Se tirer dans le pied

2006 textes seuls

La semaine dernière, André Boisclair a chaudement applaudi à la décision du gouvernement Harper de couper les vivres au Conseil de l'unité canadienne.

Dans l'esprit de trop de Québécois, le CUC était indissociable de toutes ces années pendant lesquelles le camp fédéraliste a englouti des centaines de millions de dollars, légalement ou non, pour acheter leur adhésion au Canada.
Même le gouvernement Charest a dû suspendre son ancien directeur général, Jocelyn Beaudoin, qu'il avait eu l'imprudence ou l'impudence de nommer au poste de délégué du Québec à Toronto même si une enquête du directeur général des élections l'avait associé aux opérations nébuleuses d'Option Canada avant et pendant la campagne référendaire de 1995.
Toutes ces années de propagande fédéraliste, qui a culminé avec le scandale des commandites, ont laissé un goût très amer. Il faudra beaucoup de temps au Parti libéral du Canada pour regagner la confiance des Québécois.
Il est d'autant plus choquant de voir le Conseil de la souveraineté du Québec lancer une opération d'endoctrinement des enfants, à compter la maternelle, dont même le CUC n'aurait pas eu l'idée.
«C'est un pavé dans la mare», écrit le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, en avant-propos de ce «guide pédagogique» intitulé Parlons de souveraineté à l'école. Il ne croit pas si bien dire : un document aussi grossier éclabousse l'ensemble du mouvement souverainiste.
Qui plus est, on prend les gens pour des imbéciles. «Les situations présentées dans ce cahier n'ont pas pour but de manipuler les élèves ou les étudiants», peut-on lire en introduction. Ben voyons !
Au début des années 70, la Centrale des enseignants du Québec (CEQ), rebaptisée CSQ depuis, avait voulu mobiliser les écoles québécoises dans la lutte des classes. Le tollé avait été général. On le sait, la bêtise résiste à l'usure du temps. Hier, même le président de la CSQ, Réjean Parent, était atterré par cette une initiative qu'il a assimilée à du «lavage de cerveaux».
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Les auteurs ont fait preuve d'un remarquable souci du détail. Tout le matériel dont les enfants de la maternelle auront besoin pour fabriquer un drapeau du Québec est prévu : «feuille, crayon de cire blanc, pinceau, gouache bleue assez liquide».
Rectitude politique oblige, il faut être «inclusif». Dans les classes où il y a des enfants de familles immigrantes, on peut aussi fabriquer des drapeaux d'autres pays, dans la mesure où celui du Québec est placé au centre. Il ne faut cependant pas dire que c'est le drapeau «du pays de Sébastien» mais «du pays où sont nés les parents de Sébastien».
Tant qu'à y être, pourquoi ne pas commencer à initier les enfants aux vertus de la souveraineté dans les CPE ? C'est étonnant tout ce qu'on peut leur enseigner au moyen de comptines.
À compter du primaire, il devient évidemment plus facile de faire prendre conscience aux élèves de l'iniquité dont nous avons été collectivement victimes depuis la Conquête. Par exemple, il suffit de bien leur expliquer le texte du Canadien errant. «Pourquoi le Canadien pleure-t-il ? Pourquoi dit-il que son pays est malheureux ?»
Au secondaire, les élèves sont certainement en mesure de comprendre les bienfaits de la souveraineté. Puisque la Constitution canadienne ne tient aucun compte des «divers phénomènes modernes qui sont susceptibles de menacer la santé mentale et physique des enfants», on leur propose de «rédiger un article de la constitution du Québec qui assurerait la protection des enfants contre les abus».
Au collégial, les étudiants pourraient être invités à «développer un argumentaire pour convaincre votre voisin de résister à la propagande camouflée véhiculée par le gouvernement fédéral». Il est difficile d'imaginer plus belle illustration du proverbe de la poutre et de la paille. Inutile d'insister sur les activités suggérées au niveau universitaire et à l'éducation des adultes, où l'imagination devient la seule limite.
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La conférence de presse de Gérald Larose, hier, était déconcertante. L'ancien président de la CSN ne semblait pas plus conscient de l'incongruité de son document que du tort énorme que sa publication risque de causer à l'ensemble du mouvement souverainiste.
En lisant la définition de la propagande selon Le Petit Robert, il ne paraissait pas se rendre compte à quel point elle décrivait parfaitement l'initiative de l'organisme qu'il préside : «Action exercée sur l'opinion pour l'amener à avoir certaines idées politiques et sociales.»
Tout de même, n'est-il pas un peu troublant qu'un dessin illustrant une activité destinée aux enfants de la maternelle présente un drapeau canadien déchiré en deux au profit d'un fleurdelisé ? «Il y a un élément de rupture dans la souveraineté», a plaidé M. Larose.
À l'Assemblée nationale, les péquistes étaient dans leurs petits souliers alors que les libéraux ont pris plaisir à tourner le fer dans la plaie. En définitive, André Boisclair n'a pas eu d'autre choix que de se dissocier du Conseil de la souveraineté. Son «guide pédagogique» «n'a pas et n'aura pas, sous un gouvernement du Parti québécois, sa place à l'école», a-t-il assuré.
Pour le PQ, l'affaire est d'autant plus gênante que sa présidente, Monique Richard, siège à la commission de l'éducation du Conseil de la souveraineté. Comment se fait-il qu'elle n'ait rien fait pour prévenir cette bavure ? Un malheur ne venant jamais seul, M. Boisclair devra maintenant expliquer aux «purs et durs» de son parti pourquoi il condamne cette riposte à dix ans de propagande fédérale éhontée. Il doit commencer à envier M. Harper d'avoir réussi à se débarrasser du Conseil de l'unité canadienne alors que lui-même est pris avec sa bande de zélotes.
mdavid@ledevoir.com


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