Les ministres libéraux avaient eu peine à contenir leur joie à l'annonce de l'élection d'André Boisclair comme chef du PQ. Dans les minutes qui avaient suivi, les téléphones cellulaires des journalistes affectés à la couverture du congrès péquiste s'étaient mis à sonner frénétiquement.
Au PLQ, on avait suivi la course à la succession de Bernard Landry en se pinçant pour être bien sûr de ne pas rêver. Les militants péquistes avaient beau avoir une propension notoire à se tirer dans le pied, on n'arrivait tout simplement pas à croire qu'ils puissent commettre une erreur aussi colossale.
Lundi, M. Charest a fait un peu d'humour à propos de la fréquence des changements de chef au PQ, mais personne au PLQ n'a pavoisé en apprenant le retour de Pauline Marois. On n'a pas même entendu d'allusions malveillantes à la Castafiore ou aux toilettes silencieuses.
Le whip du PLQ, Norm MacMillan, s'était fait taper sur les doigts quand il avait déclaré que le premier ministre mettrait M. Boisclair dans sa petite poche à l'Assemblée nationale. Ce n'était pas une chose à dire, mais il faut reconnaître que M. MacMillan avait bien évalué les deux adversaires en présence.
Par son comportement et ses déclarations maladroites, M. Boisclair avait prêté flanc aux attaques de M. Charest. Il sera beaucoup plus difficile d'accuser Mme Marois de manquer de maturité ou de jugement. Au surplus, elle n'aura plus à traîner le boulet référendaire.
Des députés libéraux réélus de justesse reconnaissaient déjà qu'ils auraient été battus si la campagne avait été le moindrement plus longue, et cette tendance s'est accentuée depuis.
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Le sondage CROP réalisé entre la démission de M. Boisclair et l'entrée en scène de Mme Marois a donné la mesure de l'hécatombe qui menace le PLQ. Dirigé par l'ancienne vice-première ministre, le PQ aurait recueilli 40 % des intentions de vote. Dans une lutte à trois, cela aurait suffi à lui assurer une majorité de députés à l'Assemblée nationale.
À 30 %, l'ADQ demeure au même niveau que le 26 mars, mais le PLQ a perdu 12 points. En cas d'élections, les survivants libéraux se retrouveraient dans le «poulailler» de l'Assemblée nationale, où sont relégués les députés du «deuxième groupe d'opposition».
Le moral était déjà à plat au sein de la députation libérale, qui compte un nombre record d'anciens ministres déçus d'avoir été rétrogradés, sans compter les vétérans frustrés d'être encore restés sur la touche et les candidats-vedettes auxquels on avait fait miroiter un portefeuille. Déjà boudé par les francophones, M. Charest a trouvé le moyen de mécontenter les communautés anglophone, juive et italienne lors de la formation du cabinet.
L'idéal aurait été que le calvaire de M. Boisclair s'éternise et soit suivi d'une course au leadership longue et fratricide qui aurait paralysé le PQ pendant de longs mois et détourné les projecteurs du gouvernement.
Son départ précipité et le coup de force de Mme Marois vont permettre au PQ de retrouver son équilibre beaucoup plus rapidement que prévu. Au surplus, les événements de la semaine dernière ont complètement éclipsé le discours inaugural. Celui-ci aurait dû marquer un nouveau départ pour le gouvernement Charest, mais c'est plutôt le PQ qui a ressuscité.
Hier matin, le caucus libéral semblait animé d'un sentiment d'urgence. Certains évoquaient même la possibilité que le gouvernement soit renversé sur le budget qui sera présenté la semaine prochaine. La nouvelle cheffe du PQ ne voudrait-elle pas profiter de la lune de miel avec ses militants, nécessairement éphémère dans ce parti ingouvernable?
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Même si Mme Marois a surpris tout le monde par la rapidité avec laquelle elle a réagi à la tentative d'intimidation de Gilles Duceppe, une telle précipitation ne lui ressemble pas. Elle voudra prendre le temps de s'installer et de stabiliser la situation financière de son parti avant de se lancer dans une nouvelle campagne électorale.
D'ailleurs, ce que François Gendron faisait valoir la semaine dernière demeure toujours valable: la population n'a aucune envie de retourner aux urnes, surtout pas au moment de partir en vacances. André Boisclair ne demeurera sans doute pas très longtemps député de Pointe-aux-Trembles et, pour peu que M. Charest soit coopératif, Mme Marois pourrait faire sa rentrée à l'Assemblée nationale à la session d'automne.
Maintenant que la question du leadership est réglée, le PQ n'aura cependant aucun intérêt à prolonger la vie du gouvernement plus longtemps que la décence ne l'imposera. La nouvelle législature est encore jeune, mais l'équipe adéquiste a beaucoup à faire pour démontrer qu'elle a la profondeur nécessaire à l'exercice du pouvoir. La comparaison ne peut que servir le PQ.
De toute manière, dans l'état où son prédécesseur lui a laissé le parti, Mme Marois pourrait simplement lui rendre son statut d'opposition officielle sans que son leadership soit sérieusement contesté.
Dans son discours de dimanche dernier, elle a d'ailleurs laissé entendre que Mario Dumont pourrait bien être appelé à former le prochain gouvernement. Elle serait heureuse de le voir arracher de nouveaux pouvoirs à Ottawa, a-t-elle dit, mais il est clair que l'échec de sa politique autonomiste la réjouirait encore plus.
La nouvelle conjoncture ne peut qu'inciter les libéraux à accélérer leur réflexion sur leur propre problème de leadership. Comme par hasard, c'est maintenant au PLQ qu'on envisage de reporter au printemps 2008 le vote de confiance auquel devra se soumettre M. Charest.
Hier matin, le premier ministre a donné à ses députés l'exemple du PQ pour démontrer qu'il est possible de retourner une situation en apparence désespérée, pour peu qu'on prenne les bons moyens. Cela pourrait donner des idées à certains.
mdavid@ledevoir.com
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