Régression

Dans le conflit israélo-palestinien, l'appui inconditionnel des États-Unis à Israël a partout renforcé le clan des durs.

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme

La lutte fratricide que les Palestiniens donnent en spectacle au reste du monde n'est que l'effet le plus voyant de la terrible régression qu'a connue tout le Moyen-Orient depuis la prise du pouvoir par George Bush en 2000. Une régression en partie endogène, mais qui a été aussi alimentée par les politiques désastreuses de l'Occident.
Dans le conflit israélo-palestinien, l'appui inconditionnel des États-Unis à Israël a partout renforcé le clan des durs. Du côté israélien, où l'on s'est senti autorisé à tout justifier pour écraser des Palestiniens désormais synonymes de violence et de terrorisme. Et du côté palestinien, où les forces du réalisme, du pragmatisme et de la démocratie balbutiante sont systématiquement écartées, marginalisées... par les radicaux de leur propre camp, et par ceux d'en face.
On a dit aux Palestiniens: «Votez !» Ils ont voté, puis on leur a dit: «Votre vote n'est pas valide, vous avez mal voté...»
Courant 2006, après la victoire démocratique de janvier, quelques représentants du Hamas -- comme naguère ceux de l'OLP longtemps diabolisée -- commencent à quitter leur crispation et leur dogmatisme anti-israéliens. On les entend dire des choses incroyables: «Bon, d'accord pour les frontières de 1967.» «Bon, d'accord pour une trêve de long terme.» Ils signent même des documents...
Et puis, soudain, hop! les bombardements reprennent... Et hop! voici une guerre du Liban qui fait taire ces nouvelles voix, pleines de subversion...
Devant la rage autodestructrice des extrémistes du Fatah et de ceux du Hamas (les brigades Ezzedine al-Qassam), on entend: «Voici le vrai visage du Hamas, une bande de terroristes et rien d'autre, et nous avions raison de les maintenir à l'écart.» Mais non, le Hamas, ce n'est pas seulement les brigades Ezzedine al-Kassam...
Plusieurs ont demandé au Hamas «tout, tout de suite»: la reconnaissance complète d'Israël, le respect de tous les accords passés, un désarmement total. Commentaire de Colin Powell, ancien chef de la diplomatie américaine, qui disait récemment en parlant du «front du refus» anti-Hamas, dont Washington et Ottawa sont les hérauts: «Vous ne pouvez pas négocier lorsque vous dites à l'autre partie : "Donnez-moi immédiatement ce à quoi des pourparlers devraient aboutir... avant même que ces pourparlers ne commencent."»
Et voilà pourquoi votre fille est muette.
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Quelques lecteurs m'ont reproché d'aller un peu vite en affaires en rejetant sur l'armée des États-Unis l'écrasante responsabilité de ce qui va mal en Irak, et de sous-estimer les responsabilités proprement irakiennes dans tous ces malheurs.
M. Martin Richard m'écrivait ainsi: «Les tueries, les égorgements, les explosions, les massacres seraient dus à de pauvres victimes toutes déboussolées par la présence l'oncle Sam. -- Ah tiens, un G.I. : je dois immédiatement massacrer la famille de mon voisin chiite.»
Certes pas: tous les massacres en Irak n'ont pas pour origine directe «la main de Washington». Les auteurs des violences intercommunautaires ne sont pas de simples automates plus ou moins téléguidés. Certains Irakiens n'attendaient que l'occasion de commettre leurs crimes. D'autres ont habilement jeté de l'huile sur le feu d'un terrain devenu propice.
Mais dans le cas spécifiquement irakien, ce sont bien les Américains qui ont ouvert de manière dévastatrice la boîte de Pandore en mars 2003, puis systématiquement aggravé la situation par leurs partis pris et leurs maladresses à répétition.
Oui, on peut prouver que les forces d'occupation en Irak sont directement ou indirectement responsables d'une fraction très importante des violences qui, chaque jour dans ce pays, tuent près d'une centaine de civils innocents.
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Encore une fois, les experts en sondages et projections électorales se sont trompés... entraînant dans leur erreur quelques journalistes pressés!
Les résultats des législatives en France sont connus depuis hier, et il ne s'agit pas de la débandade socialiste annoncée au soir du premier tour. Contre toute attente, le PS formera une opposition forte et nombreuse (près de 40 % des 577 sièges). L'UMP de Nicolas Sarkozy disposera non pas d'une majorité écrasante, mais d'une courte majorité absolue.
Ce résultat nuancé pourrait freiner les tendances hégémoniques du nouveau président... et s'avérer une bénédiction pour lui. Car l'histoire -- en France, mais aussi au Québec -- est pleine d'exemples de gouvernements enivrés par leurs super majorités, et qui ont creusé leur propre tombe du haut de leur arrogance.
Inversement, la défaite honorable du PS pourrait aider Ségolène Royal -- leader virtuelle mais pas officielle du parti, qui s'est fortement impliquée au second tour des législatives -- à conquérir effectivement la direction socialiste, et à faire face à ses nombreux «ennemis de l'intérieur».
Mais ce bon score peut également avoir pour effet de conforter les «fondamentalistes de gauche» contre ceux qui veulent dépoussiérer la vieille doctrine socialiste, ce qui est justement le projet de Mme Royal. Car une défaite écrasante aurait sans aucun doute eu le bon côté d'accélérer un tel mouvement.
Comme on dit toujours, et pour paraphraser le collègue Jean Dion: l'avenir nous le dira.
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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com

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