Un vrai Canadien

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB



Le p.-d.g. d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, n'a pas semblé très chagriné par l'échec de l'entente avec Énergie Nouveau-Brunswick. Depuis le début, c'était l'affaire du premier ministre Jean Charest, qui doit commencer à se demander ce qu'il laissera derrière lui, outre des urgences encombrées, des finances publiques en lambeaux, la carcasse de l'îlot Voyageur...
En sa qualité de mandataire de l'ensemble des électeurs québécois, le gouvernement est le seul actionnaire d'Hydro et M. Charest en est le chef. Il a donc parfaitement le droit d'imposer ses orientations à la société d'État.
Mieux encore, il peut rejeter le blâme sur ses dirigeants si les choses tournent mal. À l'en croire, l'entente avec Énergie NB a tourné court parce qu'Hydro était en train de se faire passer un citron. On avait sorti le champagne, la fanfare et les premiers ministres sans aucune vérification? Dire que nous pensions avoir les meilleurs experts au monde!
Heureusement que les Néo-Brunswickois, qui étaient farouchement opposés à la vente, ne se sont pas rendu compte de la bonne affaire qu'ils faisaient en nous refilant à prix fort un troupeau d'éléphants blancs. Ce pauvre Shawn Graham, dont la carrière politique risque maintenant de tourner court, serait donc victime d'une grave injustice. Sérieusement, de qui se moque-t-on?
Ce n'est pas la première fois que les fantasmes du premier ministre forcent M. Vandal à coiffer le bonnet d'âne. L'an dernier, on avait demandé à Hydro-Québec de revoir entièrement son plan stratégique 2009-13 pour tenir compte du «Plan Nord», lequel était devenu la marotte du premier ministre.
En commission parlementaire, M. Vandal avait été ridiculisé. Avait-on jamais vu une entreprise qui gère des milliards élaborer sa stratégie sur la base d'un document que son président admettait lui-même n'avoir jamais lu, pour la bonne et simple raison qu'il n'existait pas?
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Si M. Vandal n'a pas pleuré l'échec de l'entente avec Énergie NB, les larmes de crocodile de Pauline Marois ressemblaient beaucoup à celles que Jacques Parizeau avait jadis versées sur l'accord du Lac-Meech, dont il avait découvert les vertus seulement après avoir acquis l'assurance qu'il serait rejeté.
Jusqu'à cette semaine, Mme Marois n'avait montré aucun intérêt pour ce dossier. «Nous aurions souhaité qu'elle réussisse», a-t-elle cependant assuré à l'Assemblée nationale, s'empressant d'attribuer l'échec de la transaction à l'improvisation du gouvernement et surtout au déferlement de Quebec bashing des derniers mois.
Certains, dont son ancien collègue dans le gouvernement Parizeau Richard Le Hir, avaient pourtant eu des visions d'Apocalypse à l'annonce de l'entente. M. Le Hir craignait qu'en sortant ainsi de ses frontières, le Québec ne soit assujetti à l'Office national de l'énergie du Canada.
Selon lui, Ottawa aurait même pu invoquer l'article 92 de la Constitution, qui permet au gouvernement fédéral de déclarer un ouvrage provincial «à l'avantage général du Canada», ouvrant ainsi la porte à la privatisation d'Hydro-Québec. Je vous fais grâce de la suite de son scénario.
Sans sombrer dans la paranoïa, on peut être certain que M. Charest aurait profité de l'achat de réseau d'Énergie NB pour démontrer que l'appartenance à la fédération canadienne offrait des occasions d'affaires impensables dans un Québec souverain. Inversement, le camp souverainiste a maintenant beau jeu de présenter la levée de boucliers des derniers mois comme un nouveau rejet du Québec.
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L'effet sur l'opinion publique risque cependant d'être limité, si ce n'est que l'image de M. Charest se dégradera un peu plus. Que le Québec ne soit pas très populaire dans le reste du Canada ne constitue pas une grande nouvelle. Les Québécois sont également bien placés pour comprendre que les Néo-Brunswickois aient réagi négativement à l'idée d'être dépossédés de leur réseau d'électricité.
Ce serait évidemment une autre affaire si quelqu'un d'autre mettait le grappin dessus. Par exemple Terre-Neuve, qui rêve d'échapper au piège du contrat signé en 1969 et de profiter enfin des profits de l'électricité produite à Churchill Falls.
Danny Williams est le grand gagnant de l'échec d'une entente qu'il a combattue avec la plus grande férocité depuis le premier jour, avec l'appui de son collègue de la Nouvelle-Écosse, Darrell Dexter. Même après l'annonce qu'elle ne tenait plus, il continuait de dénoncer la fourberie légendaire d'Hydro-Québec.
Le Québec n'est plus dans le portrait, mais le problème d'endettement qui avait décidé Shawn Graham à vendre Énergie Nouveau-Brunswick demeure. Quel que soit le gouvernement qui sera élu à Fredericton l'automne prochain, il devra s'y attaquer.
Certains ont encore de Terre-Neuve l'image d'une province pauvre, perdue sur des bancs vidés de leurs morues, mais les Newfies sont maintenant riches de leur pétrole. L'Ontario reçoit maintenant de la péréquation alors que Terre-Neuve en paie.
Les lignes de transport d'électricité vers la Nouvelle-Angleterre que convoitait Hydro-Québec feraient sans doute le bonheur de M. Williams et il a maintenant les moyens de se les offrir. Une offre venant d'un «vrai Canadien» serait-elle aussi mal reçue que celle du Québec?


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