Ralliement 101

Chronique de Patrice Boileau

La nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, ne jouit pas d’un contexte politique facile, depuis qu’elle occupe le siège du conducteur de la formation souverainiste. Elle tente de redonner un élan à son parti qui a posé des gestes qui l’ont mené à sa déconfiture électorale de mars 2007.
L’obsession référendaire du PQ, alors que les Québécois demandaient d’abord à être rassurés quant aux moyens utilisés pour contenir les débordements frauduleux des forces fédéralistes, en a amené plus d’un à appuyer un autre parti politique, ou à bouder les urnes, sachant combien ce mode d’accession à l’indépendance est dorénavant inapproprié.
L’Action démocratique de Mario Dumont, qui a misé davantage sur la préservation de l’identité québécoise, plutôt que son raffermissement en la dotant d’un statut national, a proposé à la population une sorte de « bonheur d’occasion. » Plusieurs y ont vu une façon d’éviter temporairement le supplice référendaire. La faiblesse de l’équipe adéquiste et surtout l’absence de solutions sérieuses à l’érosion du caractère distinct du Québec, ont cependant démontré les limites d’un discours basé uniquement sur la dénonciation. Les Québécois ont besoin en effet de se faire offrir des solutions concrètes à l’anglicisation qui modifie le décor de leur maison.
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Après avoir lancé quelques ballons d’essais dont certains assez maladroits, comme cette histoire de bilinguisation tous azimuts des Québécois, Pauline Marois semble vouloir recourir à l’arme linguistique pour remettre sur les rails le projet indépendantiste. La langue, garante de la culture d’un peuple, renvoie obligatoirement à la nécessaire souveraineté comme protection optimale.
La dirigeante du PQ doit à ce sujet une fière chandelle au député de Rivière-du-Loup. Mario Dumont, fort de sa profession de foi fédéraliste, s’est alors permis un propos fortement nationaliste et a réhabilité le « nous ». Il a clamé sans broncher l’importance d’accorder la préséance au groupe majoritaire de langue française au Québec. Impossible de lui reprocher de chercher à mousser la cause souverainiste. C’est ainsi qu’il est maintenant possible d’identifier les groupes culturels québécois sans automatiquement être accusé de racisme.
Certes, Pauline Marois n’a toujours pas résolu l’énigme référendaire que son parti s’entête à vouloir employer. Elle a fait le pari de gagner du temps, en la mettant sur la glace, en attendant de trouver un moyen de la rendre moins rebutante aux yeux des Québécois. Son geste a toutefois mal été reçu par des milliers d’indépendantistes. Il a été interprété comme un abandon de ce qui constitue le cœur du Parti québécois. Ramener au bercail péquiste ces souverainistes ne sera pas une mince tâche.
D’où l’idée de la députée de la circonscription de Charlevoix de promettre une nouvelle loi 101. Cette action hautement nationaliste peut se métamorphoser en offensive indépendantiste. Face au laxisme du gouvernement libéral dans le dossier de la protection de la langue française, l’engagement de Pauline Marois risque de plaire. L’attitude désinvolte du premier ministre Charest, face aux résultats inquiétants des dernières études linguistiques qui montrent un recul du français à Montréal, ramènera à l’avant-plan la connivence traditionnelle du Parti libéral avec les non-francophones du Québec. C’est un secret de Polichinelle que la clientèle principale du PLQ en est essentiellement composée. L’embellie dont jouit présentement le chef libéral risque alors de ne pas durer.
La leader du Parti québécois devra néanmoins peaufiner son projet de ragaillardir la loi 101. Plusieurs estiment avec raison que son désir de procéder à la francisation des entreprises de moins de 50 employés ne pourra se réaliser, faute de moyens. Réaffirmer énergiquement l’intention de redonner un visage français à l’État québécois est cependant une bonne idée. Qu'en sera-t-il toutefois du recours aux écoles anglophones non-subventionnées que nombre de parents québécois sollicitent pour y envoyer leurs enfants, afin de les faire intégrer par la suite dans le réseau scolaire régulier financé par les fonds publics? Que décidera Pauline Marois, face à la féroce force d’attraction qu’exercent les cégeps anglophones envers une majorité d’allophones qui sortent du système scolaire francophone? Assurément, un Québec souverain y mettrait un terme naturellement. L’actuelle province peuplée de la minorité francophone du Canada, assujettie à la Charte des droits et libertés, ne peut cependant rien y changer.
Il faudra voir jusqu’où ira Pauline Marois, maintenant qu’elle compte concentrer de nouveau les efforts de son parti sur la protection de la langue française. La lutte identitaire qu’elle a amorcée s’avère inéluctablement une stratégie qui cherche à restaurer le lien de confiance qui a été rompu avec un grand nombre d’indépendantistes. Il faudra indubitablement leur offrir plus pour les persuader de réintégrer la famille péquiste à la prochaine élection. L’unique projet de protéger davantage la langue sans toutefois vouloir l’abriter dans un palais national, incitera en effet plusieurs indépendantistes à lui faire la grimace.
Patrice Boileau


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juin 2008

    C'est très bien. Mais j'aimerais savoir. Oû sont donc les mouvements populaires ? Comment voulez-vous avoir un ralliement de fond et important, si nous n'avons pas de mouvements de masse comme dans les années 70 ? Et pendant la Fête Nationale du Québec ?, quelqu'un aura-t-il le courage de défendre chez les artistes l'intégrité de la Loi 101 ?
    Je serai à la manifestation. Mais voyez-vous nous n'arriverons à rien si personne se donne les moyens de transmettre le message. La mobilisation pour être efficace devra être commune et organisée de manière plus systématique, pas seulement de manière sporadique comme sous le PQ.
    Tout le monde reste dans son petit coin et fait sa petite affaire. C'est ce qu'il nous manque le plus. Pour avoir de l'impact, il va falloir avoir des structures pour faire sortir les gens mais surtout pour les réveiller, les brasser. Je me souviens de la dernière sortie de Claude Dubois face à ces racistes de CBC.
    Il va falloir avoir pas seulement des manifestations mais un plan d'attaque agressif constant, contre le gouvernement Charest, contre Harper, par l'opposition mais aussi par les mouvements populaires. Le concept d'une coalition arc-en-ciel doit être développée avec des portes-paroles crédibles et forts comme Claude Dubois. Oû sont les portes-parole et tous les mouvements ?

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 avril 2008

    Monsieur Boileau,
    Vous répétez ce mantra défaitiste: "Plusieurs estiment avec raison que son désir de procéder à la francisation des entreprises de moins de 50 employés ne pourra se réaliser, faute de moyens."
    Faudrait penser plus positif: "Avec cette nouvelle volonté politique officiellement affirmée, pas besoin d'un policier à chaque dépanneur. Plus de 4 millions de Québécois francophones sont là pour rappeler à l'ordre le petit arrogant de la rue Crescent qui croit désuète notre langue commune au Québec.
    Les gens qui n'osent pas s'affirmer, c'est qu'ils ne sentent pas nos élus assez déterminés.
    C'est comme le Marois-bashing, devenu mode chez les indépendantistes: c'est peut-être qu'ils la sentent isolée. Qui viendra mettre du boeuf autour de son nouvel os 101? Curzi a-t-il perdu sa verve? Les Gendron, Legault, même les ex: Charbonneau et autres, est-ce devenu honteux de promouvoir le parti de René Lévesque? Même les chroniqueurs: poussons tous ensemble!