L'offensive israélienne serait illégale

Géopolitique — Proche-Orient


En matière de droit international, rien de justifie l'intervention musclée d'Israël au Liban, soutiennent des experts en la matière.
Israël avait bien le droit de répondre à la provocation du Hezbollah, certes, mais pas de tuer 250 personnes au Liban, la plupart des civils, explique François Crépeau, expert en droit international et directeur du Centre d'études internationales de l'Université de Montréal.
Israël enfreint, selon lui, deux règles importantes du droit international : l'utilisation de la force en dehors des deux motifs permis par la charte des droits de l'ONU, et le non-respect des règles humanitaires comprises dans l'article 33 de la quatrième convention de Genève.
«La charte de l'ONU prévoit un recours à l'utilisation de la force dans deux cas précis, lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU l'autorise, et lorsqu'il s'agit de légitime défense, soutient M. Crépeau. Pour qu'on qualifie leur geste de légitime défense, il aurait fallu que la riposte soit proportionnée. Là, c'est comme si la mafia italienne de Montréal faisait un enlèvement, et qu'on allait détruire tous les restos de la Petite Italie.»
Pour ce qui est de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, elle stipule noir sur blanc qu'«aucune peine collective, pécuniaire ou autre, ne pourra être édictée contre les populations, à raison de faits individuels dont elles ne pourraient être considérées comme solidairement responsables».
Plusieurs groupes de défense des droits de l'homme, tel Human Rights Watch (HRW), soutiennent aussi qu'Israël a enfreint plusieurs règles humanitaires, qu'il faut respecter même en temps de guerre. Les attaques contre des cibles autres que militaires, constituent, a priori, un préjudice au droit international. En aucun cas, non plus, la prise en otage de la population civile ne peut être tolérée, sous la convention de Genève.
Or, explique M. Crépeau, c'est exactement ce qui est en train de se passer au Liban. «Les Libanais ne sont que des pions dans une guerre qui les dépasse», dit-il.
Selon lui, si seules les bases du Hezbollah étaient attaquées, Israël aurait pu y trouver une justification en plaidant la légitime défense, surtout vu que le Hezbollah continue d'envoyer des roquettes en sol israélien.
Le politologue Jean-Pierre Derriennic, spécialiste des questions internationales à l'Université Laval, est aussi d'avis que rien ne justifie la riposte musclée de l'État hébreu sur le pays du Cèdre.
«Historiquement, pour Israël, faire des représailles contre les autorités du pays est un moyen de leur dire que le contrôle du groupe armé, (dans ce cas-ci le Hezbollah), c'est la responsabilité de l'État libanais, explique M. Derriennic. Ce raisonnement a un vague fondement en droit, mais le problème est que l'armée libanaise ne sera jamais assez forte pour contrôler le Hezbollah.»
Les bombardements d'infrastructures civiles (ponts, ports, aéroports), peuvent faire partie d'une sorte de guerre psychologique, afin que la population, terrorisée, fasse pression sur le gouvernement libanais, selon François Crépeau. «Mais quelles que soient les motivations, ce n'est pas légal en droit international», ajoute-t-il.
Le politologue de l'Université Laval pense pour sa part qu'une telle déstabilisation d'un pays qui vient à peine de se sortir de 30 ans de présence étrangère sur son territoire (occupation syrienne et israélienne), ne pourra qu'envenimer la cohabitation encore fragile des différentes communautés, «qui ne sont jamais à l'abri d'une nouvelle guerre civile».
Escalade de la violence
Si tous les ressortissants étrangers sont évacués du Liban, peut-on s'attendre à une escalade de la violence ?
«On ne peut prévoir l'avenir, mais c'est comme une vérité de La Palisse » répond Jocelyn Coulon, du Centre d'études internationales de l'Université de Montréal.
«Que la seule réaction des pays occidentaux soit de dire on évacue nos ressortissants", c'est comme leur dire (aux autorités israéliennes) que c'est prématuré de faire un cessez-le-feu, comme leur dire : "vous avez la permission de continuer à bombarder pendant quelque temps" », rétorque Jean-Pierre Derriennic, de l'Université Laval.


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