Ignatieff, c'est niet!

Chronique de Patrice Boileau


Le nouveau chef du Parti libéral du Canada était de passage à Montréal. Il participait à un cocktail de financement le 4 juin dernier. Dans le discours qu’il a prononcé à ceux qui ont payé le gros prix pour l’entendre, Michael Ignatieff a enfin précisé ses intentions politiques à l’égard du Québec.
Celui qui rêve de prendre la place de Stephen Harper au poste de premier ministre a proclamé que le Canada fonctionne très bien tel qu’il est présentement. Le Québec qui en fait partie dispose de tous les outils pour s’y développer pleinement. En conséquence, aucune modification constitutionnelle n’est nécessaire. Le statut quo est la formule idéale pour cette fédération que le leader libéral souhaite diriger.
Le chef du PLC sait très bien qu’il a tout faux. Sans réforme constitutionnelle qui doterait le Québec de compétences distinctes pour protéger sa différence, la canadianisation de la nation francophone qui habite ce territoire s’accélèrera.
Le processus est solidement enclenché. On en a eu une preuve de plus la semaine dernière, possiblement la plus brutale : Montréal, métropole du Québec, n’est plus sous le contrôle politique de l’Assemblée nationale, ni de la majorité qu’elle représente. Le quotidien anglophone The Gazette, une institution anti-francophone qui crache son venin depuis la fin du XVllle siècle, a condamné en effet l’unilinguisme de Louise Harel qui se lance à la conquête de la mairie. Le quotidien montréalais a même écrit lui préférer le criminel Maurice « mom » Boucher, comme premier magistrat de la ville. Ce journal qui se veut le porte-parole de ceux qui ont la mainmise sur la cité, proclame finalement le caractère anglophone de la métropole et sa détermination de le préserver.
Pourtant, selon le dernier recensement publié par Statistique Canada en 2006, 87% de la population montréalaise manifeste une connaissance de la langue française.
Seulement 19% y parlerait l’anglais, à la maison. Le visage de la ville expose néanmoins une réalité nettement moins rose pour les francophones qu’elle abrite. Manifestement, la loi 101 qui fut adoptée en 1977 n’était pas accessoire : les modifications que la Cour suprême lui a ensuite imposées ont permis le gâchis qui peut être maintenant observé. Les francophones ne sont tout simplement plus chez-eux sur l’île, comme le démontre le dernier coup de slave du journal The Gazette. Tellement qu’il serait même périlleux pour Louise Harel de défiler dans certains quartiers de l’ouest de Montréal.
Ils ont été plusieurs, en plus du journal anglophone de Montréal, à reprocher également l’allégeance souverainiste de Louise Harel. Comme si son passé de ministre au sein d’un gouvernement du Parti québécois la disqualifie au poste qu’elle convoite! Pas un mot cependant sur les antécédents libéraux de l’actuel maire Gérald Tremblay. L’ancien ministre du gouvernement Bourassa est effectivement à l’abri de toutes critiques puisque fédéraliste. Quel grossier favoritisme! Faut-il conclure que le Québec n’offre même plus une protection adéquate à ceux qui veulent y vivre uniquement en français??? Voir Louise Harel se faire ainsi crucifier dans sa propre maison parce qu’elle est en harmonie avec la culture de la majorité, montre à quel point l’offensive de l’occupant au Québec est menaçante.
Avez-vous entendu Jean Charest ou tout autre membre de son administration dénoncer l’attitude méprisante du quotidien montréalais? Nenni! Le gouvernement libéral est à la solde de ceux qui souscrivent à sa caisse électorale. Le journal La Presse est aussi complice de l’anglicisation de la ville. Son éditorialiste en chef, André Pratte, sermonnait encore dernièrement le parolier Luc Plamondon qui s’inquiétait de la dégradation de la langue française au Québec. Avec la dernière intervention de la Gazette, force est d’admettre qu’elle se porte vraiment mal : on la boude ouvertement au point de s’autoriser de forcer ceux qui la parlent à lui tourner le dos.
Il n’y a pas que Montréal qui échappe aux mains des francophones. L’île se veut l’épicentre d’un séisme anglophone dont l’onde de choc se propage rapidement tout autour. Ainsi, les couronnes nord et sud de la métropole connaissent une anglicisation tous azimuts. Il n’y a qu’à se promener sur le boulevard Taschereau, au pied du pont Champlain, pour s’en rendre compte. Moult quartiers de la ville de Laval connaissent aussi le même sort. Sans moyens législatifs costauds comme ceux dont jouissent les états souverains, ces régions québécoises se permettront sous peu de répudier tout ce qui évoque les traits culturels de la nation québécoise.
En refusant d’accorder à la nation québécoise des outils législatifs aptes à imposer sa francité, Michael Ignatieff souscrit à son érosion. Probable qu’il appuie également la thèse partitionniste que certains anglo-montréalais soutiennent. Il serait intéressant de lui poser la question afin de constater à quel point l’homme est transparent. Qu’il nous dévoile en effet son intolérance envers les francophones, voire son racisme à leur égard, en approuvant le retraçage des frontières québécoises basé sur des critères xénophobes, plutôt qu’historiques. Probable que le chef du Parti libéral du Canada décline de s’engager à respecter l’intégrité territoriale du Québec.
N’oublions pas que le statut de nation dont jouissent maintenant les Québécois ne se limite qu’à reconnaître un fait. Il ne suppose en rien l’adoption de mesures nouvelles visant son épanouissement, ni l’engagement à respecter les frontières qui délimitent son territoire. Voilà ce qui arrive lorsqu’on abandonne sa maison aux autres.
Patrice Boileau



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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 juin 2009

    Michael Ignatieff n'a rien de plus à offrir au Québec que ses prédécesseurs. En fait, il est l'héritier du PLC que nous avons connu sous Trudeau, Chrétien, Martin et Dion, c'est-à-dire un parti fédéraliste prêt à abandonner le Québec à la première occasion. Son absence lors du vote pour le respect de la loi 101 dans les entreprises québécoises sous juridiction fédérale est un bel exemple de ce à quoi nous aurons droit s'il devient premier ministre. Je vous invite à regarder cette vidéo qui en dit long sur Ignatieff:
    http://www.youtube.com/watch?v=U2VBsQSXe_Q

  • Archives de Vigile Répondre

    11 juin 2009

    Bonjour,
    Je suis un lecteur français assidu de vigile depuis plusieurs années et me réjouis à chaque fois de pouvoir lire les nombreux articles et commentaires de ce site.
    Au fur et à mesure des lectures, j'ai le sentiment que les articles sont de plus en plus catastrophiques et alarmants, comme si les choses ne faisaient que de se dégrader au Québec, sans que vous autres citoyens ne puissiez faire quoique ce soit.
    Je tiens à vous apporter mon soutien, et je souhaite de tout coeur que le Québec devienne un pays souverain et libre de vivre sa langue et sa culture.
    Bonne continuation
    O.B

  • Gaston Boivin Répondre

    10 juin 2009

    Vos propos sont éloquents : Cela devait être dit et cette manière de le faire en démontre l'urgence d'agir avant qu'il ne soit trop tard.
    Ce qui me surprend et ce qui me déçoit, c'est que votre texte n'air, à date, attiré que 57 visiteurs alors que des textes, qui défendent plus un parti que des idées et qui s'attaquent à l'esprit critique de Vigile et de certains de ses utilisateurs, en attirent des centaines.
    Tout cela est un peu désespérant!

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    10 juin 2009

    Hum...
    Je crois que tout cela, a au moins le mérite d'être très clair.
    Est-ce qu'il y a encore de pauvres fédéralistes qui croient encore en une possibilité de négociation pour un «fédéralisme renouvellé» ou autre formule du genre?
    Je pense que l'attitude de celui que Liza Frulla appelle «mon beau Michael Ignatieff», a de quoi réveiller le peuple québécois. Lui faire comprendre, que nous en sommes à la croisée des chemins!