Trois hirondelles ne font pas le printemps

Chronique de Louis Lapointe


L’élection de Stéphane Dion à la tête du PLC est probablement le dernier
symptôme de ce mal qui ronge le Canada. Depuis le rejet des accords du Lac
Meech et la fondation du Bloc Québécois il y a 18 ans, plus aucun parti
fédéraliste n’a pu tenir pour acquis l’électorat québécois. L’onde de choc
référendaire de 1995 n’a fait qu’accélérer ce phénomène de fin d’ère. Alors
que le scandale des commandites devenait le symbole de la gangrène qui
gruge le Canada, la loi sur la clarté n’a fait qu’apporter de fausses
certitudes aux Canadiens du reste du Canada au sujet de l’apparente
tranquillité qui régnait Québec.
Les Canadiens ont cru que le parrain de cette loi les sauverait du péril
séparatiste qui les menaçait au Québec et ont poussé l’odieux jusqu’à
l’élire à la tête du PLC, même si les Québécois n’avaient aucune sympathie
pour lui. Or, si les Québécois ne s’intéressent pas à Stéphane Dion, ils ne
s’intéressent pas plus au Canada et encore moins au sort des quatre
élections partielles qui se tenaient hier à l’ouest de l’Outaouais, parce
qu’il n’existe pas, à proprement parler, de fraternité canadienne au
Québec, juste des rapports de voisinage.
Ainsi, peu importe les résultats de ces quatre élections partielles, cela
ne rendra pas Stéphane Dion plus populaire auprès de l’électorat québécois
qui le perçoit d’abord comme l’homme de main du Canada anglais, pas comme
un chef désireux de donner aux Québécois un pays où ils seraient chez eux.
Trudeau avait promis que ce pays serait un Canada bilingue, ils n’en ont
jamais vu la couleur. Brian Mulroney avait promis de faire du Québec une
société distincte, cette promesse s’est heurtée à un mur d’incompréhension
dans le reste du Canada. Si Stéphane Dion ne promet rien, c’est parce qu’il
n’a rien à donner. Ça ne peut pas être plus clair !
Jadis, les chefs fédéraux qui provenaient du Québec pouvaient toujours
compter sur d’importants appuis au Québec. Ce n’est plus le cas. À part le
chef du Bloc Québécois, aucun chef de partis fédéraux ne peut prétendre à
un tel privilège. On entend souvent dire que l’option indépendantiste
soulève peu d’enthousiasme. Pourtant, lorsqu’on observe sérieusement la
situation, on constate que c’est surtout l’option fédéraliste qui est en
panne. Jamais dans l’histoire du Québec moderne les partis fédéralistes et
leurs chefs ont eu autant de difficultés à percer. À cet égard, le cas de
Stéphane Dion est particulièrement éloquent.
Il faut vraiment qu’un chef québécois soit à court de ressources au Québec
pour définir toute la stratégie de sa prochaine campagne électorale à
partir de la victoire de quatre élections partielles se tenant hors de sa
province d’origine. Non seulement cela est surréaliste, mais en plus, cela
révèle un profond malaise qui n’incitera certainement pas l’électorat
québécois à appuyer un chef qui ne les prend pas en compte, comme si
Stéphane Dion souhaitait une victoire retentissante dans le reste du Canada
afin de mieux imposer à ses compatriotes Québécois, sa propre vision du
Canada et du Québec.
Louis Lapointe
Brossard
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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