La génération critique (2)

Québec 2007 - réalignement politique

La génération critique
Les 25-35 ans, défense et illustration de la génération qui cherche plus que jamais comment « entrer dans le monde ».
Ce texte part d’un sentiment : celui que nous sommes, à presque 30 ans, les membres d’une génération hautement qualifiée, des plus critiques, mais somme toute collectivement démobilisée. Peu de choses nous lie en dehors de nos amitiés et de nos relations de travail. Et, quand il est question de se faire une place, chacun est laissé à lui-même ou à son couple.
La fatalité l’emporte trop souvent. Plusieurs d’entre nous remisent leurs idéaux et parfois même leur éthique personnelle en échange d’un emploi décent. Un geste normal? Le malaise demeure pourtant. La marche du monde ne nous convient pas. Et nous sommes plusieurs à ne pas y croire, à ce consumérisme salvateur. Comment vaincre cette « fatalité » paralysante? Comment entrer dans le monde sans trahir notre identité? Voilà les bases de notre questionnement.
La génération critique
Notre génération a une grande qualité, celle d’être critique. Cette attitude s’explique sans doute par le contexte de modernité dans lequel nous évoluons, ainsi que par un parcours scolaire qui nous est propre.
La prolifération des savoirs est une marque de la modernité. L’information circule plus que jamais par le Net, et la science repousse chaque jour la limite de ses investigations. Mais cette prolifération des savoirs a de quoi intimider, surtout lorsqu’on cherche à développer un sentiment de compétence par les actions que l’on pose. Agir dans un tel contexte peut devenir insécurisant. La position de critique est de loin plus séduisante. Voilà à quelle adresse nous logeons.
Ce contexte de modernité concerne tous les citoyens. Il n’en reste pas moins que l’élite de notre génération a été bien préparée à remplir son rôle de spectateur. Elle a prolongé son parcours scolaire plus longtemps qu’aucune autre génération avant elle, allant jusqu’à transformer cet apprentissage en mode de vie et parfois même en carrière.
Il est concevable que nous en ayons pris les mauvais plis. Peut-être avons-nous trop bien intégré la dynamique maître/élève, une position qui nous relègue au rang de spectateur. Un spectateur actif dans le meilleur des cas, lorsque nous critiquons le système.
Du particulier au politique
Comment renverser la situation? Comment dépasser notre condition de spectateur? Comment transférer nos compétences du particulier au politique? Bref, comment renouer avec le sens de la Cité?
1) En sapant les bases de notre cynisme
Il est effectivement surprenant de voir avec quelle désinvolture nous disqualifions les deux principaux lieux de pouvoir de notre société : l’État et les médias. Notre cynisme est-il fondé? Et d’abord : avons-nous mérité d’exprimer un tel cynisme? Notre génération a-t-elle essuyé tant de désillusions à ce jour? Ce n’est pas si sûr.
Entre-temps, nous crions notre insatisfaction dans la rue, plutôt que de prendre une part active aux divers congrès des partis politiques en place. Nous liquidons notre vitalité intellectuelle sur le Net, en blogues et en forums de toutes sortes, plutôt que de porter une voix claire et forte dans les médias traditionnels.
2) En revendiquant un espace critique libre, qui ne serait pas sans cesse menacé par les impératifs du marché.
Cet espace perd chaque jour du terrain au Québec. Les exemples se multiplient à un rythme alarmant. De La Presse qui fusionne son cahier Lecture avec la section OUPS destinée aux adolescents, à Radio-Canada qui renvoie ses intellectuels de la seconde chaîne lors de son virage musical, en passant par au journal ICI qui révise sa politique éditoriale dans une visée « grand public ».
La culture québécoise a besoin d’un espace public où sa création devient l’objet d’une réflexion structurée et structurante, propre à nourrir sa spécificité. Une génération critique, disions-nous? Il est temps de se comporter comme tel.
3) En prenant part à un projet politique, quel qu’il soit.
Ces projets sont divers et nombreux. Le fédéralisme des libéraux. L’autonomisme des adéquistes. Le socialisme des solidaires. L’indépendance des péquistes. Il serait même possible d’en ajouter de nouveaux, si notre génération consentait à fouler le sol de la politique partisane…
Le collectif Identité québécoise milite en faveur de l’indépendance du Québec. Ce projet politique est à la mesure de nos rêves, mais surtout de nos besoins collectifs. Le besoin d’être clair envers nous-mêmes et envers la gestion de nos affaires au Québec. Le besoin de savoir ce qui nous appartient en propre et le besoin de savoir ce qui nous manque. Le cadre fédéral crée une confusion sans cesse renouvelée, soit en s’immisçant dans nos affaires, soit en limitant notre liberté d’action nationale et internationale.
Agir
La situation n’est certes pas circonscrite à notre génération. Nous l’abordons ainsi parce qu’elle constitue, cette génération, notre premier repère. Qu’importe que l’on soit jeune ou vieux, après tout. L’important est d’agir. La conscience vient d’elle-même, lorsque nous sommes confrontés aux enjeux et aux dilemmes. Et puis s’il faut encore s’en convaincre, Victor Hugo souffla ces mots magnifiques avant de mourir : « Aimer, c’est agir. »

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Mouton NOIR mars 2007


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