Identité québécoise

Si le "Nous" vous tue, de mon côté, votre "VOUS" me tue

Réplique à Rima Elkouri : "Le "Nous" me tue"

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier


Madame Elkouri,
D'abord, félicitations pour [ce beau texte plein d'humour!->9838] Ça m'a fait rire à plusieurs endroits. Il est vrai que la stupidité de certaines gens est sans borne, et quand on écrit et publie, on reçoit des feedbacks de tous les genres, tant intelligents que débiles. Ce sont les ennuis de la friture du métier, face auxquels il faut savoir en prendre et en laisser, garder la tête sans cesse au-dessus de l'eau et savoir dire que "La pluie de vos insultes n'atteint pas le parapluie de mon intelligence"!
Il est vrai qu'il suffit d'avoir un nom à consonnance étrangère pour être perçu ou classé comme un ou une immigrante ou immigrée. Est-ce si étonnant? Pas du tout, c'est, au contraire, tout à fait naturel. De plus, reconnaissons que les points de vue divergents du nôtre peuvent venir autant, sinon plus, de notre propre groupe ethnique. Dans l'ensemble, je ne partage pas plus votre façon de voir la question québécoise, et spécialement la question du "Nous" et du "Eux", que celle de votre collègue Lysiane Gagnon. Pas rapp pantoute avec l'origine ethnique!
Ce que je n'aime toutefois pas dans votre article, c'est que vous vous basez uniquement sur des réactions niaiseuses pour nier la réalité de ce "Nous" et de ce "Eux", ces pronoms honnis qui, pourtant, sont utilisés à tour de bras, et avec raison, dans le quotidien, et qui désignent, que vous le reconnaissiez ou non, des réalités qui ne peuvent être niées. Quelques exemples? Nous, les Musulmanes. Nous, les Arabes. Nous, les Noirs. Nous, les enfants de la loi 101. Nous, les journalistes. Nous, les lecteurs et lectrices. Nous, les profs. Nous, les étudiants. Nous, les employés de la Fonction publique. Nous... ETC! - Et pourquoi donc, Madame, serait-il interdit de dire "Nous, les Québécois d'origine canadienne française"?
A votre question sur le nombre de générations nécessaires avant de ne plus être considéré comme un étranger - car je fais partie de "ces gens ("ces gens-là", peut-être??) qui se portent à la sauvegarde d’une certaine idée du «Nous»", comme vous dites, - un Nous qui, quant à moi, n'est pas du tout inquiet ni, encore moins, "démagogique" (ah!, Madame, ça alors! Qu'êtes-vous allée dire là?), ni nouveau (nous existons depuis 400 ans), mais un Nous sans guillemets et fier de ce qu'il est, comme le sont tous ceux et celles fiers de leur identité culturelle. A votre question, donc, je vous réponds: Pas rapp! Qui est né ici n'est pas un étranger, la définition littérale de ce dernier étant "qui est d'une autre nation". On se sent aussi un étranger quand on ne partage pas la culture du groupe dont on fait partie ou dans lequel on se retrouve, par exemple, en immigrant ou en voyageant dans un pays complètement différent du nôtre, tant par ses us et coutumes que par sa morale.
Qui porte un nom à consonnance étrangère doit s'attendre à se faire poser, un jour ou l'autre, la question de ses origines - ou en tout cas l'origine de son nom, de sa famille - et ce, sans s'en offusquer. Au contraire, cette question-là manifeste un intérêt pour l'autre et, selon mon expérience, elle est toujours une source d'enrichissement et de compréhension mutuelle et, ajouterai-je, d'OUVERTURE à l'autre. Si je portais le nom belge de ma mère plutôt que celui de mon père, on me poserait sûrement cette question, car les "de Moor" ne courent pas les rues québécoises, ni celles de la métropole, ni celles des régions. Or, si tel était le cas, ça me ferait le plus grand des plaisirs de parler de la Belgique et de mes grands-parents qui, en 1920, sont venus s'installer définitivement à Chicoutimi.
A votre autre question, sur "ce qu’il faut faire pour faire partie du 'Nous'", y avoir une place, eh bien, en regard des immigrants, c'est toute la question de définir ce qu'est une réelle intégration qui est ici en jeu. J'y réfléchis actuellement, c'est dans ma longue liste de mots à croquer, et j'imagine que vous aussi, vous êtes capable de faire cet effort, au lieu de vous contenter de nous mettre sans cesse entre guillemets comme vous le faites depuis au moins quelques semaines. Si le "Nous" vous tue, de mon côté, votre "VOUS" me tue.

Thérèse-Isabelle Saulnier, alias la croqueuse de mots.


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2 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 octobre 2007

    "La manie de la persécution ne ferait-elle pas partie de leur culture?" (M.Mance)
    Attention: Les Canadians me servent ça quand je dis que la pauvreté du Québec est une mission délibérée d'Ottawa observable par la démolition quotidienne de l'économie de Montréal et tout ce qui en dépend au Québec, en vue d'une minorisation continue. (on jour à la victime...)

  • Archives de Vigile Répondre

    27 octobre 2007

    ET, qu'ont-ils à vouloir toujours s'extraire du NOUS? Est-ce que les Blackburn, les Harvey, les Wagner, les Ellefson, les Haddad, les Maziade et bien d'autres encore songeraient un seul instant à le faire?
    Poser la question c'est y répondre. Ces Eux n'auraient-ils pas transporté ici les problèmes vécus dans leur propre pays? Ou la manie de la persécution ne ferait-elle pas partie de leur culture?
    Marie Mance Vallée