Le faux départ du Plan Nord

Plan nord



Le 6 novembre dernier, quelque 200 participants ont répondu à l'invitation des ministres Nathalie Normandeau et Pierre Corbeil pour discuter de la «démarche Plan Nord». Les municipalités interpellées par la démarche étaient très largement représentées. Parmi les communautés autochtones qui avaient aussi été invitées, certaines ont fait le choix de ne pas participer à cette grande rencontre, alors que d'autres ont accepté l'invitation du gouvernement du Québec.
Certains observateurs ont vite fait, comme c'est souvent le cas, de déterminer qui, du côté autochtone, avait tort et qui avait raison... Séparer les «bons» des «méchants» Indiens. La ministre Normandeau est vite arrivée à ses propres conclusions en affirmant, en conférence de presse, que les «dissidents» n'étaient «que 5 sur 33», insinuant ainsi que la majorité était engagée dans la démarche; donc, tant pis pour eux.
L'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), malgré une invitation reçue tardivement (trois jours à peine avant l'événement), a fait le choix de ne pas se présenter à cette rencontre. La position est loin d'être motivée par un simple caprice ou un réflexe systématique de tourner le dos au Québec. L'APNQL a pris cette décision dans le respect de la majorité des chefs qui la constituent et non uniquement parce que cinq chefs innus avaient choisi de ne pas y participer. La décision de l'APNQL était en partie fondée sur des principes qui font l'unanimité chez l'ensemble des nations, y compris la nation crie. Un de ces principes affirme que tout partenariat avec les gouvernements non autochtones doit être fondé sur les principes d'égalité et du consentement libre et éclairé des peuples autochtones.
Parmi les autochtones, ce qu'il est important de savoir, c'est que personne n'a tort. Les chefs qui voient dans le Plan Nord (du moins ce qu'on en sait) la ruée vers des perspectives économiques, autrement inexistantes, ont tout à fait raison d'exiger et d'occuper leur place. Il s'agit d'une position totalement légitime. Les chefs qui croient avoir d'autres intérêts que les maires des municipalités ont tout aussi raison de réclamer une considération appropriée à leur statut de la part du gouvernement. Cette position est tout aussi légitime. Et ceci, sans oublier les nations signataires des différentes conventions qui, à juste titre, exigent aussi le respect des cadres prévus non seulement par les différentes conventions des années 1970, mais aussi par les accords complémentaires, comme la Paix des Braves.
Le Plan Nord peut difficilement devenir une réalité dans la négation de l'histoire qui a vu un grand bâtisseur, Robert Bourassa, tenter d'éviter un incontournable en développant la Baie-James, sans égard aux peuples autochtones qui occupent ces territoires et y détiennent des droits.
Être premier ministre et grand bâtisseur (n'est-ce pas l'ambition de Jean Charest?) ne fait pas nécessairement de la personne qui en assume la responsabilité un leader plus sensible aux préoccupations légitimes de nos peuples et disposé à engager un véritable dialogue. Le gouvernement du Québec, tant pour le Plan Nord que pour tout autre projet de loi qui touche nos territoires, y va d'une interprétation malhonnête et minimaliste de l'obligation de consulter et d'accommoder nos peuples, en dépit des consignes clairement exprimées par la Cour suprême du Canada.
La «Table des partenaires», pour engager toutes les parties vers le Plan Nord, fait référence, pour la partie autochtone, «aux quatre nations» qui ont signé ou qui négocient un traité, mais elle n'a aucune considération pour celles qui n'appartiennent à aucune de ces catégories, qu'elles détiennent ou non des droits et des intérêts au nord du 49e parallèle... Autre exemple de la primauté de l'État! Les seules conditions acceptables seraient donc celles du gouvernement du Québec. Nous sommes loin des relations de nation à nation...
Le Plan Nord ne pourra être un vrai plan que lorsque le Québec acceptera d'enlever ses oeillères, afin de tenir compte de la réalité politique que nos nations représentent, à travers nos différences et particularités respectives. Plutôt que de tenter de semer la zizanie ou de faire croire à la division parmi nos nations, le gouvernement du Québec devrait assumer pleinement ses responsabilités.
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Ghislain Picard - Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador


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