(Photo Patrick Sanfaçon)
Conflits, menaces, revendications, problèmes de gestion: les Québécois ont en général une opinion négative des questions et préoccupations autochtones, révèle un sondage exclusif SOM-La Presse, alors que se déroule aujourd'hui la Journée nationale de protestation des autochtones.
Ainsi, 37% des Québécois sondés considèrent que la plupart des revendications autochtones sont exagérées, et deux personnes sur trois (63%) jugent que les mesures que menacent de prendre certaines communautés - comme bloquer des routes ou des trains - nuisent à leur cause.
«Le message ne passe pas du tout», affirme d'emblée l'analyste affilié à la maison SOM, Guy Larocque, à la lumière du sondage mené auprès de 1006 adultes québécois. «La cause des Amérindiens, la perception que les Québécois en ont, elle n'est pas très bonne», dit-il.
Les résultats du sondage sont éloquents. Une forte majorité de Québécois (65,7%) considère que les communautés autochtones gèrent mal l'argent qui leur est versé par les gouvernements. Les personnes sondées ont aussi affirmé majoritairement que Québec et Ottawa s'occupaient assez ou très bien des revendications autochtones, malgré la frustration très présente dans les communautés à l'égard des gouvernements.
De plus, un quart seulement de la population juge que l'aide financière aux communautés autochtones est insuffisante. Plus de 69% des gens trouvent cette aide suffisante ou excessive.
En ce qui concerne les revendications, la population sondée est davantage encline à tolérer le financement de programmes sociaux plutôt que, par exemple, les revendications territoriales ou les demandes d'autonomie accrue.
On note toutefois une vision très différente des problématiques autochtones selon l'âge ou le niveau de scolarité. Par exemple, le sondage démontre que plus les personnes sondées sont scolarisées, plus elles sont ouvertes aux problématiques autochtones et plus elles considèrent que les revendications sont pour la plupart fondées. «Si la scolarité sert à quelque chose, elle sert à nuancer l'opinion générale sur la chose», explique M. Larocque.
Il en va de même pour l'âge. La moitié des Québécois de 65 ans et plus (51%) pensent que les revendications des autochtones sont exagérées. Chez les plus jeunes, moins du quart (24%) le croient aussi. «Ceux qui les entendent depuis plus longtemps sont ceux qui pensent le plus que les revendications sont exagérées, soutient l'analyste. Les gens qui entendent parler des problèmes des Amérindiens et qui, à l'occasion, voient dans les médias une voie ferrée bloquée, le village en Ontario (Caledonia) ou la crise d'Oka, n'ont pas l'impression qu'il y a quoi que ce soit qui se règle.»
En outre, ceux qui gagnent moins de 25 000$ par année sont les plus intransigeants à l'égard des problématiques autochtones.
Selon plus d'un Québécois sur deux, la pauvreté vécue dans plusieurs communautés n'est pas comparable à des situations vécues dans le tiers-monde, contrairement aux affirmations récentes du grand chef Phil Fontaine.
Chez les détenteurs d'un diplôme universitaire, 70% des gens considèrent la situation des femmes autochtones comme assez ou très mauvaise. Mais dans l'ensemble de la population, 44% perçoivent que leur situation est bonne. En 2006, Statistique Canada estimait toutefois que les femmes autochtones étaient trois fois plus nombreuses à être victimes de violence conjugale que les non-autochtones.
Selon le chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, ces résultats attestent avant tout un manque d'éducation et de compréhension de la population en général.
«Ce que les gens ne comprennent pas, c'est qu'il y a une perspective particulière aux Premières Nations, un contexte historique et juridique, explique-t-il. La Cour suprême s'est penchée sur de nombreuses causes et confirme qu'il y a bel et bien une légitimité dans les revendications autochtones et qu'il y a une obligation des gouvernements de donner suite à ces revendications-là.»
Malgré un faible appui populaire pour les causes autochtones, M. Picard ne croit pas que la journée de mobilisation prévue aujourd'hui nuira à l'image des communautés. «Qu'est-ce qu'on a à perdre? L'appui populaire, on ne l'a pas. On est à bout de recours. On ne peut pas toujours finir devant les tribunaux, on n'a ni le temps ni les moyens», dit-il.
«Le message qu'il faut retenir pour la journée, c'est qu'on est à bout de souffle, ajoute M. Picard. On souhaite seulement éduquer la population sur nos problématiques, la sensibiliser à la réalité qui oppose les gouvernements aux communautés.»
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