Les journalistes, pas au-dessus de la critique

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Le boulot des journalistes est de questionner le pouvoir

Les journalistes ne sont pas au-dessus de la critique. Ils n’ont pas à y échapper, pas plus que quiconque. Ils n’ont pas à bénéficier d’un sauf-conduit en la matière sous prétexte qu’ils constituent un rouage oeuvrant au coeur du fonctionnement de nos démocraties. Tout citoyen est aussi un rouage de nos sociétés.


Mais c’est un bien mauvais procès que certains individus ont dressé ces derniers jours aux journalistes de la Tribune de la presse, à Québec, lesquels couvrent à longueur d’année l’actualité politique québécoise. Et qui depuis quelque temps se consacrent beaucoup, par la force des choses, aux points de presse quotidiens du premier ministre François Legault. Oui, ils posent des questions. Et certaines sont pointues. Heureusement!


Qui le ferait sinon? Déjà que l’Assemblée nationale ne siège pas et que les partis d’opposition se sont retirés de l’avant-scène, s’il fallait en plus que les journalistes de l’Assemblée nationale se mettent aux abonnés absents, ce serait épouvantable.


Et s’ils ne devaient être que ces «pigeons voyageurs» décrits par le directeur national de la santé publique du Québec, Horacio Arruda, tous les citoyens seraient perdants.


Suis-je en conflit d’intérêts en abordant ce sujet? Je suis membre de la Tribune de la presse de l’Assemblée nationale. Toutefois, je ne suis plus, depuis l’an dernier, journaliste comme tel. Comme chroniqueur, je fais désormais valoir des points de vue ou des angles de l’actualité en fonction des perspectives qui sont les miennes. C’est tout différent du travail du journaliste, qui pose des questions, recueille des informations et les présente sans chercher à faire valoir sa propre vision des choses — une activité que j’ai exercée pendant de très nombreuses années.


En écrivant ce texte, je ne pense donc pas défendre ma pomme, mais plutôt la nécessité du travail des collègues journalistes posant tous les jours des questions aux responsables politiques québécois.


Évidemment, la dénonciation de leur travail n’a pas été générale. Elle a été le fait d’une minorité d’individus. D’une infime minorité sans doute. Et si la critique a davantage concerné les journalistes couvrant les affaires politiques québécoises que ceux couvrant celles du gouvernement canadien, à Ottawa, c’est bien sûr en raison de la très forte popularité dont jouit le premier ministre François Legault dans la population en général.


Moi qui suis (ceux qui me connaissent le savent) depuis longtemps très critique du milieu médiatique en général, qui estime que les médias montent trop souvent en épingle des choses de peu d’importance, qui me désespère depuis des années devant un certain bruit médiatique, je n’ai vu et entendu ici qu’un travail exemplaire en provenance des collègues journalistes de l’Assemblée nationale. Je n’ai entendu que des questions à la fois pertinentes et respectueuses — des questions reflétant des préoccupations et des questionnements de nombreux citoyens (et du personnel soignant en l’occurrence). J’ai beau chercher, je ne vois pas qui a pu reprocher quoi.


Ce qui m’a toujours fasciné toutes ces années en entendant parler ça et là des «journalistes politiques» de Québec (je parle de ceux en poste à l’Assemblée nationale), c’est de constater à quel point ils sont peu nombreux, mais à quel point ils permettent à un nombre tellement plus important de personnes — des commentateurs de toutes sortes dans les médias — de donner leur opinion par la suite.


Sans cette poignée de journalistes, bien des commentateurs — dont je fais partie — seraient bien dépourvus. Ce serait aussi le cas de très nombreux experts appelés à se prononcer sur tel ou tel aspect d’un problème et qui doivent bien souvent tenir compte des réponses fournies par nos responsables politiques; des réponses que ceux-ci fournissent (ou pas) aux questions pas toujours faciles, mais nécessaires, qui leur sont posées.


Les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault ont lancé cette semaine des appels aux accents churchilliens et gaulliens. Cela ne doit pas empêcher les questions pointues. La très large majorité des citoyens le comprennent très bien.