Éditorial - Un Oui qui l'emporterait par une très faible marge lors d'un éventuel troisième référendum sur la souveraineté serait juridiquement suffisant, mais politiquement fragile. Il n'y a pas d'autre vérité que celle-là.
La nouvelle du collègue Raymond Giroux sur l'imposition d'un seuil de 55 % pour la reconnaissance de l'indépendance du Monténégro par l'Union européenne a eu un effet bénéfique, thérapeutique même. Elle a obligé les responsables politiques québécois, y compris le ministre Benoît Pelletier, à réitérer l'essentiel : la seule règle démocratique advenant une victoire du Oui chez nous sera celle du "50 % plus un". C'est elle qui devra s'appliquer.
On peut être sûr qu'en appuyant sur ce message, M. Pelletier a fait grincer les dents de certains de ses collègues. Tout le monde n'est pas au diapason sur cette question au sein de l'aile parlementaire libérale, ni même au Conseil des ministres. À sa façon, le responsable des Affaires intergouvernementales cultive son image de "conscience nationaliste" du gouvernement Charest. Mais l'important est qu'il ait clairement réaffirmé cette position, qui est celle de tous les partis à l'Assemblée nationale et qui doit le rester.
Si l'Union européenne a fixé le seuil à 55 % pour reconnaître l'indépendance du Monténégro - où la population se prononcera sur son avenir le 21 mai - , ce n'est pas pour établir un nouveau critère en droit international. (Il n'en existe d'ailleurs pas. S'il y en avait, les experts cesseraient de se disputer.) C'est parce qu'elle craint des mouvements de sécession dans les autres républiques de l'ex-Yougoslavie, notamment au Kosovo.
Chaque cas est particulier. Chaque situation renvoie à un contexte spécifique. Ce ne sont donc pas les précédents qu'il faut craindre pour le Québec ou le Canada. Ce sont les raccourcis.
Comme ceux de 1980 et de 1995, le prochain référendum québécois - s'il y en a un - sera gagné par le camp qui obtiendra la majorité des votes déclarés, soit 50 % plus un. On nagerait dans l'arbitraire en établissant d'autres seuils. Pourquoi 55 % et pas 65 % ou 70 %, une fois sur cette lancée ? Le problème avec de tels pourcentages, c'est que ce sont les minoritaires qui gagnent. Absurde.
Le gouvernement canadien n'aurait pas le choix d'ouvrir une négociation en bonne et due forme avec un Oui qui l'emporterait même par des poussières. Tout le monde devrait le reconnaître à Ottawa. Mais il est évident que le jeu des négociations serait beaucoup plus porteur pour les souverainistes si la victoire était acquise avec quatre, cinq ou six points de plus.
Le souverainiste Louis Bernard l'a rappelé pendant la course à la direction du PQ. Il a d'abord suggéré une question simple, qui rallie à la fois les fédéralistes acharnés et la frange la plus convaincue des péquistes : "Acceptez-vous que le Québec devienne un pays indépendant et souverain ?" Cet adepte d'un référendum "le plus vite possible" a ensuite fait la distinction entre le "juridique" et le "politique" : "Si le Oui obtient plus d'appuis que le Non, alors le Oui l'emporte. Cela dit, c'est sûr que politiquement parlant, on souhaiterait avoir la plus grande majorité possible."
Tous les leaders souverainistes rêvent d'obtenir 53 % ou 54 % des voix plutôt que 50,1 %. Pourquoi ? Parce que si l'aspect juridique est fondamental, il existe une autre variable : le rapport de force politique. L'un et l'autre sont indissociables.
JMSalvet@lesoleil.com
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