Que changera la chicane politique autour des Innus et du Plan Nord aux conditions sociales désastreuses dans lesquelles (sur)vivent des communautés autochtones? Voilà la question qui se terre sous la joute opposant le député adéquiste François Bonnardel aux libéraux de Jean Charest. Dans l'action efficace, cette question maintes fois relancée mérite une vraie réponse.
Évoquer le triste sort des autochtones, aux prises avec des problèmes de dépendance accrue, des taux de suicide démesurément élevés, des cycles de violence et d'abus, serait «tabou»? S'interroger sur le bon usage de sommes versées aux autochtones et distribuées par les communautés équivaudrait à remuer les «préjugés»? François Bonnardel n'a peut-être pas abusé de délicatesse lorsqu'il a remis en question le bon usage des sommes remises aux Premières Nations par Hydro-Québec, mais qu'il s'interroge sur l'effet néfaste d'une remise de chèques dénuée de projet porteur est tout à fait pertinent.
Le gouvernement Charest a beau jouer les vierges offensées, «Faire le Nord ensemble. Le chantier d'une génération» repose sur une prémisse — le succès du Plan Nord passe par la participation essentielle des autochtones —, un souhait — assurer le mieux-être et le développement des communautés — et des constats — des défis particuliers attendent les Premières Nations en matière de logement, d'emploi, d'éducation, de santé et de culture.
Combien d'études, de rapports, de plans d'action ont été déclinés au fil du temps sur le sort fragile de ces communautés privées de repères et plus vulnérables aux dépendances? Québec vient de lancer des campagnes de prévention des dépendances chez les jeunes, dont l'une est spécifiquement destinée aux autochtones, car ils sombrent dans la toxicomanie bien plus tôt que la moyenne. Combien de reportages-chocs, de faits divers d'une tristesse infinie, ont été déclinés sur le thème des autochtones en quête d'une vie meilleure? Tous ces portraits n'ont guère changé quoi que ce soit à la source du mal. On peine toujours à trouver une manière d'aider ces groupes à retrouver un sens perdu.
Les millions promis par Québec viendront-ils atténuer tous ces maux? Les coefficients de difficulté s'additionnent: les communautés, particulièrement chez les Innus, sont divisées. Certains conseils de bande subissent des remises en question internes — celui de Raphaël Picard, qui dirige la réserve de Pessamit, en rupture de négociation avec le gouvernement. Des ententes demeurent secrètes. Le terrain de discussion est à teneur très sensible.
Pour rassurer les inquiets, le gouvernement Charest brandit la magie de la «création d'emplois». Mais ni l'argent ni les emplois n'adouciront la profondeur des déroutes autochtones si l'on ne trouve un mode d'appropriation, par les communautés elles-mêmes, des solutions les plus porteuses. Des «Plans Nord» du passé, qu'avons-nous retenu? Qu'une fois l'effervescence économique des débuts envolée, les villes deviennent fantômes, fragilisant à nouveau les piliers de l'espace abandonné, ces si solides et frêles à la fois autochtones.
Le véritable tabou n'est donc pas là où on l'imagine. Québec a plus d'une fois sonné l'alarme sur l'immensité des problèmes soufferts par «son» tiers monde. Le portrait est connu. Mais on peine toujours à brandir les programmes efficaces ayant réussi à enjoliver une série noire de statistiques. Dans l'action déficiente se cache le vrai tabou.
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