Le mea culpa d’Ignatieff

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme



Le Canada et ses alliés de l’OTAN seraient-ils en train de commettre en Afghanistan la même erreur que les Américains en Irak ? C’est la question qui se pose à la lecture du long mea culpa publié par le libéral Michael Ignatieff dans le New York Times Magazine de dimanche. Au moment même où le président afghan Hamid Karzaï débarquait aux États-Unis pour poser aux côtés de George Bush, M. Ignatieff y allait d’un texte pour admettre son erreur dans l’appui donné à l’intervention américaine en Irak.



Vous me direz que l’Irak et l’Afghanistan, ce n’est pas la même chose, vous avez raison. Mais il demeure que nos militaires ne seraient pas à Kandahar en ce moment, n’eut été de l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 et des efforts qui ont suivi pour capturer Oussama ben Laden. Ce n’est pas pour libérer les femmes afghanes de la tyrannie des talibans que l’OTAN a décidé de s’impliquer en Afghanistan. C’est pour contrer le terrorisme international. Si l’Occident décidait de se mobiliser contre tous les pays qui violent les droits de la personne, nos militaires seraient présents un peu partout dans le monde.
Dans son exposé, Ignatieff explique comment il en est venu à appuyer l’invasion américaine en Irak. « Plusieurs d’entre nous avons cru, comme me l’a dit un ami irakien en exil lorsque la guerre a débuté, que c’était la seule chance des gens de sa génération de vivre en liberté dans leur propre pays ». Il estime qu’il a fait l’erreur de se laisser guider par ses émotions au lieu de ne voir que les faits. Il explique ne pas s’être demandé, dans le temps, si les Kurdes, les Chiites et les Sunnites pourraient vivre ensemble sans y être forcés par Saddam Hussein. L’erreur des gens comme George Bush, selon lui, a été de se laisser guider par leur conviction que l’Irak deviendrait un pays libre et démocratique.
Ce que Michael Ignatieff ne dit pas, c’est que l’administration américaine a menti effrontément sur les plus hautes tribunes pour justifier sa guerre sainte en Irak. Son exposé tient la route, tant et aussi longtemps que l’on présume de la bonne foi et de la compétence des politiciens. Mais la bonne foi et la compétence n’étaient pas au rendez-vous dans le règlement de comptes entre George Bush et Saddam Hussein et dans la propagande du premier sur les armes de destruction massive. On veut bien croire que les Américains, traumatisés par les attentats du 11 septembre, aient pu croire à la sincérité du président. Mais il est surprenant que des gens aussi avisés que Michael Ignatieff n’aient pas douté de la véracité des allégations sur la menace présumée de Saddam Hussein.
M. Ignatieff note, avec raison, que de nombreux Irakiens paieront de leur vie, le retrait prévisible des troupes américaines de ce bourbier. Mais comment peut-on, après un tel constat, continuer de croire que le Canada et ses alliés parviendront à imposer la démocratie et la liberté en Afghanistan ?
Un porte-parole de la Croix-Rouge reconnaissait hier, depuis Kaboul, que la zone de combat s’étend vers le Nord, et qu’il est de plus en plus difficile de porter assistance aux populations civiles. La question n’est plus de savoir si nos intentions sont nobles en Afghanistan, mais de savoir si nous avons des chances réelles de l’emporter. Or, à ce chapitre, les faits ne sont pas encourageants. S’il nous est impossible de libérer le peuple afghan des talibans, le seul autre motif de notre présence dans ce pays est la lutte contre le terrorisme international. Il faut donc se demander si les militaires sont l’arme la plus efficace contre ce terrorisme qui se cache parmi la population civile et utilise les femmes et les enfants pour commettre ses attentats.


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