral à abdiquer.(Patrice Boileau)
    Le PQ doit présenter les prochaines élections comme la consultation populaire et le soutien des Québécois qui lui donneront la légitimité de rapatrier ces compétences sans demandes au fédéral. C'est ça une gouvernance souverainiste.
    Le peuple va accorder cette légitimité démocratiquement par cette élection et le gouvernement démocratiquement élu va appliquer sa volonté.