Un nid de chicanes

Commission Castonguay

Le groupe de travail présidé par Claude Castonguay n'est ni le premier ni le dernier à se pencher sur le système de santé, mais ses prédécesseurs n'avaient jamais eu un caractère aussi politique.
Aucun des sept commissaires qui secondaient Michel Clair ou des 17 membres du comité dirigé par Jacques Ménard n'avait une affiliation aussi directe avec les partis représentés à l'Assemblée nationale.
Dans le contexte d'un gouvernement minoritaire, le comité Castonguay semble même avoir été programmé pour exposer leurs divergences au grand jour plutôt que pour rechercher un consensus. Un véritable nid de chicanes.
Tout le monde reconnaît que l'ancien ministre de Robert Bourassa est «un homme sage, respecté de tous», pour reprendre les mots de la ministre des Finances, mais ses opinions à propos de la place à accorder au secteur privé sont loin de faire l'unanimité. La personnalité des vice-présidents désignés par l'ADQ et le PQ ne pourra que renforcer davantage le caractère idéologique du débat.
Qui plus est, le comité fera ses recommandations à quelques mois des prochaines élections, dont la santé sera une fois de plus un enjeu de taille. À moins qu'ils ne se complaisent dans les généralités, on voit difficilement comment ses membres pourront s'entendre au-delà du constat des insuffisances du système actuel.
D'entrée de jeu, la réalisatrice adéquiste Joanne Marcotte, dont le film L'Illusion tranquille avait décrété la faillite du modèle québécois, a dit épouser plusieurs des idées que M. Castonguay défend sur toutes les tribunes depuis plusieurs années. Dans son esprit, il est clair que «le monopole public en santé ne livre plus la marchandise».
En revanche, mon ex-collègue Michel Venne, aujourd'hui directeur général de l'Institut du Nouveau Monde, n'a jamais caché son attachement au caractère public, universel et gratuit des services de santé.
Dans un mémoire présenté l'an dernier en commission parlementaire, l'INM s'opposait résolument à la levée de la prohibition de l'assurance duplicative et insistait pour que les cliniques spécialisées affiliées oeuvrent obligatoirement dans le cadre d'un financement public.
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Dans une chronique qu'il signait dans Le Devoir en juin 2005, M. Venne se défendait de tout dogmatisme. Son rejet du privé se voulait plutôt le résultat d'une «analyse rationnelle des avantages et des inconvénients».
Ce qui ne l'empêchait pas de dénoncer du même souffle «l'appât du gain [qui] fait briller les yeux d'une minorité de médecins arrivistes et saliver quelques dirigeants égoïstes de compagnies d'assurances». On peut penser que le commissaire utilisera un vocabulaire quelque peu différent de celui du chroniqueur.
Au moment où Pauline Marois prétend vouloir moderniser la social-démocratie péquiste, le choix du directeur de l'INM envoie un message passablement ambigu. Peut-être a-t-on voulu rassurer ceux qui pourraient s'inquiéter de voir le PQ participer à un comité dont le président semble avoir déjà écrit le rapport.
Mme Marois a toujours eu ce don de jouer sur deux tableaux. Pendant la course au leadership de 2005, elle avait réussi à s'assurer des appuis aussi bien dans le camp des «lucides» que dans celui des «solidaires». Les uns comme les autres la croyaient de leur côté. Il y a cependant des limites à dire à la fois une chose et son contraire.
La nouvelle chef du PQ ne peut ignorer que la perte de confiance dans le système de santé a atteint un degré tel au sein de la population qu'il existe un véritable danger de jeter le bébé avec l'eau du bain. Qu'on aime Philippe Couillard ou non, son arrivée avait fait naître de grands espoirs. S'il n'a pas réussi à redresser la situation malgré les milliards engloutis dans l'opération, plusieurs risquent de conclure que le système est fondamentalement vicié. Dans ces conditions, il vaut peut-être mieux entrouvrir les vannes avant que le torrent n'emporte le barrage.
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Si M. Venne assure avoir les coudées franches dans sa participation au comité Castonguay, il est moins certain que Mme Marois les ait au sein de son parti. Même si les militants péquistes lui ont fait un triomphe à Québec hier soir, tout ne lui sera pas permis, loin de là.
Elle réussira peut-être à imposer le dégel des frais de scolarité, mais remettre en cause l'universalité et la gratuité du système de santé est une tout autre affaire. Il est difficile d'imaginer Louise Harel et l'aile progressiste du PQ accepter un tel reniement. Sans parler de la faction syndicale.
M. Couillard en est un autre qu'il faudra surveiller attentivement au cours des prochains mois. Le ministre de la Santé s'est fait imposer un comité dont il n'avait nul besoin. Certaines de ses réflexions trahissent mal son agacement. Par exemple, cette remarque faite au Soleil à propos du ticket modérateur, dont M. Castonguay est un adepte: «Moi, je suis prêt à envisager toutes les options, mais j'aime la rigueur et je n'aime pas le simplisme.»
Les détracteurs de M. Couillard le dépeignent comme un apôtre de la privatisation du secteur de la santé. Les plus cyniques l'accusent même de laisser le réseau se dégrader pour mieux justifier sa privatisation.
S'il est vrai que certaines situations peuvent paraître aberrantes, rien n'autorise cependant à croire que le ministre vise autre chose qu'à prévenir une plus grande détérioration du système, compte tenu des moyens dont dispose l'État québécois.
S'il réussit à succéder à Jean Charest, on peut même penser que M. Couillard voudra ramener le PLQ aux «valeurs libérales» plutôt que de chercher à en faire un clone de l'ADQ, comme le premier ministre semble s'y appliquer. Pour le moment, M. Couillard ne tient pas le haut du pavé, mais le débat sur l'emplacement du CHUM a démontré qu'il pouvait avoir des idées passablement différentes.
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mdavid@ledevoir.com


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