Lettre aux Québécois

Une énorme frustration

Le statu quo pour les enjeux des Premières Nations, la pire des solutions

7893c0ac85948406b4c5a02ab27a474c

Autochtones


Chers Québécois, nous pouvons comprendre que vous soyez exaspérés d'entendre parler des «revendications autochtones». Nous, nous sommes surtout fatigués d'en parler, sans que cela ne donne de résultat!

Ce que nous partageons et qui est le plus frustrant dans cette situation, c'est que ni vous ni moi n'avons les moyens de changer les choses, tant et aussi longtemps que les gouvernements se contentent de pelleter en avant des problèmes qui persistent depuis 1763. En effet, combien de Québécois savent que leurs gouvernements successifs ont totalement ignoré la protection de nos droits territoriaux inscrits dans la proclamation royale de 1763?
Reporter à plus tard les décisions difficiles à prendre, c'est hypothéquer encore davantage l'avenir de nos cultures, de nos enfants et de leurs enfants. Pour plusieurs, nos Premières Nations vivent dans des conditions inacceptables, dans des communautés qui ont été trop longtemps privées d'accès à des ressources pour favoriser leur développement économique, alors que la Proclamation royale devait protéger leurs droits d'accès à de telles ressources. Ne serait-il pas grand temps de redéfinir un partage plus équitable des ressources?
Créer et renforcer des liens
En cette «Journée nationale d'action», la circulation sur certaines routes du Québec sera temporairement ralentie par des Premières Nations qui souhaitent sensibiliser la population canadienne et québécoise sur l'urgence d'agir. J'entends déjà les nombreux commentaires négatifs. Ce n'est pas la première fois que nous tentons de rendre publiques certaines de nos préoccupations. Je constate qu'il est souvent très difficile de faire passer notre message, même si celui-ci est positif. Aujourd'hui, nous tentons de créer ou de renforcer des liens avec nos voisins québécois.
Par ailleurs, je comprends la réaction de certaines personnes qui ne saisissent pas pourquoi les Premières Nations semblent toujours être en revendication de droits, voire de privilèges. Les questions qui nous concernent ne sont pas simples et ne sont pas faciles à expliquer.
Soyons clairs: les Premières Nations souhaitent établir de véritables alliances avec les Québécois, du même type que celles conclues, il y a 400 ans, entre nos descendants et les colons français. Pour ce faire, il faut nécessairement que l'on mette fin au régime colonial qui continue d'exister; il faut que les gouvernements cessent de remettre à plus tard les questions difficiles liées à nos droits ancestraux, ainsi qu'à notre droit à l'autonomie gouvernementale.
Un meilleur partage
L'élément le plus litigieux et le plus important à régler est sans contredit la question territoriale. Plusieurs craignent que les Premières Nations revendiquent tout le territoire québécois. La réalité, c'est qu'effectivement les Premières Nations ont des droits sur d'immenses territoires, tels que reconnus par la loi, mais qu'il est temps de négocier tout simplement un meilleur partage qui permettra à nos deux réalités de coexister sur ce territoire.
Ainsi, depuis maintenant 400 ans, Québécois et Premières Nations partagent ce territoire sans qu'aucun traité n'ait été convenu et sans une réelle cohabitation respectueuse des droits de chacun. Cette situation ne favorise pas l'établissement de relations harmonieuses entre les Premières Nations et le Québec. Il est donc urgent que les gouvernements et les Premières Nations abordent cette question de fond. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous risquons de voir les relations sans cesse se détériorer.
Devant le peu de progrès réalisés au cours des dernières années, les leaders des Premières Nations vivent une énorme frustration et demandent des changements profonds à court terme. Cette frustration s'exprime notamment par les actions d'aujourd'hui. Mais cette frustration n'est pas dirigée vers la population québécoise. Je le répète, les Premières Nations souhaitent plutôt développer une alliance et une collaboration sincères avec leurs voisins québécois, car l'avenir des Premières Nations et de leurs relations avec l'État n'est pas que l'affaire des gouvernements, mais de toute la société. Tout le Québec gagnerait à voir les Premières Nations s'épanouir. (...)
La véritable solution réside dans l'autonomie gouvernementale. Nous connaissons les enjeux, nous connaissons les défis et nous connaissons les solutions. Les Premières Nations demandent aujourd'hui la reconnaissance de leur statut et la possibilité d'accéder aux ressources nécessaires pour mener à bien les défis qui les interpellent. Pour réaliser cet important objectif, les Premières Nations font appel à l'ensemble de la population québécoise.
Dans la Paix et l'Amitié,
Ghislain Picard
L'auteur est chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé