Relations Québec-Canada: le calme ou la tempête?

Québec 2007 - le facteur «Canada»


L'industrie constitutionnelle a déjà fait vivre un régiment d'avocats et de politologues, et alimenté en munitions des générations de politiciens. Le débat entre souverainistes et fédéralistes fait moins recette. Mais tout de même, le dépôt du budget fédéral en toute fin de campagne a montré que les relations fédérales-provinciales restent un élément déterminant de la plateforme des partis.
À ce chapitre, le PLQ a adopté une stratégie plus conservatrice, des gains modestes mais continus. En toute fin de campagne, M. Charest soulignait que le «fédéralisme d'ouverture» s'est matérialisé en une augmentation de 18 % en un an des transferts fédéraux. Mais le plan libéral a eu des ratés. Le Conseil de la fédération, qui devait incarner le leadership du Québec dans ce domaine s'est étiolé - l'automne dernier les premiers ministres des provinces ayant décidé de ne pas se réunir avant le budget fédéral pour éviter d'étaler leurs embarrassantes contradictions en public. Le programme du PLQ sur cette question pourrait avoir été écrit pour un parti fédéral, a déjà accusé Mario Dumont.
Le vocabulaire de l'ADQ dans le dossier constitutionnel est plus proche de celui du rapport Allaire, la plateforme nationaliste du PLQ qu'avait repoussé Robert Bourassa en 1992, ce qui avait donné naissance à l'ADQ. La défense des champs de compétences provinciales est cruciale, et on s'attribue une nouvelle étiquette, séduisante mais bien nébuleuse, autonomiste. Mario Dumont semble prendre pour acquis que les électeurs sont saturés de ce débat et ne fait guère la promotion de ce volet de son programme. Il propose de faire du Québec un «État autonome», (comme la Bavière par rapport à l'Allemagne fédérale), et de faire adopter une «Constitution québécoise», des gestes sans conséquence concrètes qui risquent toutefois de provoquer une levée de boucliers au Canada anglais où l'égalité des provinces est un principe incontournable.
Du côté du Parti québécois, on propose le plan le plus radical de l'histoire du parti. Pas question de se contenter de proposer un «bon gouvernement» pour accéder au pouvoir dans un premier temps, comme en 1976. Le virage du «partenariat politique et économique», forcé par Lucien Bouchard en 1996, est aussi mis de côté. Pas de compromis non plus sur l'échéancier - le référendum devra avoir lieu durant le premier mandat d'un gouvernement péquiste, conformément au programme qui avait été adopté au moment du départ surprise de Bernard Landry. Mais André Boisclair joue en sourdine ce plan de match, les stratèges péquistes sont conscient que l'humeur n'est pas à une nouvelle «consultation populaire» sur la souveraineté.
Parti Libéral
PROMESSES
> «Assainir les relations fiscales au Canada» en améliorant l'équité et en complétant le règlement du déséquilibre fiscal.
> «Renforcer le Conseil de la fédération», le forum qui réunit les premiers ministres provinciaux. En 2008, la présidence de l'instance reviendra au Québec et les libéraux promettent d'en profiter pour «proposer un renforcementde son mandat et de son secrétariat à Ottawa».
> Les libéraux veulent que le Québec ait son mot à dire dans la nomination de trois des neuf juges de la Cour suprême, un des éléments de la défunte entente du Lac Meech. On promet aussi de négocier une entente avec le fédéral, reconnaissant la responsabilité particulière du Québec pour ce qui touche à la culture et aux communications.
Évaluation
> Les libéraux ont un plan de match bien «modeste», note José Woehrling, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal. Hormis la nomination des juges, rien de ce qui est proposé ne suppose un amendement constitutionnel.
> Pour Christian Dufour, politologue et chercheur à l'École nationale d'administration publique, les libéraux ont «eu une stratégie de petits pas informels, une approche pragmatique avec Ottawa. Aussi leur bilan est assez positif».
> Avec Jean Charest le PLQ est moins nationaliste que sous Robert Bourassa, «il a une position plus canadienne, plus fédérative», dit Jean-Herman Guay, politologue à l'Université de Sherbrooke. Le programme constitutionnel du PLQ est «trop fédéraliste» par rapport à la tradition de ce parti.
Parti Québécois
PROMESSES
> Un gouvernement du PQ «est résolu à tenir une consultation populaire sur la souveraineté le plus tôt possible durant son premier mandat».
> Au préalable il proposera un «pacte» sur la décentralisation de l'État aux régions. Il adoptera le «cadre législatif du pays, dont une Constitution initiale du Québec» et les lois nécessaires pour assurer la continuité des institutions politiques et juridiques.
> En cas de victoire du Oui, l'Assemblée nationale aura à adopter une motion pour reconnaître le résultat référendaire.
> L'Assemblée aura aussi à adopter une «Proclamation d'indépendance du Québec», au terme d'une période de négociation d'au plus un an avec le gouvernement canadien.
Évaluation
> La Cour suprême a dit que le Québec pourrait faire sécession unilatérale, à la condition qu'il puisse exercer son autorité sur son territoire et qu'il soit reconnu par la communauté internationale. «Chaque processus de sécession est un cas d'espèce», rappelle le professeur Woehrling.
> Le PQ propose selon M. Dufour «une souveraineté de plus en plus théorique» dans laquelle les boomers de se reconnaissent plus.
> Le PQ est plus radical, il a éliminé le partenariat avec le Canada anglais, les projets d'institutions communes, note M. Guay. Ce programme avait été adopté dans un contexte particulier, en juin 2005, on nageait encore dans le scandale des commandites à Ottawa et la souveraineté frôlait les 50 % dans les intentions de vote. «Cela avait l'air bon il y a deux ans, cela paraît aujourd'hui irréaliste.»
Action Démocratique du Québec
PROMESSES
> Établir une nouvelle politique «autonomiste» pour le Québec qui passe par «des relations bilatérales d'égal à égal» avec Ottawa.
> Abolition du Conseil de la fédération.
> Adoption d'une Constitution québécoise «pour affirmer nos valeurs et notre identité». Le Québec passera de province à «État autonome» pour lui permettre de mieux se définir.
> L'ADQ voudra défendre les champs de compétences du Québec, et «contrer l'intrusion fédérale à l'intérieur de nos champs de compétences exclusifs».
Évaluation
> En matière de relations fédérales-provinciales, «on ne comprend pas trop ce que l'ADQ propose», dit le professeur Woehrling.
> L'ADQ veut sortir le Québec de l'ornière fédéraliste-souverainiste, Dumont «veut aller plus loin et rouvrir la Constitution», estime M. Dufour. «S'affirmer sans se séparer, cela a bien de l'allure. On est bien dans le Canada et on veut y rester, c'est assez porteur à long terme.»
> Selon M. Guay, l'ADQ paraît «assis entre deux chaises», avec son programme constitutionnel. Cela rejoint les sentiments de bon nombre de Québécois, mais il y a «quelque chose qui ne fonctionne pas» dans ces engagements.


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