Une décision de Marois soulève la grogne de militants

L'affaire Bourgeois-Le Québécois


Patrick Bourgeois du Réseau de résistance du Québécois - Photo: Le Soleil

Tommy Chouinard - (Québec) Les députés péquistes soulèvent la grogne de militants de leur propre parti après avoir décidé de couper les vivres au journal indépendantiste Le Québécois, dirigé par Patrick Bourgeois.
Le bureau de la chef Pauline Marois a annoncé vendredi que les députés n'achèteront plus de publicités dans ce journal parce que M. Bourgeois a fait des «commentaires inacceptables qui s'apparent à des propos violents» lorsqu'il a dénoncé la reconstitution de la bataille des Plaines d'Abraham. La semaine dernière, la figure de proue du Réseau de résistance du Québécois (RRQ) a évoqué que des personnes, en colère contre la Commission des champs de bataille nationaux, «font de véritables appels au meurtre». La Commission a annulé la reconstitution de la bataille, se disant incapable d'assurer la sécurité des participants.
La décision du bureau de la chef péquiste ne fait pas l'unanimité parmi les militants réunis au conseil national, qui se tient ce week-end à Québec.
«Je trouve désolant qu'on décide de larguer le journal Le Québécois», a affirmé Marc Laviolette, le président des Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre, un club politique du PQ.
«Ce journal ne prône pas la violence. Je ne comprend pas», a-t-il ajouté.
Même s'il ne partage pas «nécessairement» les propos de M. Bourgeois, il a affirmé que ceux-ci ont néanmoins joué un «rôle important» dans l'annulation de «la fête de la défaite de la France que voulait faire le fédéral».
Rompre les liens avec Le Québécois, «c'est une mauvaise décision qui peut nuire à la cause» souverainiste, a affirmé Patrice Vachon, trésorier du RRQ et militant du PQ.
«On peut se dissocier des propos de M. Bourgeois tout en continuant d'avoir des liens avec Le Québécois qui est un organe de presse important dans le mouvement souverainiste», a affirmé de son côté un délégué de Lévis, Félix-Antoine Dumais-Michaud.
«Il y a une différence entre Le Québécois et les propos qu'a tenus M. Bourgeois. Je ne vois pas pourquoi on devrait cesser de financer ce journal-là», a-t-il ajouté.
Des militants du PQ présenteront une motion d'urgence afin que le PQ «reste solidaire des organisations indépendantistes qui oeuvrent au quotidien et sans actes violents à la promotion des intérêts du Québec notamment dans le cadre de l'annulation de la reconstitution de la bataille des plaines D'Abraham». Cette proposition fera l'objet d'un débat demain.
Selon Mireille Roy-Mercier, une ancienne candidate dans Beauce-nord, les députés devraient continuer de financer Le Québécois. À ses yeux, c'est ce que laisse entendre la motion qu'elle présentera au conseil national.
Les uns après les autres, les députés du PQ ont défendu la décision prise en affirmant que Patrick Bourgeois était allé trop loin.
Bon an mal an, le PQ et le Bloc achètent 10 000$ en publicité au Québécois. Le Bloc n'a pas annoncé s'il entendait lui aussi rompre les liens avec ce journal.
----
Le RRQ largué par le PQ: l'éditeur du Québécois s'y attendait

La figure de proue du Réseau de résistance du Québécois, Patrick Bourgeois, soutient que la décision de la chef péquiste est fort regrettable puisqu'elle privera le Parti québécois d'une tribune précieuse. Le Soleil, Patrice Laroche

Simon Boivin - (Québec) Sorti triomphant de la bataille des Plaines, Patrick Bourgeois, du Réseau de résistance du Québécois, s'attendait à se «faire tirer dans le dos» par le PQ. En entrevue jeudi, il prévenait le parti quant aux risques de rupture avec certains militants souverainistes très actifs.
Directeur du journal souverainiste Le Québécois, M. Bourgeois n'a pas apprécié la façon dont le PQ s'est distancié de son organisation au cours des derniers jours.
«Ils ont tout le temps fini par nous tirer dans le dos quand il y avait des polémiques», a indiqué M. Bourgeois au Soleil, jeudi. «Alors ils vont sûrement le faire encore. Mais ils devront faire attention aussi. Chez nous, il y a des gens qui n'aimeront pas ça s'ils sont trop virulents. Et parmi eux, il y en a beaucoup qui sont leurs poseux de pancartes et leurs ramasseux de cinq piasses. C'est un divorce qui doit se faire à l'amiable s'ils veulent divorcer.»
Dans le forum du site Internet Le Québécois, mercredi soir, M. Bourgeois a comparé en gravité la déclaration de M. Bédard à l'affaire Yves Michaud, blâmé par l'Assemblée nationale en 2000. «Le PQ vient de me condamner totalement et très clairement, écrit-il. Yves Michaud était plus important que moi. Mais la condamnation est aussi violente.»
Les ponts coupés
À un militant qui lui a suggéré de prendre contact avec le PQ pour éclaircir l'affaire, M. Bourgeois a répondu : «Non, moi, c'est fini, je ne leur parle plus jamais!»
Le directeur du Québécois ne voit pas d'avenir politique pour son organisation et croit que le PQ demeure le véhicule «le plus solide et le plus sérieux» pour les souverainistes. Mais il entend mener sa «guerre politique» à sa manière. «On a été très critique envers le PQ, mais on se rend compte que ça ne sert pas à grand-chose parce qu'il ne change pas, dit-il. On s'est dit : ?Faisons comme s'il n'existe pas et marquons les points qu'on peut.?»
Il croit que son approche plus radicale permet de faire des choses que le PQ ne peut se permettre pour des raisons électoralistes. «On a jamais commencé à dire qu'on faisait dans la dentelle, dit M. Bourgeois. On n'essaie pas de devenir amis avec ceux d'en face. On essaie de gagner et les vaincre. (...) Pour nous, ça ne change pas grand-chose que la radio-poubelle s'énerve le poil des jambes. Nous, on brasse la cage. Le PQ ne voulait pas de la commémoration (de la bataille de 1759), nous, on l'a annulée.»
----
À leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont fermé le robinet du Québécois


Simon Boivin - Le Soleil (Québec) Bon an mal an, le Parti québécois et le Bloc ont acheté à eux deux quelque 10 000 $ en publicité au journal Le Québécois. Lorsque le PQ était au pouvoir, le mensuel souverainiste a aussi relayé de la publicité gouvernementale, a reçu des sommes du Programme de soutien à l'action bénévole et a presque touché une subvention de 238 000 $ du Fonds Jeunesse Québec. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral a fermé le robinet.
Le Québécois est un organisme sans but lucratif qui se divise en trois branches : le journal, la maison d'édition et une cellule militante active, le Réseau de résistance. La saga des plaines d'Abraham et son dénouement ont apporté beaucoup de visibilité à l'organisation.
À l'heure actuelle, ce sont les abonnements au journal, la vente de produits dérivés, les revenus d'édition et les dons qui font vivre l'organisation, explique Patrick Bourgeois, directeur du Québécois. Selon lui, les revenus publicitaires annuels totalisent à peine 10 000 $, incluant les achats du PQ, du Bloc et de quelques entreprises.
«Je n'ai jamais voulu parler de notre financement parce que je ne voulais pas faire l'illustration de notre faiblesse», a-t-il commenté. La question des «liens» entre le PQ et Le Québécois, soulevée par Jean Charest, l'a contraint à ouvrir un peu son jeu.
Le journal est né en 2001.
«Avant 2003, les relations avec le Bloc et le PQ allaient mieux, souligne M. Bourgeois. On commençait. On n'avait jamais été au coeur de l'actualité. Dans ce temps-là, on avait plus de publicité. C'était plus payant pour nous.» Au fil du temps, certaines controverses ou désaccords avec les partis souverainistes ont «laissé des traces».
La victoire libérale de 2003 a aussi porté un dur coup au financement du journal indépendantiste.
Dans son livre La nébuleuse : petit voyage au coeur des relations non recommandables de Jean Charest, M. Bourgeois évoque la fin de l'admissibilité du Québécois au Programme de soutien à l'action bénévole. «J'appelai la fonctionnaire responsable du programme, relate-t-il. Elle me dit alors qu'un ordre du Conseil du Trésor nous avait placé sur la liste noire du programme.» Le journal était alors privé d'entre 15 000 $ et 20 000 $.
Milliers de dollars perdus
Les libéraux ont aussi mis fin au placement publicitaire gouvernemental dans Le Québécois, le privant ainsi de «quelques autres milliers de dollars par année».
Finalement, M. Bourgeois impute à la victoire libérale le refus d'une subvention de 238 000 $ au Québécois à travers le Fonds Jeunesse Québec. «Il ne leur restait plus qu'à émettre le chèque, ou peu s'en faut, écrit M. Bourgeois. Choqué par cette situation, j'allai rencontrer des apparatchiks du PQ. On me dit qu'une telle situation était inadmissible et scandaleuse, mais jamais ils ne levèrent le petit doigt.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé